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Numérique et recherche en éducation : un livre blanc, et un dossier exclusif en 3 volets de ToutEduc

2 décembre 2020

Additif du 10.12.20
Éducation et Numérique : Inria fait le point dans un livre blanc
Dans un livre blanc intitulé « Éducation et Numérique : enjeux et défis », Inria dresse un état des lieux de l’impact du numérique comme vecteur de transformation éducative avant d’apporter sa contribution sous forme de propositions répondant aux problématiques soulevées. Un document à découvrir dans son intégralité, en téléchargement dans cet article.

Après l’intelligence artificielle, les voitures autonomes et connectées et la cybersécurité, c’est au tour de l’éducation de faire l’objet d’un livre blanc publié par Inria. L’institut vient en effet de dévoiler un document de plus de 130 pages offrant, avec l’aide de collègues de plusieurs domaines, son expertise pour aider à comprendre et faire évoluer le monde de l’éducation, grâce et avec le numérique.

Une réflexion collective, dont l’enjeu est exacerbé par la crise liée à la pandémie de Covid-19
Baptisé « Éducation et Numérique : enjeux et défis », ce livre blanc est le fruit d’un travail démarré en 2019, dans lequel plusieurs chercheurs de l’institut et au-delà se sont impliqués. Son objectif : analyser l’impact du numérique comme vecteur de transformation éducative, mais également présenter les défis et les enjeux du secteur, notamment en matière d’égalité des chances, de souveraineté numérique et de respect de la vie privée. Cela permet d’identifier des questions de recherche pour les sciences du numérique en lien étroit avec d’autres disciplines notamment les sciences de l’éducation, et enfin émettre quelques recommandations.

La crise liée à la pandémie de Covid-19, survenue au moment de la finalisation du document, a poussé ses auteurs à approfondir leur réflexion sur le sujet, et notamment sur la question de l’inclusion numérique, face à une fracture dont les causes se situent à la fois au niveau du matériel et de la connaissance des fondamentaux du numérique pour en maitriser l’usage. Les auteurs, avec la contribution de nombreuses personnes, se sont également intéressés plus en détail aux usages des systèmes numériques liés à l’éducation, au niveau des élèves et du monde enseignant (outils, plates-formes, etc.), afin d’en dresser un bilan.

Le livre blanc « Éducation et Numérique : enjeux et défis » est organisé en cinq volets : état des lieux de l’impact du numérique sur le secteur de l’éducation, identification des défis du secteur, présentation de sujets de recherche liés au domaine de l’éducation au numérique, analyse des enjeux français dans le domaine, et enfin mise en avant des sept recommandations pour la transformation numérique de l’éducation qui sont regroupés selon trois thématiques : actions de recherche, formation au numérique, action publique. Trois annexes complètent le document : la première approfondit le texte du document principal sur l’intelligence artificielle, la deuxième décrit quelques exemples de travaux de recherche des équipes-projets Inria ; la troisième enfin donne des exemples d’initiatives pour la formation au numérique en France.

Téléchargez le livre blanc « Éducation et Numérique : enjeux et défis »

Extrait de inria.fr du 10.12.20

EXTRAIT (pp. 97-98)

Recommandation n° 4 : Vers une « université citoyenne et populaire
du numérique » apte à assurer la formation pour tous et pour toutes
au numérique

La formation au numérique est un enjeu citoyen qui doit donner lieu à des actions visant à développer la culture numérique et les compétences numériques 119. … Que pour un manuel scolaire papier, encore que les « cahiers » au sens des cahiers de devoirs de vacances ou les « fiches » des cours peuvent aussi changer qualitativement le rôle de la personne enseignante, devenue au pire simple surveillant ou surveillante du travail à faire ou au contraire profiter de cette semi-autonomie pour développer une pédagogie différenciée, etc.
120. On pense à des programmes de formation sur le modèle du MSc SmartEdTech à vocation internationale, http://app.univ-cotedazur.fr/smartedtech

6_Quelques recommandations

des différentes catégories d’âges et de métiers. Cette formation est particulièrement
critique pour les décideurs et décideuses à l’échelle locale et nationale, dans les
choix d’investissement liés au numérique éducatif au niveau municipal et plus
généralement au niveau de leurs responsabilités départementales ou régionales.

Par exemple, des pays comme la Finlande ont mis en place une formation en ligne de 50 heures à destination des cadres du pays, qui est également accessible à l’ensemble de sa population afin de comprendre les mécanismes de l’apprentissage
machine121 et des enjeux sociétaux induits par ces technologies disruptives. En France, la formation122 https://classcode.fr/iai complémentaire de celle-ci et mettant
l’accent sur des activités ludiques concrètes et faciles à partager, devrait permettre
d’inclure le plus grand nombre, et pourrait servir de base à une formation qui pourrait toucher plus de 1 % de la population, tandis qu’une version française de la formation finnoise est en cours de réalisation, et que d’autres formations moins techniques comme Objectif IA123, peuvent offrir une première entrée culturelle sur ces sujets.
Au-delà de ces ressources, il faut créer un espace de partage et de réflexion collective sur ces sujets. Dans cette visée, la notion d’« université populaire du numérique124 » en ligne s’appuie sur les succès d’initiatives telles que Class’Code 125 engagée par Inria en 2016 ; cette action de formation hybride offre un maillage du territoire au sein de tiers-lieux permettant de faire coopérer les acteurs de terrain.

