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Un rapport d’Arno Klarsfeld. Les quartiers défavorisés vus par un favorisé bien gentil

10 mai 2006

Extrait de « Libération » du 09.05.06 : Arno Klarsfeld rend un rapport mineur sur la délinquance

Commandées par Sarkozy, les sept pages de l’avocat accumulent les lieux communs.

rédiger un rapport autorisé sur l’enfance délinquante, il suffit d’être un avocat célèbre, admirateur du ministre de l’Intérieur. Nicolas Sarkozy a donc commandé un « travail de réflexion » sur le sujet à son nouvel ami Arno Klarsfeld. Le résultat tient en sept pages, rendues publiques hier. Comment dire sans trop blesser ? C’est plutôt étrange.

On y relève un lot de poncifs rabâchés et flous : « En dix ans, la délinquance des mineurs a doublé » ou la violence des jeunes est « alarmante ». Bien informé, l’auteur relève un phénomène de « bandes » et de « territoires ». Notons avec lui que, « si la délinquance des mineurs ne s’est pas étendue dans les beaux quartiers, elle s’est intensifiée dans les quartiers défavorisés ». Plus dramatique : la violence « consciente, préméditée, pour détrousser des personnes choisies en connaissance de cause parmi les plus vulnérables est inacceptable ».

« Férocité ». Quelques premières propositions donc, pour remédier à la « férocité » de cette délinquance. Une idée serait de condamner les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans « comme des majeurs » (ce qui existe déjà dans certains cas). Une autre serait de ne pas effacer automatiquement le casier judiciaire des mineurs à 18 ans (c’est déjà le cas, depuis la loi Perben II). On en vient aux parents « défaillants ». Il y a ceux qui lancent aux policiers « gardez-le ! » quand leur enfant est arrêté. Il y a les familles où « le seul dialogue utilisé envers les enfants est la violence : ainsi [...] certains enfants reproduisent à l’extérieur ce qu’ils vivent chez eux ». De plus, « selon toutes les études », la majorité des enfants délinquants souffrent « de problèmes psychologiques, sociaux ou familiaux ».

Quels remèdes donc ? Certains souhaiteraient que les mauvais parents soient poursuivis pour complicité des délits de leurs rejetons. Une métaphore pour expliquer ? La voilà, confondante : « Si une série de voitures sort de l’usine avec un vice de fabrication et que ces voitures viciées causent des accidents, des blessés et des morts, il est juste de se retourner contre le constructeur. Peut-on agir de même en assimilant le parent au constructeur et l’enfant au produit vicié ? » Ouf, Klarsfeld rejette l’assimilation entre sales gosses et bagnoles pourries. Selon lui, aux Etats-Unis où cela existe, « aucune étude réellement sérieuse » n’a pu en montrer l’efficacité. En revanche, « il serait logique de supprimer les allocations familiales » aux parents d’enfants incarcérés ou placés et aussi de faire pression ¬ par ce biais ¬ sur les mauvais parents. Autant de vieilles idées.

« Parents à risque ». Page 4, une petite resucée du rapport très controversé de l’Inserm sur les comportements asociaux à détecter dès la maternelle et même dès « la crèche ». Et plus tôt encore, dans le ventre de la mère avec un repérage des « parents à risque ». Mais là c’est gentil, il s’agit d’aides, conseils et assistance. La page 5 est en grande partie occupée par Victor Hugo qui nous rappelle : « Quatre-vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne/ Ne sont jamais allés à l’école une fois. » On le devine, il s’agit d’éduquer, de lutter contre l’absentéisme scolaire. Avec cours du soir, ouvertures des écoles pendant les vacances et bien sûr, clin d’oeil à l’ami Nicolas, « discrimination positive, ethnique ou géographique ». Page 6, on parle trafic de drogue. « Des enfants de 12-13 ans payés une centaine d’euros » utilisés pour faire les guetteurs et donc rétifs à tout boulot normal : « Pourquoi j’irais travailler huit heures par jour pour le Smic alors que je gagne quatre fois plus, sans me fouler. »

Des scènes connues et dénoncées depuis presque vingt ans. Le problème, c’est que n’est pas spécialiste de la délinquance des mineurs qui veut. La chose est délicate, les rapports, études, chiffres, livres sont légion pour en traiter avec sérieux. Sans cette pénible impression d’assister à une visite de Marie-Chantal découvrant La Courneuve et rédigeant ensuite son devoir en regardant Navarro à la télé.

Dominique Simonnot

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