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Premières évaluations du dédoublement des classes de CP en REP+ : le commentaire de Marc Bablet

24 janvier 2019

Premières évaluations du dédoublement des classes de CP en REP+

Le ministère vient de communiquer sur l’évaluation conduite en 2017-2018 dans les CP en REP+. On attend avec impatience la publication détaillée de la DEPP pour avoir des réponses aux questions qui se posent à la lecture de l’annonce ministérielle.

Une fois n’est pas coutume, je réagis à l’actualité.

Est-ce parce que la presse s’interrogeait sur la publication des résultats des évaluations CP comme le parisien du 21 janvier que le ministre se décide à communiquer ? Ou est-ce parce que le ministre allait communiquer le 23 janvier que le parisien préparait le terrain le 21 janvier ? Dans tous les cas c’est sur le site du ministère que l’on trouve la communication sur cette évaluation

Qu’est ce qui fait que la DEPP a besoin d’être « aidée » par messieurs Gurgand, Grenet, Bressoux et Blatchford pour mener à bien cette évaluation ?

Il me semble que la DEPP est parfaitement capable de faire ce type d’évaluation sans ces personnes. Rappelons simplement qu’il y a longtemps que le ministre travaille avec monsieur Gurgand de l’école d’économie de paris qui a notamment évalué la mallette des parents en 2008-2009, permettant que soit mise en évidence l’efficacité de ce dispositif qui était porté par le Recteur de Créteil d’alors. Des réunions régulières de quelques parents d’élèves volontaires de sixième permettaient, dit-il, de faire reculer l’absentéisme des élèves, y compris chez les enfants des parents non volontaires pour participer aux réunions. Il a pour le dire dans la synthèse une formule que l’on ne trouverait sûrement pas dans une évaluation de la DEPP dont les procédures sont bien trop rigoureuses pour en arriver là car la DEPP ne se permettrait pas de déduire une causalité d’une corrélation : « De manière encore plus remarquable, cette amélioration des comportements est également perceptible chez les enfants des parents non volontaires, qui n’ont donc pas participé aux débats, mais relevant des classes bénéficiaires, dans lesquelles des parents volontaires ont participé aux débats. Cela signifie que les changements de comportement des élèves directement touchés par l’intervention ont également influé sur leurs camarades de classe. »

Le document ne dit pas le rôle de messieurs Gurgand et Grenet… en revanche, il précise celui des deux chercheurs, Bressoux et Blatchford qui contribueront au recueil des pratiques d’enseignement et à l’observation de l’engagement des élèves. Deux études qui seront assurément intéressantes pour mieux comprendre les processus à l’œuvre dans ces classes.

On attend avec impatience le dossier complet de la DEPP pour y trouver un certain nombre d’informations sans lesquelles on ne peut pas comprendre correctement les évaluations dont on nous parle ni donc les résultats

D’abord les épreuves elles-mêmes car il faut pouvoir comprendre quelles sont exactement les compétences évaluées. En effet selon les compétences, certaines peuvent ne relever que d’un entraînement ponctuel qui suffit à les faire évoluer (il y a des compétences plus sensibles à la répétition que d’autres mais dont la répétition ne garantit pas pour autant l’acquisition valable dans la durée). D’autres compétences ne peuvent être acquises que dans une durée longue de familiarisation avec une matière complexe. On ne peut donc pas comprendre ces évaluations des compétences des élèves si on ne sait pas de quoi exactement on parle. Il me semble très dommageable à la démocratie que l’on n’attende pas la publication du dossier de la DEPP pour communiquer mais c’est sans aucun doute volontaire. Ainsi d’éventuelles critiques fondées en raison arriveront trop tard dans la séquence de communication… Du grand art. Lisez ou relisez La société du spectacle de Guy Debord.