Après quatre ans de déploiement, plus de 80 000 personnes ont été formées, plus de 70 partenaires dans 10 régions métropolitaines et en outre-mer participent à des niveaux divers et plus de 430 000 internautes ont accédé aux ressources – librement
réutilisables – proposées. En rassemblant d’autres initiatives, p. ex., en faisant appel aux entreprises du numérique pour engager leur personnel dans des actions de retour à la société sous la forme de formation au numérique en prenant appui sur celles qui le font déjà, cette proposition d’université populaire du numérique pourrait assez facilement éclore.
Concrètement, il s’agit de passer de la formation des enseignants à la formation de toutes les citoyennes et tous les citoyens, labellisée et attestée, pour couvrir un besoin de formation à la pensée informatique tout au long de la vie, à travers une
démarche partenariale et collective implémentée par l’action collaborative de ses partenaires. De façon hybride (en ligne et sur les territoires) on vient y satisfaire sa curiosité, discuter des questionnements posés par ces sujets, et surtout relier à son
quotidien – p. ex., à l’aide de démarches de bricolage (ou maker) – ces techniques
121. https://www.elementsofai.com
122. Formation citoyenne entièrement gratuite et réutilisable.
123. https://openclassrooms.com/fr/courses/6417031-objectif-ia-initiez-vous-a-lintelligence-artificielle
124. https://hal.inria.fr/hal-02145478v1
125. https://project.inria.fr/classcode/

pour les apprivoiser, cette offre se mettant au service des structures existantes
comme détaillé dans [Atlan&al-2019].
Il est important que ces formations se fassent par rapport à un référentiel de
compétences et, pour rester indépendant des certifications liées à des produits
commercialisés,nous proposons de faire de la certification Pix la référence française
en matière de compétence informatique.

 

Numérique et recherche en éducation : les recommandations de l’INRIA (exclusif)

ToutEduc a rendu compte des propositions de l’INRIA émises dans le cadre des Etats généraux du numérique pour l’Éducation. L’Institut national de recherche en informatique et en automatique nous adresse ce commentaire de ses premières recommandations, celles qui concernent la recherche, que nous sommes heureux de publier.

"La clôture le 5 novembre dernier des EGNE, États généraux du numérique pour l’Éducation terminait un cycle de débats où de nombreux contributeurs ont pu exprimer leurs idées et leurs propositions notamment sur le site web participatif des EGNE.

Inria qui publiera fin novembre un livre blanc sur les enjeux et défis du numérique pour l’éducation, a saisi l’occasion pour proposer sept recommandations (voir ToutEduc ici) que l’institut a regroupées en trois grandes thématiques : la recherche, la formation au et par le numérique et l’action publique. Nous avons jugé important qu’Inria, en tant qu’institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, apporte sa contribution aux débats.

La synthèse des EGNE peut se résumer avec les 40 propositions réparties dans les cinq grands chapitres qui organisaient les débats (ici (PDF)). De nombreuses propositions font écho aux recommandations que Inria avait proposées et cette première tribune revient sur la thématique recherche et évaluation, qui correspond aux propositions 10 (1) et 32 (2).

Le numérique : science et technologie, industrie et culture.

Le numérique transforme le monde car comme toute "technique révolutionnaire" inventée par l’Humain, il transforme la société dans laquelle il a été inventé et intégré (3). Il est donc important de comprendre et d’anticiper cette transformation pour, a minima, tenter d’en éviter les inconvénients et surtout en tirer le plus grand bénéfice pour nous tous. En effet, la technique est a priori "neutre" ; cependant, un mauvais usage par l’Humain peut amener à de graves déconvenues. Le numérique – et en son cœur l’informatique - n’est pas qu’une technologie, c’est aussi une science, une industrie et maintenant une culture. C’est pour cette raison que nous cherchons à permettre à chacun de devenir acteur et non simple consommateur de cette transformation, pour permettre à chaque citoyen d’exercer ses droits et devoirs démocratiques. Pour cela il est indispensable d’aider chacun à acquérir un niveau minimal d’acculturation au numérique afin qu’il n’y soit pas aliéné.

C’est dans cette intention que Inria propose sa contribution sur la formation au numérique et par le numérique, face aux enjeux et défis éducatifs actuels. La recherche en sciences du numérique, en collaboration avec d’autres disciplines dans des approches transdisciplinaires, et au premier chef les sciences de l’éducation, les sciences cognitives et les neurosciences, doit contribuer à développer des travaux scientifiques où l’enjeu est de savoir travailler ensemble au-delà des silos disciplinaires, en se focalisant sur quelques défis majeurs et en sachant définir des méthodologies d’évaluation des résultats de ces travaux, évaluation sans laquelle il ne peut y avoir de progrès solide au bénéfice des apprenants.

Un enjeu central et prioritaire : la réussite scolaire.

