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L’obligation d’instruction à trois ans et ses enjeux, avec Viviane Bouysse. Compte rendu de La Rencontre OZP du 15 novembre 2019

3 décembre 2019

— -LES RENCONTRES DE L’OZP-------
n°140, décembre 2019

Compte rendu de la 168ème rencontre du 15 novembre 2019

 

« L’école maternelle : actualités et enjeux », avec Viviane Bouysse

Quelle est l’actualité de l’école maternelle ? Qu’induit la formule officielle « obligation d’instruction » ? Quels en sont les enjeux pour les enfants, les familles et la société ? Et au-delà, observer ce que l’obligation d’instruction à 3 ans provoque pour l’institution Éducation nationale. Que va-t-elle mettre en œuvre pour faire réussir cette première scolarisation ? Réflexions, éclairages et pistes apportés par Viviane Bouysse lors de cette 168e rencontre de l’OZP.

L’âge auquel l’instruction devient obligatoire est donc porté à 3 ans. Le terme « obligation d’instruction » peut être perçu comme l’aboutissement d’une évolution longue. Une idée de continuité dont le point de départ date de 89 avec la mise en place des cycles, cycles qui rattachent complètement l’école maternelle à l’école élémentaire. En 2005, le socle commun de compétences arrime le collège au bloc que forme l’école primaire. La notion de parcours était donc bien présente dès 89. Mais que signifie-t-elle puisque la majorité des enfants de 3 ans sont inscrits à l’école maternelle ? L’obligation d’instruction induit une « scolarité progressive ». On passe ainsi de la « logique concentrique » qui consistait à refaire d’une année sur l’autre ce que certains enfants n’avaient pas fait parce que non présents et puis on apportait de nouvelles notions à la « logique progressive ». Cette logique d’un parcours progressif peut être regardée comme une valorisation de l’école maternelle. Mais est-ce vraiment cela ? C’est le début de quelque chose que nous ne connaissons pas vraiment et qui, on peut le supposer, est en train de se préparer, mais sous quelle forme ? Quelles sont donc les transformations possibles ?

Selon Viviane Bouysse, la question essentielle à se poser est « Comment l’objectif des apprentissages peut-il s’opérationnaliser sans nuire au bien-être de l’enfant ? ». Si le souci des apprentissages est jugé par certains trop prématuré, la notion de « bien-être », quant à elle, est souvent perçue comme un laisser-faire. Les apprentissages sont une notion qui nécessite d’être réaffirmée et il convient d’envisager le bien-être de l’enfant comme des réponses adaptées à tous ses besoins. Mais quels sont les besoins du tout-petit ? Besoins moteur, social sans aucun doute mais il est un besoin essentiel : celui de la sécurité. Le tout-petit apprend le monde et apprend à connaître les choses par sa motricité, ses déplacements et ses manipulations. Chez tous les enfants, il y a des besoins de connaissances, de savoirs. Les enfants sont curieux. « C’est quoi ? C’est pour quoi ? » sont les deux questions fondamentales de la vie qu’ils posent dès 2 ans et demi. Cette curiosité porte sur le monde qu’ils perçoivent. Chaque enfant la possède. En revanche, il y a une curiosité que certains n’ont pas, c’est la curiosité symbolique et culturelle.

Quels sont les enjeux de cette première scolarisation pour les enfants, les familles et la société ?

• Les enjeux pour les enfants

o L’accrochage culturel et cognitif
Il s’agit de les faire entrer dans un univers culturel et dans des modes de fonctionnement cognitif. Pour certains enfants, le monde culturel, monde des formes, des symboles, de la culture écrite est un environnement familier. Ils vivent dans un univers d’histoires, de fictions et de représentations depuis des années ; pour d’autres, c’est totalement étranger, ils ont donc tout à découvrir. En éducation prioritaire notamment, on se rend compte, lorsque l’enseignant (e) raconte une histoire, qu’il y a des enfants qui sont complètement dedans et d’autres qui ne peuvent pas y entrer. Accrocher ces enfants ne se joue pas dans le collectif mais dans la relation individuelle. Il faut que tous les enfants baignent dans un monde d’histoires avant d’entrer dans l’alphabet.
L’accrochage cognitif appelé « le travail des fonctions exécutives » par les neurosciences, qu’est-ce que cela représente pour l’école maternelle ? Apprendre progressivement à acquérir une « attention conjointe et disciplinée ». Obtenir une attention conjointe en maternelle, regrouper les enfants sur un même centre d’intérêt c’est souvent compliqué. Contenir l’attention enfantine, travailler sur la concentration, la persévérance, la planification au sens de l’anticipation - et ce de manière progressive - doivent se faire dans le respect du bien-être de l’enfant. L’école maternelle c’est également apprendre à se contrôler. Acquérir un contrôle progressif ne parvient à maturité qu’à la fin de la maternelle. Les enfants issus de familles culturellement favorisées ont travaillé cette attitude d’auto-contrôle. Pas les autres. On peut compter sur une école maternelle bienveillante pour qu’il y ait une véritable résilience pour beaucoup d’enfants. L’école maternelle doit donc être le lieu où ils sont bien traités et où on peut les enrichir d’un point de vue culturel et cognitif.

o Le bien-être
Les enfants qui fréquentent les écoles en éducation prioritaire ont peu connu de gardes extérieures à la famille. Ils n’ont donc pas d’expérience de séparation longue. Ceux qui ont connu des modes de gardes extérieures ont construit un sentiment de sécurité. Ils savent que la séparation induit forcément le retour. Pour d’autres, c’est à construire, d’où l’importance des premières semaines d’école pour gérer la séparation, aussi douloureuse pour le parent que pour l’enfant. Cette transition s’aménage.

