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Un général parle de « l’armée au service des banlieues »

17 mai 2006

Extrait du « Monde » du 17.05.06 : L’armée au service des banlieues

L’idée d’un service civil volontaire, lancée par le président de la République le 14 novembre 2005 au plus fort de la crise des banlieues, est louable en soi. Mais son contenu, sa durée, son organisation, son cadre juridique, son financement, sa finalité, le suivi et le contrôle des bénéficiaires, ont-ils été envisagés ? Ce flou ne témoigne-t-il pas de notre incapacité collective à nous mettre en ordre de bataille afin de relever le seul défi qui compte : la paix sociale ?

Le climat quasi insurrectionnel que nous avons connu dans un certain nombre de nos cités, même s’il fut le fait d’une minorité déterminée, pose crûment la question de l’avenir. Ces jeunes adultes représentent pour partie les laissés-pour-compte d’une immigration non véritablement réfléchie, d’une insertion ratée du fait d’une scolarisation rejetée car non adaptée, et d’un enracinement à la patrie non satisfait, faute de référence historique forte.

C’est la raison pour laquelle, avec la petite équipe de civils et de militaires que j’anime et sans attendre la crise des banlieues, nous avons entrepris depuis un an d’intégrer un certain nombre de ces jeunes en grande difficulté. Nous souhaitions apporter la preuve non seulement que nos armées étaient soucieuses du sort de nos concitoyens les plus fragiles, mais aussi capables de participer, avec d’autres acteurs de terrain, à la lutte contre le chômage, en donnant ou redonnant du sens à l’action collective. Il est essentiel que nos forces, engagées sans relâche dans des opérations extérieures, ne soient pas considérées comme un corps expéditionnaire, s’excluant progressivement de la nation dont elles sont l’émanation. Il convenait d’apporter la preuve du contraire.

L’opération "Un permis, un emploi", lancée à la mi-avril 2005, et qui a pris fin il y a peu, est un projet simple. Il visait à permettre à 130 jeunes adultes issus de milieux défavorisés, dans 11 communes de banlieue, de se mettre dans les conditions d’accéder à un emploi, tout en acquérant le permis de conduire. Celui-ci est dorénavant un sésame pour l’entrée dans l’entreprise. Ni l’emploi ni le permis n’ont été octroyés. Ils ont été gagnés dans le cadre d’un parcours de citoyenneté, d’une durée de neuf mois, fondé sur le volontariat, le travail et l’effort. A la date du 5 mai 2006, sur 105 candidats, 91 ont obtenu le code et 61 l’ensemble du permis. 60 ont accédé à un emploi et 19 sont en attente de contrat.

Avec l’expérience acquise, je puis confirmer le bien-fondé de cette démarche comme l’adhésion totale suscitée par son pragmatisme. Cette préparation militaire adaptée, encadrée par nombre de nos réservistes, fut l’élément déterminant du cursus, "la" garantie pour les futurs employeurs de l’aptitude de ces jeunes à respecter la discipline, à être ponctuels et à fournir un effort physique.

L’exemple est à méditer pour ceux qui veulent ressusciter le mythe d’un service militaire égalitaire - qui ne l’a jamais été ! - comme panacée possible. D’une part, il y a maintenant dix ans que nos forces armées, professionnalisées, ont été dimensionnées en fonction des seuls impératifs de protection des intérêts de la nation. D’autre part, vouloir appliquer en ce début du XXIe siècle des schémas des années 1960, succédané du service militaire adapté (SMA), me paraît tenir de l’utopie tant la jeunesse a évolué. En revanche, l’extension progressive du projet - "Permis-métier-citoyenneté" - à l’ensemble du territoire devrait aller de soi, au vu de la réussite de l’opération. La crédibilité de ce projet entièrement dédié à la réinsertion de jeunes en difficulté repose aussi sur une préparation militaire adaptée. Alors, les armées dans la nation ?

Emmanuel de Richoufftz, général

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