Parmi les très nombreux sujets d’études sur l’Éducation, ceux autour de la réussite scolaire sont la clé de voûte de l’enjeu sociétal de l’éducation. Ce sujet de recherche pose la question d’aider à engager pleinement les élèves dans les activités pédagogiques grâce à des approches exploitant l’informatique, que ce soit comme support aux processus d’enseignement et d’apprentissage (Technology Enhanced Learning) ou en utilisant le numérique pour étudier ces processus (comme le font les approches Computational Learning Sciences).

La première question est de s’interroger sur comment favoriser la réussite scolaire. Il convient d’y répondre en élaborant des programmes de recherche conjoints avec les sciences cognitives, les sciences de l’éducation et les sciences du numérique fondées notamment sur l’IA, le traitement automatique des langues, la robotique, la réalité virtuelle/augmentée. Cette synergie scientifique doit permettre d’élaborer des environnements d’apprentissage adaptés aux caractéristiques individuelles, et encore plus nettement aux personnes en besoin d’adaptation scolaire, en particulier en situation de handicap. Cette démarche s’inscrit dans un vaste programme scientifique autour de la modélisation de l’apprenant en questionnant l’émergence d’une "science computationnelle de l’apprentissage".

Passer des opinions à une étude rigoureuse des actions éducatives.

Il est également nécessaire de s’interroger sur la façon de mesurer précisément les effets induits. Parmi les voies à suivre, nous pouvons mentionner le développement d’études expérimentales rigoureuses menées avec des enseignants ainsi qu’avec des dispositifs numériques de mesure de l’attention et d’états cognitifs/conatifs (motivationnels) (voir ici). Ces mesures s’effectuent à partir d’analyses de traces d’utilisations de logiciels (learning analytics), d’analyses de captations vidéo cherchant à identifier le comportement d’un utilisateur mais également, à terme, avec des interfaces cerveau-ordinateur (BCI, Brain Computer Interface) ou bien avec d’autres signaux physiologiques que ceux liés à l’activité cérébrale. Par exemple, on peut mentionner l’utilisation de mesures biométriques comme la pupillométrie ou encore les électroencéphalogrammes (EEG) utilisés dans l’analyse de l’activité de l’apprenant dans des environnements numériques d’apprentissage comme NetMaths (Ghali&al-2018, note 4 et ici). Il s’agit de développer la théorie en même temps qu’on met en œuvre les approches opérationnelles qui en découlent.

Parmi ces sujets de recherche, il nous semble particulièrement pertinent d’étudier, en intégrant aussi le point de vue des sciences du numérique, la question de l’amotivation (Sander-2018, note 5), qui est l’une des causes de l’échec scolaire. Une telle initiative permettrait de construire un programme de recherche abordant les volets suivants :

● De quoi s’agit-il ? Quels facteurs psychologiques sont engagés ? En se rapprochant notamment de spécialistes en sciences cognitives et de psychologues de l’éducation qui travaillent sur ce sujet depuis des décennies ;

● De quoi résulte-t-elle ? Identification des facteurs de l’individu et des facteurs contextuels des "conditions extérieures" (milieu social, conditions familiales, etc.).

Inria souhaite améliorer la structuration et la visibilité de ses recherches fortement pluridisciplinaires (par exempple ici) sur ce sujet, notamment en développant des partenariats avec des acteurs académiques et économiques, à travers des équipes-projets communes afin de pouvoir construire dans des cycles courts des cadres théoriques, des conditions d’expérimentation pertinentes et de garantir leur diffusion effective et opérationnelle.

Quelques équipes de recherche Inria ont déjà ouvert la voie comme l’équipe-projet Flowers, et d’autres encore que l’on peut découvrir sur le site web de l’INRIA (ici), sans oublier d’autres équipes de recherche par exemple à Sorbonne Université (Mocah du LIP6) ou à l’université de Lorraine (Kiwi du Loria).

Chercher c’est bien, prouver c’est mieux : évaluer l’éducation.

Avoir un impact réel et objectivé nécessite d’avoir une évaluation indiscutable et pour cela de développer des méthodologies rigoureuses d’évaluation du numérique éducatif. Comme l’a rappelé Stanislas Dehaene dans son intervention du 4 novembre lors des EGNE où il a évoqué l’analogie avec l’évaluation dans le domaine de la santé avec les essais cliniques, certaines intégrations passées du numérique ont été réalisées sans évaluation de leurs impacts sur les apprentissages ou bien alors analysées dans le cadre d’expérimentations à portée trop limitée. Face aux défis de la complexité des causes, il est nécessaire de développer des recherches transdisciplinaires aboutissant à des études rigoureuses, produisant des résultats solides sur les effets du numérique éducatif.

Les équipes de développement de solutions d’envergure telles que Sesamath (ici), ViaScola (ici), Léa (ici) (liste non exhaustive) fonctionnent le plus souvent avec des enseignants chevronnés et entretiennent parfois des collaborations de recherche, tant dans la phase de conception que dans l’évaluation des résultats. Comme exemple caractéristique, citons NetMaths (ici), plateforme interactive québécoise d’apprentissage des mathématiques particulièrement réussie, tant du point de vue des contenus que de celui des collaborations avec la recherche.

Cette démarche de conception collaborative n’est pas toujours adoptée dès l’analyse des besoins et durant l’élaboration de la solution. Cela empêche par exemple de proposer dans les solutions développées des indicateurs et des traces d’apprentissage (logs) selon un modèle de traces adapté à l’évaluation.

