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Un principal de collège évoque les violences scolaires en ZEP

8 février 2006

Extrait du « Journal de Saône-et-Loire », le 08.02.06 : « On doit se diriger vers une prise en charge globale de l’élève »

Michel Drapier, principal du collège de Saint-Rémy et coordinateur du GLAS de Chalon

Michel Drapier est chef d’établissement depuis 1988. Il a dirigé trois collèges classés en Zone d’Éducation Prioritaire (ZEP) dont le collège Jacques Prévert de Chalon, avant d’être nommé à St Rémy, il y a 5 ans. Il est également coordinateur du Groupe Local d’Action pour la Sécurité (GLAS) de Chalon. C’est sur cette ville que, ces dernières années, l’Inspection Académique a recensé le plus d’incidents sérieux (notamment l’agression physique, en 2004, d’un directeur d’école par un parent d’élève et celle d’une enseignante de collège, par un élève de sa classe).

Le Journal de Saône-et-Loire : Vous êtes coordinateur du GLAS de Chalon, est-ce un outil de prévention efficace ?

Michel Drapier : « Le Groupe Local d’Action pour la Sécurité de Chalon est un peu en sommeil, car il fait double-emploi avec d’autres dispositifs sur Chalon-ville. C’est un peu dommage car les trois collèges de la périphérie (ceux de St Marcel, Châtenoy-le-Royal et St Rémy) se sentent un peu orphelins. Avec le GLAS, nous avons organisé des réunions thématiques avec les représentants de l’ordre et de la justice qui nous ont fait avancer, mais maintenant, cela fonctionne au ralenti. Je serais favorable à ce qu’il y ait une réflexion sur la possibilité de voir le travail du groupe de Chalon s’étendre à la couronne : on y gagnerait en qualité de fonctionnement ».

Le JSL : En tant que principal de collège et avec vos treize ans d’expérience en ZEP, quelle est votre perception de la violence en milieu scolaire ?

Michel Drapier : « Je ne vois pas de différence importante entre les établissements classés en ZEP que j’ai dirigé et celui-ci qui n’est pas en zone prioritaire. L’incivilité n’a pas de frontières. Il y a un brassage de population de plus en plus important avec des familles d’origine étrangère qui font l’effort de sortir des quartiers de Chalon pour s’installer en périphérie. Ce changement désoriente les enfants qui reforment ici un esprit de quartier. C’est surtout à l’incivilité verbale que nous sommes confrontés. Le vocabulaire se dégrade, un vocabulaire parfois d’une violence que l’on ne peut tolérer. C’est très difficile à vivre pour certains enseignants, qui se trouvent réellement en souffrance. La violence physique se passe entre élèves et cela souvent pour rien, gratuitement. Un professeur a été victime de harcèlement téléphonique et d’autres des dégradations contre leur domicile (pendant la nuit d’Halloween). J’encourage tous mes collègues, quand ils ont vécu un incident qu’ils considèrent comme grave, de faire un signalement à la police de façon systématique ».

Le JSL : De quels moyens disposez-vous pour lutter contre cette violence ?

Michel Drapier : « Dans la panoplie de sanctions, l’avertissement a totalement perdu de sa valeur. Un élève, qui fait preuve de violences verbales permanentes et ne tolère aucune remarque va passer en conseil de discipline, un autre, qui a giflé à deux reprises un élève de 8 ans (intégré à titre d’enfant intellectuellement précoce) qui s’est trouvé sur son chemin a été renvoyé deux jours. Mais son père n’a pas été d’accord avec la sanction : dès lors l’élève ne peut pas non plus la comprendre ! C’est notre plus gros problème. Il faudrait que nous puissions travailler en harmonie avec les familles. Quand cela se passe, c’est efficace : récemment nous avons pu résoudre un conflit en l’espace d’une semaine parce que les parents étaient derrière nous.
Mais nous devons tout de même rester positifs : sur 700 élèves c’est une trentaine qui pose problème. Et notre collège est dans le peloton de tête pour le passage en seconde (au-dessus de la moyenne nationale). Et on fait beaucoup de choses (intégration d’enfants autistes et d’intellectuellement précoces par exemple). Il ne faudrait pas que l’on retienne une image de « collège à problèmes ».

Le JSL : Quels pourraient être les solutions pour l’avenir ?

Michel Drapier : « En tout cas pas la note de comportement prévue pour la prochaine rentrée : elle ne pourra qu’aggraver les choses. Pour les élèves en difficultés, ce sera la course à celui qui aura la note la plus basse ! Je ne suis pas non plus favorable à la présence en permanence d’un mi-temps de la police ou de la gendarmerie, je pense qu’ils ont autre chose à faire ! Non, c’est un travail en profondeur qu’il faut, et cela commence avec ce qui est dispensé dans les IUFM pour les futurs professeurs, qu’il s’agisse d’acquérir des connaissances en matière de gestion de groupe ou de connaissance socio-économique de son quartier. On doit se diriger vers une prise en charge globale de l’élève, l’enseignement ne peut se limiter au simple savoir ».

Propos recueillis par Marie-Christine Baron-Fagé

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