D’autres enjeux tout aussi importants :
  un suivi médical rigoureux, un service qui n’est pas rendu à tous les enfants ;
  remobiliser du temps de RASED : observation de certains comportements, ceux qui ne se voient pas forcément mais qui sont en grande détresse ;
  des apprentissages particuliers qui l’école va permettre : un perfectionnement moteur bien pensé, fondamental pour l’autonomie de l’enfant, des apprentissages mathématiques/le monde du vivant et tout ce qui prépare à la lecture, la conscience phonologique.

• Les enjeux pour les familles
L’accrochage au monde de l’école est tout aussi important pour les familles. Pendant longtemps, les parents ont pu entrer dans l’école, voir ce qui se passait, parler avec les enseignants et avec les Atsem sans que soient évoquées les notions de réussite ou d’échec. C’était moins angoissant pour des parents d’entrer dans l’école maternelle. Sans faire jouer aux parents le rôle d’enseignants, on doit pouvoir leur permettre de trouver des réponses aux questions qu’il se pose : comment accompagner mon enfant, comment l’aider à grandir et à apprendre des choses dans la vie de tous les jours ? Il ne faut pas enfermer les parents dans le modèle de l’école mais dans des apprentissages qui soutiennent l’école. Faire comprendre aussi aux parents que ce sont de véritables supporters. Une attitude d’aide, qui encourage, qui valorise, qui soutienne leur enfant. Les parents doivent pouvoir trouver des réponses auprès de personnes ressources dans un espace où ils sont invités régulièrement. Ces personnes ont un autre regard et ont été formées à certaines formes de dialogue et d’échanges avec les familles. Le professionnel de la relation sociale va aborder les choses autrement.

L’école maternelle est une école de la petite enfance et il serait bon qu’elle garde des liens avec toutes les ressources, toutes les instances de la petite enfance. Comment organiser et articuler les temps école/temps libre pour au mieux faire grandir tous les enfants, voilà un enjeu capital.

• Les enjeux pour l’institution scolaire
L’école maternelle n’est plus une variable d’ajustement. En quoi cela l’a-t-il été ?
 Au niveau des effectifs notamment avec l’idée que ; parce qu’ils sont petits et qu’ils ne viennent pas tous les jours à l’école, on pouvait avoir un nombre conséquent d’enfants dans les classes. Or, la qualité a à voir avec le taux d’encadrement. Travailler le langage avec les enfants suppose des interactions. On parle « avec » et cela suppose des effectifs allégés.
 Au niveau des remplacements : ils n’étaient pas obligatoires. Ils le sont aujourd’hui. L’institution montre ainsi l’importance qu’elle accorde à l’école maternelle.
 La formation initiale et continue des enseignants, des directeurs. La gestion humaine est un véritable travail de direction et la formation est nécessaire. Travailler avec les mairies pour la formation des Atsem (implication, aide à l’analyse, etc.) Cela se développe dans un certain nombre de villes.

Pour l’institution scolaire, qu’en sera-t-il de la révision des programmes ? Pour Viviane Bouysse, la question est la conception du parcours d’apprentissage.
Deux logiques existent : la logique descendante, c’est-à-dire que l’on part de l’exigence qui s’applique à l’enfant de CP et que l’on redescend vers la GS, la MS et la PS en définissant ce qui va faire l’ordinaire de l’enfant.
Une autre logique, qui était la logique du programme de 2015, est de dire « Qu’est-ce que c’est qu’un enfant qui arrive à l’école maternelle ? ». Et comment, en prenant en compte ce qu’il est, ce qu’il peut, ce qu’il sait, ce qu’il peut faire, on s’organise pour le rapprocher des objectifs optimaux de la fin de la grande section ?

On part des besoins à satisfaire tout en s’interrogeant toujours sur ce qu’est l’importance de l’apprentissage de deux manières différentes :
1. Ce que nous a appris la recherche c’est que l’apprentissage entraîne le développement. C’est parce qu’on sait calibrer l’apprentissage qu’on facilite le développement d’un enfant. Les apprentissages bien pensés ne nuisent pas aux enfants. Cela va être un soutien à leur développement.
2. La seconde est ce que l’on appelle « les prédicteurs de la réussite ». On ne peut pas ignorer que cela va avoir une incidence sur ce qui se fait après. Qu’est-ce que je dois aujourd’hui aux enfants pour que leur lendemain soit meilleur ?

Pour conclure, Viviane Bouysse souligne ce qui n’a peut-être pas été pris en compte dans les programmes de 2015 et écarté de la dernière circulaire : l’objectif langage en permanence.

Compte rendu rédigé par Brigitte D’Agostini

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