Pour dépasser les limites actuelles, nous recommandons l’intégration d’une démarche d’évaluation dès la phase de conception. Ces évaluations doivent pouvoir décrire de manière claire et détaillée les usages et la situation d’apprentissage concernés.

Dans la prise de décision en lien avec le numérique éducatif, il est important de pouvoir apporter des indicateurs en lien avec les résultats de recherche. Comme dans le cas du Nutri-Score, le développement d’indicateurs compréhensibles faciliterait la prise de décision sur les outils EdTechs et leurs contextes d’utilisation.

Gérard Giraudon (*). Pascal Guitton, (***) Margarida Romero (**), Didier Roy (****) et Thierry Viéville (*) se sont associés pour la rédaction de cette tribune.

(*) Inria

(**) Université Côte d’Azur

(***) Université de Bordeaux & Inria

(****) Inria & LEARN EPFL

(1) Proposition n° 10 : Favoriser les projets associant chercheurs et enseignants pour une conception collaborative d’outils adaptés aux besoins de la communauté éducative et une analyse de leurs usages pour mettre à disposition des logiciels dont l’efficacité pour les apprentissages peut être mesurée

(2) Proposition n° 32 : Aider les laboratoires de recherche et assurer le transfert des innovations dans l’éducation pour développer des solutions numériques en pointe et transférer dans l’éducation les derniers résultats de la recherche académique

(3) « Du mode d’existence des objets techniques », Gilbert Simondon, collection Analyse et Raisons Aubier éditions Montaigne, 1958 ; à noter qu’il y a eu 3 autres éditions augmentées aux éditions Aubier (1969, 1989, 2012).

(4) Ghali&al-2018] "Identifying brain characteristics of bright students", Ghali, Ramla, et al. Journal of Intelligent Learning Systems and Applications 10.03 (2018) : 93.

(5) Sander-2018] : "Les neurosciences en éducation – Mythes et réalité", E. Sander, H. Gros, K. Gvozdic, C. Scheibling-Sève, Edition Retz, 2018"

Extrait de touteduc.fr du 13.11.20

 

Numérique et recherche en éducation : les recommandations de l’INRIA (suite - exclusif)

Dans le cadre des Etats généraux du numérique pour l’Éducation, l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) a émis plusieurs recommandations et a choisi ToutEduc pour leur présentation. Nous avons publié le premier volet (ici). En voici un second relatif à l’action publique. A venir un troisième volet et une présentation du "Livre blanc" de l’INRIA dès que celui-ci sera publié.

Les auteurs* de cette tribune veulent "mettre en exergue la nécessité d’engager l’Etat et ses opérateurs dans la création de cadre permettant à des écosystèmes de se développer et de créer des dynamiques collectives au bénéfice de tous les acteurs qu’ils soient publics ou privés en favorisant la mise en commun des forces et en favorisant la dynamique économique". Il s’agit de "créer les conditions du développement et de la mise à jour de ressources éducatives numériques", celles-ci étant conçues comme des "biens communs". Toutefois, les auteurs que cette notion n’exclut pas l’intervention d’opérateurs privés, puisque, aujourd’hui des structures qui n’ont pas de statut "public" diffusent en ligne du contenu éducatif librement accessible et ouvert au plus grand nombre sur la planète à l’instar de ce que ferait un "Etat planétaire". La question ne porte donc pas tant sur l’opposition "public-privé" que sur la restriction (au sens "réserver à un petit nombre") de l’éducation et surtout des contenus pédagogiques. Le "Savoir" a vocation à être à libre disposition de tous, et le contenu pédagogique qui permet d’enseigner ce savoir doit être accessible au plus grand nombre. La question est surtout "Qui doit garantir le respect de la qualité scientifique des contenus et des valeurs culturelles de la société des matières enseignées ?". Qui maitrise le contenu enseigné maitrise en effet la culture de la société et ses valeurs. Plus qu’une opposition "public-privé" il s’agit donc surtout de souveraineté, estiment les auteurs.

La tribune

"Inria a beaucoup œuvré depuis la fin des années 1990 au développement du logiciel ’open source’, notamment pour le développement d’infrastructures sur lesquelles la société numérique se construit et où l’on retrouve la question de biens communs (voir ici). Mais le développement de logiciels open source au sein de communautés de personnes n’empêche pas la création d’activités économiques autour de ces logiciels et même la création d’entreprises privées (dont les plus emblématiques travaillent autour de Linux) qui contribuent à un bien commun.

Il semble ’évident’ qu’il soit nécessaire de créer des biens communs en éducation.

Mais, d’une part il faut que ces bien communs soient évolutifs et basés sur des ressources libres et éditables par les acteurs éducatifs ce qui n’empêche pas que ces acteurs puissent être des entreprises privées aptes à assurer au mieux la maintenabilité des solutions et leur pérennité si cela garantit la meilleure efficience avec le modèle économique qu’il convient de trouver dans les meilleurs équilibres ; l’innovation réside en grand partie sur ce point.

