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Extrait de « Clicanoo » du 14.02.06 : La réforme de l’éducation prioritaire
Dix-neuf collèges, et les écoles primaires qui s’y rattachent (dont celles de Mafate) formeront en août prochain les établissements “Ambition Réussite” : les prioritaires des prioritaires. Parmi eux, neuf petits nouveaux : la moitié des nouveaux élus pour toute la France.
En matière d’éducation prioritaire, La Réunion apparaît comme l’enfant gâtée de la République. À elle seule, l’île obtient la moitié du nouveau label “Ambition Réussite” qui désignera, à partir d’août prochain, les établissements prioritaires parmi les prioritaires. Certains figuraient auparavant dans le dispositif d’éducation prioritaire en ZEP ou REP (voir nos repères), d’autres n’y appartenaient pas du tout. Il y a donc un effort manifeste du gouvernement pour aider les élèves réunionnais à réussir leurs études. Le recteur a présenté hier le nouveau réseau, destiné à “relancer l’éducation prioritaire”. Dix-neuf collèges, et les écoles primaires qui s’y rattachent (dont celles de Mafate), ont été choisis pour ce dispositif. Dix d’entre eux figuraient déjà en ZEP ; six autres collèges ainsi que deux lycées professionnels restent en ZEP “simple”. Outre les moyens supplémentaires habituellement accordés aux ZEP (effectifs permettant de ramener les classes à 25 élèves, financement de projets, etc.), ces établissements “Ambition Réussite” travailleront par contrats.
“Il y aura contractualisation de ces établissements”, a expliqué, hier, le recteur Paul Canioni. Le contrat sera piloté par un inspecteur d’académie pour travailler sur des objectifs précis. “Et au-delà de ce contrat, il faudra réfléchir à une reconnaissance de l’établissement par une spécialité de haut niveau : scientifique, linguistique, sportive, environnementale...” Que chaque collège “Ambition Réussite” propose une filière d’excellence ? L’idée est belle. Il reste à l’appliquer, dès la rentrée prochaine.
“Motiver les élèves, c’est une victoire »
Le recteur a également souhaité, hier, la mise en place de groupes de compétences dès la sixième. En langues par exemple, il s’agit de former des groupes d’élèves par niveaux de compréhension : les débutants ensemble, les plus avancés entre eux. “Je crois beaucoup aux groupes de compétences”, a insisté M. Canioni. “Ils peuvent être modifiés tout au long de l’année”. Sur le papier, ce nouveau dispositif ne manque pas d’attraits. “La ZEP est une très bonne chose si les moyens sont donnés derrière”, confirme Marie-Hélène Dor, du Snes-FSU (syndicat national des enseignements du second degré). Mais la syndicaliste, professeur d’anglais au Port, ne cache pas sa méfiance par rapport au fameux “socle commun” qui, selon elle, avance masqué derrière ces innovations. “C’est une réforme qui correspond à la vox populi. Le socle commun, cela veut dire qu’on va se limiter aux fondamentaux : lire, écrire, compter, utiliser un ordinateur”. L’enseignante se dit “horrifiée : j’ai eu des classes d’insertion ; je ne me suis jamais contentée du lire-écrire-compter. En civilisation, je leur expliquais l’apartheid en Afrique du Sud et la ségrégation aux États-Unis. Cela les intéressait. Dans ces classes à fort absentéisme, motiver les élèves, c’est déjà une grande victoire”.
Extrait de « Clicanoo » du 14.02.06 :“Un bilan très positif pour les ZEP”
Trois questions au recteur Paul Canioni.
Certains craignent que l’éducation prioritaire se résume à l’enseignement du “socle commun” : lecture, écriture, calcul. Est-ce votre projet ?
Non, pas du tout. Le socle des fondamentaux, c’est l’ensemble des connaissances indispensables à la fin de la 3e, ce n’est pas lié à l’éducation prioritaire. Il est d’ailleurs en réflexion, et sera mis en place dans les écoles et les collèges, pour faire en sorte que les élèves entrent en sixième avec des compétences reconnues en calcul, lecture, informatique, éducation civique, et peut-être éducation physique et sportive.
Le supplément de moyens accordé à l’éducation prioritaire est-il issu d’un redéploiement ?
Oui, et la raison, c’est l’équité. Regardez l’académie de Lille, on lui a enlevé 900 enseignants, car il y a 10000 élèves en moins. Nous sommes un pays endetté, il faut réajuster les choses. Et il y aura moins de monde dans les collèges où il y a moins d’élèves, c’est normal.