En outre on nous dit que les objectifs d’amélioration du climat scolaire, d’amélioration des conditions de travail des professeurs, de personnalisation des pratiques d’enseignement et de renforcement des formations ont aussi été atteints. On croit comprendre que ces questions font l’objet de questionnaires aux collègues enseignants des CP concernés. Des enseignants à qui l’on donne la possibilité d’enseigner à 12 plutôt qu’à 24 ont en effet tout intérêt à dire assurément à plus de 90% que le climat s’est amélioré, que leurs élèves comprennent mieux, qu’eux-mêmes comprennent mieux les besoins des élèves, qu’ils ont fait évoluer leurs pratiques pédagogiques… Ceux, peu nombreux, qui ne le disent pas sont soit en grande difficulté, soit inconscients des enjeux politiques des évaluations dans le monde gouverné par les nombres, soit... on peut toujours faire d’autres hypothèses, de toutes manières on ne pourra rien vérifier.

Au-delà il faudra pour pouvoir bien comprendre ces évaluations disposer d’autres informations importantes dans les études statistiques :

 comment est constitué l’échantillon des 408 écoles ?

 comment est constitué le groupe témoin dont on nous dit qu’il est composé d’élèves au profil social proche de ceux de REP+ mais qui ne sont pas dans des classes dédoublées en REP+. Ont-ils été choisis dans ce que l’on appelle parfois des « écoles orphelines » parmi les 102 hors REP ? Ont-ils été choisis autrement c’est-à-dire individuellement ? La formule « ce deuxième groupe fait office de groupe témoin » laisse pointer un peu de doute. Dans ce type d’évaluation on a un groupe témoin ou pas.

 comment tient-on compte des caractéristiques socio économiques et géographiques des écoles : est-ce sur la base de données statistiques nouvelles à base des PCS recueillies dans base élève ou est ce d’une autre manière et si oui laquelle ?

 comme c’est la première fois que je vois parler d’écart type dans une publication ministérielle (autre que les études de la DEPP évidemment), ce dont on ne peut que se réjouir, car cela signifie que l’on cherche à parler de la réalité complexe des nombres pour rendre compte du réel, il sera intéressant que l’on nous donne effectivement l’écart type des deux groupes au départ et à l’arrivée sur différentes dimensions qui nous permettent effectivement de connaître la dispersion des situations et des résultats. Il nous faudra pouvoir voir où ont lieu les améliorations : chez les meilleurs élèves, ou chez les plus en difficulté car quand la moyenne d’une population évolue ce peut être de manières très diverses.

 comment est calculée la baisse de la proportion des élèves en très grande difficulté, c’est-à-dire comment est décidée la limite qui fixe la très grande difficulté. Pourra-t-on avoir, comme on l’a pour CEDRE, une donnée de la population par déciles qui permet des comparaisons particulièrement fructueuses à cet égard.

Encore trois remarques

On peut se réjouir du programme de travail indiqué qui va permettre d’approfondir les questions pédagogiques et notamment d’en savoir plus sur les pratiques d’enseignement comme cela avait déjà été fait avec, entre autres, le même Pascal Bressoux en 1994-1996 pour les évaluations de CE2, travail de la DEPP en lien avec plusieurs laboratoires ( Les dossiers d’éducation et de formations numéro 70 mai 1996 : Études exploratoires des pratiques d’enseignement en classe de CE2 ).

Un travail à venir sur l’observation de l’engagement des élèves dans le travail est très pertinent pour l’éducation prioritaire car beaucoup se joue dans ce comportement qui a été travaillé par l’équipe qui a proposé une belle réflexion sur ce qui soutient les élèves . Espérons que le travail à venir n’ignorera pas cette recherche de grande qualité.

En revanche il y a de quoi s’étonner de voir dans une communication sur une évaluation supposée rigoureuse que l’on y rajoute quelques informations au passage sur le dispositif AILE et sur le dispositif AGIR POUR L’ÉCOLE qui ne relèvent pas du même sujet puisqu’il ne s’agit pas de l’évaluation des CP à 12. Le rappel du projet de l’académie de Paris arrive là comme pour rappeler qu’il n’y a pas que le milieu associatif qui fait quelque chose. A propos d’Agir pour l’école, je recommande un très bon article de libération qui pose parfaitement le problème.

Extrait de mediapart.fr/marc-bablet du 23.01.19 : Premières évaluations du dédoublement des classes de CP en REP+

 

Le blog de Marc Bablet

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