D’autre part, ces ressources doivent pouvoir être indexées de manière à faciliter leur usage par les enseignants. Actuellement, malgré l’existence d’une quantité très importante de ressources, la localisation de celles-ci et la capacité à trouver facilement les ressources nécessaires pour les différentes disciplines et niveaux éducatifs reste un défi.

Par ailleurs, certaines ressources sont limitées dans leur diffusion parce qu’elles ont été développées par peu de personnes et que, pour de multiples raison les mises à jour s’arrêtent, voire quelques unes disparaissent ou parce qu’elles ont été développées avec des technologies propriétaires qui n’interopèrent pas. L’accessibilité de toutes les REN (ressources éducatives numériques) relève d’un enjeu éducatif majeur pour s’assurer que les inégalités éducatives ne s’accentuent pas du fait des limites d’accessibilité des ressources. Il faut souligner que les situations de handicap aggravent ce problème d’accès aux ressources. Dans ce contexte, on parle alors de l’absence d’accessibilité numérique qui exclut de facto des personnes du droit élémentaire de tous les citoyens à la formation. Cette remarque peut être étendue à l’accès à l’information, au divertissement, à l’emploi via les outils numériques devenus incontournables aujourd’hui. Enfin, nous pouvons rappeler que cette exclusion est d’autant plus douloureuse à vivre et à constater que le numérique offre des solutions bénéfiques potentielles aux personnes en situation de handicap.

Garantir la portabilité des données personnelles éducatives et développer l’interopérabilité des solutions logicielles

Le règlement général sur la protection des données (RGPD) a été un acte fondateur en définissant le cadre juridique pour les données à caractère personnel des citoyens de l’Union Européenne. Ce règlement, construit sur les principes de ’privacy by design’ (c’est à dire la prise en compte de la gestion de la confidentialité en amont, dès la conception du système, et non pas en aval une fois le logiciel développé) et de consentement individuel, garantit la portabilité des données pour chaque résident de l’UE qui est donc un droit exécutoire. À ce jour, aucun système, y compris au sein de l’Éducation nationale ou de l’Enseignement supérieur ne garantit cette portabilité. En effet, au motif que le cadre juridique autorise une exception à ce droit individuel dans le cadre de l’exercice du service public d’éducation, peu d’efforts sont faits pour permettre aux données personnelles d’éducation de circuler.

Difficile donc de concevoir qu’à l’âge où la plupart des productions individuelles des élèves se font par le numérique, on s’interdise de leur permettre de les conserver et réutiliser facilement ; chose qui paradoxalement, à l’âge du cahier papier semblait une évidence et était encouragée ! On se coupe ainsi d’une formidable opportunité de développement individuel et économique, pour le bénéfice de chacun des acteurs : élèves, enseignants, parents, chercheurs, et entreprises du secteur. Sans rentrer dans les débats techniques, des principes techniques existent en particulier via les systèmes de gestion des informations personnelles (PIMS) (1). Les PIMS permettent aux personnes de gérer leurs données à caractère personnel dans des systèmes de stockage sécurisés locaux ou en ligne et de les partager au moment et avec les personnes de leur choix. La start-up Inrupt, co-fondée par l’inventeur du Web, Tim Bernes-Lee, a été créée avec pour objectif de redonner aux internautes un plein contrôle sur leurs données et elle vient d’annoncer le lancement de son produit entreprise Solid (ici). Le cœur de l’action publique est alors de favoriser et de garantir la portabilité des données personnelles éducatives et nous recommandons la création du dossier de formation personnalisé permettant à tout apprenant de se réapproprier ses données d’éducation dans le contexte de société apprenante (2) (3) et qui s’inscrit pleinement dans la réforme du compte personnel de formation. Mais cela ne suffit pas car il faut aussi encourager voire imposer des standards pour l’interopérabilité des solutions logicielles, seule apte à garantir que toute solution technique ne tombe pas dans une escarcelle monopolistique quelle qu’elle soit dont on sait que c’est un frein à toute évolution, à toute innovation y compris dans le cadre d’une vision de ’bien public’ (4).

Créer un observatoire des EdTechs

Nous proposons d’ailleurs de re-créer un observatoire des Edtechs. Une première initiative avait vu le jour en mars 2017 avec la création d’un Observatoire EdTechs porté par Cap Digital avec le soutien de la Caisse des dépôts et de la MAIF. Cet observatoire a permis de mettre en avant la dynamique des startups EdTechs mais n’a pas réussi, peut-être par manque de moyens et de maturité du secteur, à créer un observatoire des pratiques, des usages, de l’offre et de la demande dans le vaste champ de la formation (formation initiale et continue, etc.). Cet observatoire a été fermé en 2019.

Néanmoins, le besoin existe et va au-delà de la première version qui était essentiellement une liste statique d’entreprises des EdTechs. Actuellement, de très nombreux sites web fournissent des informations relatives au numérique éducatif : le très riche site Eduscol de l’Éducation nationale, le site de la DNE pour la veille et la diffusion des travaux de recherche sur le numérique dans l’éducation, les ressources pédagogiques développées par le CNED, les ressources de Canal U, l’initiative HUBBLE déjà citée, l’observatoire eCarto des territoires porté par la Banque des territoires, des observatoires d’académies (Paris, La Réunion, etc.), des sites d’associations d’entreprises (Afinef, EdTech France, EducAzur, etc.) Mais il n’y a pas à ce jour un observatoire qui permette d’agréger des informations, d’observer à l’échelle nationale des tendances et de mettre à disposition des données consolidées du numérique éducatif et encore moins d’avoir un travail de synthèse de référence et de parangonnage français et international (a minima dans l’espace francophone).