Nicolas Sarkozy voulait “déposer le bilan” des ZEP. Et vous, quel bilan tirez-vous des ZEP à La Réunion ?
Un bilan très positif. Regardez l’évolution sur les 20 dernières années ! Les évaluations de CE2 et de 6e montrent que nous évoluons très positivement. Un différentiel existe encore avec la métropole, mais nous avons fait des progrès considérables. D’ailleurs, si on compare les résultats avec ceux des zones ayant des catégories socioprofessionnelles identiques, nous avons les mêmes résultats qu’en métropole. L’éducation prioritaire a permis à beaucoup d’établissements de rattraper leur retard, avec un soutien personnalisé aux enfants. On a fait une analyse précise : entre les collèges en ZEP et ceux qui n’y sont pas, les moyennes ne sont plus significativement différentes. Il fallait donc recentrer les moyens, bien cibler les collèges. Quant aux établissements qui restent en ZEP mais ne sont pas “Ambition Réussite”, il n’y aura pas de modification en 2006, on continuera à leur donner les même moyens, avec 25 élèves par classe.
Extrait de « Clicanoo » du 14.02.06 : 9 réunionnais sur 18 nouveaux
En France, 18 collèges qui n’étaient pas en ZEP (zone d’éducation prioritaire) entreront en août 2006 dans le dispositif “Ambition Réussite” du ministère de l’Éducation nationale. L’île de La Réunion en représente la moitié : Texeira-da-Motta à La Possession, Le Port-IV, Edmond-Albius au Port, Michel-Debré au Tampon, Cambuston à Saint-André, Hubert-Delisle à Saint-Benoit, François-Mahé-de-Labourdonnais à Saint-Denis, Les-Deux-Canons à Saint-Denis, Jean-Lafosse à Saint-Louis.
Certains sont déjà en REP
Extrait de « Clicanoo » du 14.02.06 : 19 réseaux EP 1 à La Réunion
La Réunion à la cinquième place
En tout, 249 collèges ont été labellisés “Ambition Réussite” par le ministère de l’Éducation nationale, dans les trente académies françaises. La Réunion en compte 19 à elle seule, un chiffre qui la met en cinquième position derrière les académies de Lille (28 collèges labellisés), Aix-Marseille (26), Créteil et Versailles (21).
Extrait de « Clicanoo » du 14.02.06 : que deviennent les REP ?
Restent en réseau d’éducation prioritaire (REP) simple les collèges suivants : Pointe-des-Châteaux à Saint-Leu ; L’Étang-Saint-Paul, Jules-Solesse, Plateau-Caillou et le Bernica à Saint-Paul ; Titan au Port, Henri-Matisse et Tamarins à Saint-Pierre ; Leconte-de-Lisle à Saint-Louis ; Emile-Hugot à Saint-Denis ; Beauséjour à Sainte-Marie ; Quartier-Français à Sainte-Suzanne ; Bras-Panon.
Des écoles élémentaires y sont rattachées.
Le classement en REP octroie des moyens similaires à ceux des établissements ZEP, mais les enseignants n’y perçoivent pas les mêmes primes
Extrait de « Clicanoo » du 14.02.06 : explication des sigles
EP1, EP2, EP3 EP = “éducation prioritaire”
EP1 = collèges et écoles primaires “Ambition et Réussite”
EP2 = autres établissements ZEP et REP
EP3 = collèges appelés à sortir progressivement de l’éducation prioritaire
Extrait de « Clicanoo » du 14.02.06 : L’éducation prioritaire en bref
Les critères pour définir les 19 réseaux “Ambition Réussite” sont notamment : la part d’élèves issus de familles défavorisées et érémistes, le nombre d’élèves non francophones, les résultats aux évaluations d’entrée en 6e, la part d’élèves ayant un retard scolaire de deux ans en 6e. 123 enseignants expérimentés seront affectés à l’éducation prioritaire, ainsi que 360 assistants pédagogiques (étudiants bac+2). Il s’agit, selon le recteur, de créations nettes d’emplois à La Réunion. 8 infirmières ou infirmiers supplémentaires seront nommés, pour qu’il y en ait au moins un(e) à temps plein dans chaque établissement “Ambition Réussite”.
Priorité dans l’accès aux dispositifs relais, qui prennent en charge temporairement les élèves les plus perturbateurs. Une aide personnalisée aux élèves en difficulté : un livret de compétences et des études accompagnées en CE2, CM1 et CM2. Des contrats seront signés entre les collèges “Ambition Réussite” et l’académie, afin de définir clairement les objectifs pédagogiques.