Aujourd’hui l’information sur le numérique éducatif est donc fragmentée et mélange contenus, solutions, informations, etc.

Aussi, nous recommandons de mettre en place un observatoire (français) des EdTechs pérenne sous la forme d’une plateforme web recensant les dispositifs utilisés dans l’enseignement et la formation, avec des évaluations quand elles existent, une cartographie des équipes de recherche travaillant sur le numérique pour l’éducation, une cartographie des entreprises du secteur et de leurs solutions, un blog listant les innovations du moment, etc.

Un tel observatoire doit être le reflet de l’écosystème français de l’usage des EdTechs et à ce titre il doit être construit en partenariat avec les associations d’entreprises et les clusters EdTechs régionaux mais aussi avec l’implication forte des acteurs de la formation (Éducation nationale, universités, écoles, etc.), du monde de la recherche et des collectivités territoriales. Cet observatoire devrait pouvoir jouer un rôle majeur de mise en relation avec des alter ego en Europe mais aussi dans ceux de l’espace francophone.

Pour porter une telle ambition, des moyens seront nécessaires mais il nous semble que pour garantir la neutralité et la pertinence de cet observatoire, il doit être porté par l’action publique à l’instar de ce qu’elle a réussi à faire avec PIX ; on pourrait par exemple réfléchir à le structurer avec les nouvelles missions actuellement envisagées pour le réseau Canopé et certainement avec la collaboration des ministères les plus concernés (MENJ, MESRI, MEIN).

* Les auteurs :

Gérard Giraudon (Inria). Pascal Guitton (Université de Bordeaux & Inria, Jean-Baptiste Piacentino (Edtech One), Margarida Romero (Université Côte d’Azur), Didier Roy (Inria & LEARN EPFL) et Thierry Viéville (INRIA) se sont associés pour la rédaction de cette tribune.

Notes

(1) « Managing your digital life with a Personal information management system », Serge Abiteboul, Benjamin André et Daniel Kaplan, Communications of the ACM, ACM, 2015, 58 (5), pp.32-35. hal-01068006

(2) « L’école dans la société du numérique », rapport n°1296 de la commission parlementaire des affaires culturelles et de l’éducation, rapporteur Bruno Studer, octobre 2018 (92 pages).
http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i1296.asp

(3) « Un plan pour co-construire une société apprenante », François Taddei, Catherine Becchetti-Bizot, Guillaume Houzel, avril 2018 (88 pages).https://cri-paris.org/wp-content/uploads/2018/04/Un-plan-pour-co-contruire-une-societe-apprenante.pdf

(4) Les standards pour le numérique éducatif se sont développés au cours des dernières décennies, notamment en lien avec des plates-formes de formation (Learning Management Systems) par le biais des normes comme SCORM, AICC ou xAPI. Le standard Learning Technology Standards, IEEE-LTSC-LOM, permet également de décrire des objets d’apprentissage. Malgré le développement initial de SCORM, les standards restent encore trop peu intégrés dans de nombreuses ressources éducatives. Ces standards ne tiennent pas suffisamment compte des aspects pédagogiques et didactiques, bien que la LOM ou sa forme plus moderne la MLR (compatible avec le Web sémantique) intègre des éléments pédagogiques, sans vraiment faire office de standard. La plateforme edX y réfléchit car il est nécessaire de développer un standard si l’on veut disposer de normes plus largement utilisées. Le développement d’une terminologie commune en sciences de l’éducation comme le propose le « Lexicon project » est également un enjeu tant pour la recherche en sciences de l’éducation que pour le développement de solutions éducatives interopérables.

Extrait de touteduc.fr du 27.11.20

 

Numérique et recherche en éducation : les recommandations de l’INRIA (3ème volet - exclusif)

Dans le cadre des Etats généraux du numérique pour l’Éducation, l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) a émis plusieurs recommandations et a choisi ToutEduc pour leur présentation. Nous avons publié le premier volet (ici) et le second volet (ici). Voici le troisième volet, relatif à la formation aux compétences de base du numérique ainsi qu’aux usages du numérique tant pour les enseignants que les citoyens. A venir une présentation du "Livre blanc" de l’INRIA "sur les enjeux et défis du numérique pour l’éducation".

"La formation au numérique : un enjeu fondamental, un défi colossal.

Il est urgent de ne plus attendre (1) pour initier nos enfants aux fondements du numérique afin qu’ils puissent appréhender au mieux le monde d’aujourd’hui sans uniquement être dans une posture de consommateurs, voire y être aliénés. Ce travail a commencé : introduit progressivement (2) dans l’enseignement secondaire (et aussi primaire), tous·tes les élèves en classe de seconde des lycées généraux et technologiques sont maintenant initié·e·s à la science informatique et aux technologies du numérique, abordant aussi les aspects sociétaux, tandis qu’une vraie formation à l’informatique est proposée parmi les spécialités de fin de lycée. Mais la maîtrise des usages des outils numériques s’est révélée primordiale pendant la crise sanitaire et le travail à distance qui s’est imposé continuera à être utilisé dans la durée. De plus, les différences dans les usages développés par les enseignant·e·s peuvent également être un facteur d’inégalité. Des élèves n’ont pas le même accès aux mêmes types d’activités selon le degré d’accessibilité et d’intégration du numérique de leurs enseignant·e·s. On voit donc combien il est urgent et essentiel d’accompagner l’ensemble des enseignant·e·s dans leurs compétences numériques et dans leur capacité à faire un usage raisonné et éclairé du numérique pour soutenir les apprentissages notamment dans une optique de réduction des inégalités.

Les besoins sont immenses et au-delà des enseignant.e.s, ils nous concernent toutes et tous. Il est urgent de considérer la maîtrise des fondamentaux du numérique comme faisant partie de la culture du citoyen du XXIème siècle. Qu’est-ce qu’une donnée ? Un algorithme ? À quoi sert la programmation ? Comment une machine calcule ? en sont des éléments essentiels. Il s’agit de réaliser une alphabétisation au numérique en contribuant au développement des compétences transversales comme la pensée informatique ou les compétences numériques auprès du plus grand nombre.

La formation au numérique est un enjeu citoyen qui doit donner lieu à des actions visant à développer la culture numérique et les compétences numériques des différentes catégories d’âges et de métiers. Cette formation est particulièrement critique pour les décideurs et décideuses dans les choix d’investissement notamment liés au numérique éducatif dans les collectivités territoriales et à l’échelle nationale. Il s’agit donc de nous former, tous et toutes, en commençant par nos enfants. Et pour cela, il faut commencer par les professionnels de l’éducation (enseignant·e·s et les cadres de l’éducation).

Une première priorité : la formation des professionnel·le·s de l’éducation.

Au-delà de la nécessaire formation aux fondamentaux de l’informatique, les professionnel·le·s de l’éducation doivent développer leur capacité à analyser les différents usages du numérique dans le contexte des différentes tâches de leur métier. Ils doivent également savoir intégrer différents types d’outils numériques (3) afin de les utiliser de manière la plus pertinente possible et créative dans leur activité pédagogique, comme une analyse au niveau européen (4) le recommande très justement. La formation aux usages du numérique doit tenir compte tant des usages numériques déjà pressentis d’un point de vue éducatif (p. ex. les jeux sérieux ou éducatifs ayant été conçus avec une intention à la fois ludique et éducative), que des usages numériques généraux (p. ex. les tendances à utiliser les jeux numériques afin de permettre aux enseignants d’exploiter leur usage ludique pour en faire un usage pédagogique).

À ce titre, l’intégration au sein des INSPÉ (Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) de formations plus approfondies en informatique est essentielle, en particulier pour les futur·e·s professeur·e·s de la spécialité NSI (Numérique et sciences informatiques). Cela l’est aussi pour des formations plus larges en lien avec l’enseignement de SNT (Sciences numériques et technologie), et cela concerne tous les enseignant.e.s au sein de leurs différentes spécialisations. En effet, comment concevoir d’être face à des élèves ayant acquis des compétences et un usage éclairé du numérique, par des savoirs et savoir-faire au niveau de ses fondements, sans avoir reçu soi-même cette formation minimale ?

Nous recommandons des formations aux SNT pour tous et toutes, apprenants de tous niveaux et de toutes spécialités, ainsi que pour tous les formateurs, enseignant·e·s et cadres d’éducation. Cela n’est pas encore acquis, car cet enseignement sur le numérique n’est pas explicitement prévu dans les heures de formation de la nouvelle maquette du Master MEÉF (Métiers de l’enseignement, de l’éducation, et de la formation). Il faudrait également créer un RAP (réseau d’apprentissage personnel) pour développer une entraide et tirer profit des communautés de pratiques, pour soutenir le développement professionnel des personnels enseignants. Sur un autre plan, pour les personnels d’encadrement de l’Éducation nationale, une formation au management du numérique éducatif existe, incluant la mise en place d’une offre pédagogique numérique à destination de l’ensemble de la communauté éducative.

Ceci nécessite une augmentation importante du nombre d’heures consacrées à la formation des enseignant·e·s en exercice, avec une reconnaissance des heures de formation en ligne et de la participation aux communautés de pratiques. On notera que, dans le cadre de la réorganisation annoncée de Réseau Canopé, la formation continue des enseignants sera l’une de ses missions principales.

Par ailleurs, le besoin de formation en pédagogie des ingénieures et ingénieurs pédagogiques produisant des ressources éducatives, est également important. En effet, la création de ressources numériques interactives, parfois utilisées en autonomie ou en semi-autonomie, déporte la création pédagogique beaucoup plus dans la phase de développement de la ressource (conception amont) que sur son utilisation (usage aval). Il est donc essentiel de former ces professionnel·le·s à la fois à la didactique des disciplines enseignées et aux leviers pédagogiques, en les rendant capables de scénariser et de faire un usage critique et éclairé du numérique. Des actions de formation innovantes de type SmartEdTech (6) permettent, tant à des professionnel·le·s issu·e·s du monde de l’éducation qu’à ceux venant du monde industriel du numérique, de développer collectivement une approche interdisciplinaire dans les projets EdTechs, intégrant de manière opérationnelle les savoir-faire des deux communautés.