Une évaluation régulière prendra en compte notamment la maîtrise de la lecture et l’acquisition du “socle commun”. Une opération “école ouverte” fonctionnera pendant les vacances dans chaque quartier d’éducation prioritaire. L’an dernier, l’école ouverte a concerné 23 collèges et lycées pour un total de 66 semaines. Rendez-vous trimestriels avec les parents. Dans la mesure du possible, une salle sera aménagée pour les accueillir, organiser des cours d’alphabétisation, des rencontres, des permanences. Entretien individuel d’orientation pour les élèves de 4ème, 3ème, 2de et terminale, chaque année entre janvier et mars. Pour permettre à l’élève de réfléchir à son projet professionnel, avec le prof principal ou le conseiller d’orientation, assisté d’une personne du monde professionnel qui pourra être choisie parmi les parents d’élèves.
Extrait de « Clicanoo » du 14.02.06 : les réactions
Le Snalc constate que les mesures “seront mises en œuvre à budget constant ce qui, en clair, revient à faire financer les collèges labellisés “ambition réussite” par l’ensemble des autres établissements.” Le Snalc est favorable à un “recentrage de l’enseignement primaire sur l’acquisition des fondamentaux” (français et mathématiques) et au développement en ZEP de l’apprentissage en lycées professionnels.
Pour le Snes-FSU, “la politique d’éducation prioritaire (...) a permis de faire atteindre aux élèves des établissements ZEP des résultats bien meilleurs que ceux auxquels on devait s’attendre en fonction de la forte dégradation de l’environnement économique et social (...) ces 20 dernières années. (...) L’heure n’est donc pas au dépôt de bilan des ZEP”. Le Snes fait 17 propositions, notamment maintenir le même niveau d’exigence partout.
Le Sgen-CFDT “acte positivement la philosophie (...) qui repose sur un “réseau de réussite” avec une notion de ciblage.” Mais il faut du temps pour ça. Enfin, “si des moyens supplémentaires (1000 enseignants) sont affectés, ils ne doivent en aucune manière provenir d’un redéploiement. »
Témoignages sur les ZEP de la Réunion
Extrait de « Clicanoo » du 14.02.06 : “Les violences n’ont rien à voir avec les difficultés scolaires”
Ses deux enfants ont étudié dans les collèges Adrien-Cerneaux et Jean-d’Esme à Sainte-Marie. Pour cette mère de famille réunionnaise, chef d’établissement, l’inscription dans une ZEP n’a jamais été une infamie. Et ses fils, désormais majeurs, ont tracé chacun leur voie professionnelle, l’un comme ingénieur, l’autre comme enseignant. Selon elle, l’image des ZEP s’est dégradée vers 1998-99, avec des violences dans des lycées professionnels. “On associe maintenant la ZEP et les violences, ce qui n’a rien à voir avec les difficultés scolaires”. Alors qu’à La Réunion, les familles gardent, plus ou moins consciemment, une réelle gratitude envers l’école, ignorant souvent leur classement en ZEP !
“Les plus âgés donnaient des claques »
Dans un collège de l’Est, une équipe d’enseignants organise régulièrement des voyages linguistiques et culturels. Pour permettre aux familles les plus modestes d’y participer, on augmente le nombre de repas dansants et autres tombolas, afin de financer les activités. Le classement en ZEP permet d’organiser plus d’activités, et des heures supplémentaires pour le soutien scolaire. Ce qui n’empêche pas quelques insultes de temps en temps dans la cour. Mais les moyens en personnel permettent d’être plus présent, de réagir très vite, en convoquant immédiatement les collégiens turbulents et leurs parents.
Pour sa part, Jacky, quadragénaire, se souvient de ses années collège au Port, bien avant la création des ZEP. “Les plus âgés bloquaient l’entrée, et nous donnaient des claques si on voulait aller en cours”. À ce régime-là, les notes n’ont pas tardé à baisser. Les parents ont décidé de déménager au Tampon, pour que leur fiston améliore ses résultats. Mal vu au début, le garçon a vite fait la preuve de ses compétences. À la grande surprise de ses nouveaux profs, qui n’avaient vu en lui qu’un futur délinquant. Depuis, il a fait des études supérieures. Il témoigne : les violences ne sont pas nées avec les ZEP.
Dossier : Véronique Hummel