Une seconde priorité : faire « université » de manière citoyenne autour du numérique.

Ce sera dans plusieurs années qu’une génération d’élèves aura progressivement acquis les compétences nécessaires pour maîtriser collectivement le numérique, au fil des formations de leurs enseignant·e·s. Il faut agir aussi dès maintenant au niveau de la formation tout au long de la vie. Bien sûr, il faut construire des formations adaptées selon les branches professionnelles et les besoins générationnels mais surtout, il faut envisager des formations de base pour les citoyens et les citoyennes de notre pays.

Il est important que ces formations citoyennes se fassent en regard d’un référentiel de compétences indépendant des certifications liées à des produits commerciaux eu égard à des questions de souveraineté. Aussi, nous proposons que la certification PIX (5) soit la référence française en matière de compétences culturelles de base en informatique.

Pour illustrer la stratégie que nous proposons, citons un pays, la Finlande qui a mis en place une formation en ligne de 50 heures à destination privilégiée des cadres du pays (1% de la population), mais accessible à l’ensemble de la population, afin de comprendre les bases de l’intelligence artificielle et des enjeux sociétaux induits par ces technologies disruptives (cette formation est également disponible en français (7)).

En France, la formation https://classcode.fr/iai, qui met l’accent sur des activités ludiques, concrètes et faciles à partager, devrait permettre d’inclure le plus grand nombre et pourrait servir de base à une formation plus large en complément d’autres formations moins techniques comme Objectif IA venant offrir une première entrée culturelle sur ces sujets.

Au-delà de ces ressources, il faut créer un espace de partage et de réflexion collective sur ces sujets. Dans cette optique, la notion d’ ’université citoyenne et populaire du numérique en ligne’ adossée à un maillage d’initiatives territoriales, pourrait s’appuyer sur les succès d’initiatives déjà déployées en France, par exemple, Class’Code (8), engagée par Inria et ses partenaires en 2016 ou encore mobilisant les entreprises du numérique pour engager leur personnel dans des actions et en prenant appui sur celles qui le font déjà, Concrètement, il s’agit de passer de la formation des enseignant·e·s à la formation de toutes les citoyennes et tous les citoyens, labellisée et attestée, pour couvrir un besoin de formation à la pensée informatique tout au long de la vie, à travers une démarche partenariale et collective implémentée par l’action collaborative de ses partenaires. De façon hybride (en ligne et sur les territoires) on vient y satisfaire sa curiosité, discuter des questionnements posés par ces sujets, et surtout relier à son quotidien – p. ex. à l’aide de démarches de maker ou d’autres dans des tiers lieux – ces techniques pour les apprivoiser, cette offre se mettant au service des structures existantes comme détaillé par l’association EPI (9).

Conclusion

Selon une étude France Digitale-Roland Berger (10), la France était en 2019 en tête des investissements dans l’Intelligence Artificielle - levier du numérique de demain - en Europe avec un doublement des fonds levés par rapport à 2018, et l’Europe elle-même se positionne très fortement sur ces sujets. Notre pays a aussi fait le choix crucial de ne pas s’en remettre aux grands acteurs industriels du numérique, mais de former ses jeunes générations, de gagner son indépendance pour choisir son avenir en ce ’temps des algorithmes’ (11). Nous voilà en bonne voie de réussite et finalisons le travail commencé afin de relever ce défi.

Gérard Giraudon (Inria) Pascal Guitton (Université de Bordeaux & Inria), Margarida Romero (Université Côte d’Azur), Didier Roy (Inria & LEARN EPFL) et Thierry Viéville (Inria) se sont associés pour la rédaction de cette tribune.

NOTES

(1) L’enseignement de l’informatique en France - Il est urgent de ne plus attendre, rapport de l’Académie des Sciences, 2013 ici

(2) Le numérique pour apprendre le numérique ? Blog binaire de LeMonde.fr, 2020 (ici)

(3) Le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation, 2013 (ici)

(4) Recommandation du conseil de l’Euope relative à des systèmes de qualité pour l’éducation et l’accueil de la petite enfance, 2019 (ici)

(5) Les compétences évaluées par Pix, 2018 ici

(6) MSc Smart Edtech, 2018— (ici)

(7) Un cours en ligne gratuit - Elements of AI (ici)

(8) Cette action de formation hybride offre un maillage du territoire au sein de tiers-lieux permettant de faire coopérer les acteurs de terrain. Après quatre ans de déploiement, plus de 80 000 personnes ont été formées, plus de 70 partenaires dans 10 régions métropolitaines et en outre-mer participent à des niveaux divers et plus de 430 000 internautes ont accédé aux ressources – librement réutilisables – proposées (ici)

(9) Apprentissage de la pensée informatique : de la formation des enseignant·e·s à la formation de tou·te·s les citoyen.ne.s, EPI, 2019 (ici)

(10) La France en tête des investissements européens dans l’IA en 2019, maddyness.com 2019 (ici)

(11) Le temps des algorithmes, 2017 (ici)

Extrait de touteduc.fr du 30.11.20

 

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