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« L’Humanité » et la CFDT Ile-de-France replacent les ZEP dans une politique générale

4 février 2006

Extrait de « L’Humanité » du 03.02.06 : Résistance face à l’école trop étriquée de Robien

Éducation . ZEP rétrécies, postes aux concours moins nombreux, apprentissage à quatorze ans, parents « déficients » punis : l’école du ministre Robien n’a plus aucune ambition.

Loi votée n’est pas achevée. Avec ses airs de ne pas y toucher, le ministre de l’Éducation nationale a peaufiné, depuis deux mois, les chapitres qui manquaient à la réforme de l’éducation concoctée l’an dernier par son prédécesseur. Dans un premier temps, Gilles de Robien s’est contenté d’inscrire dans le marbre les commandements que François Fillon avait dû laisser en suspens. Y compris ceux qui avaient été déboutés par le Conseil d’État en juin. À coups de décrets d’application. En septembre, l’affaire était pliée, y compris sur les points faisant litige avec les syndicats de personnels. Comme, par exemple, le décret concernant le remplacement obligatoire des enseignants absents par leurs collègues de l’établissement.

On pouvait croire la page tournée. Mais les révoltes de novembre ont résonné, pour la droite, comme le signal de la deuxième offensive. Dès le 1er décembre, Dominique de Villepin sonnait la charge. Présentant son plan pour l’égalité des chances, il confirmait l’abaissement à quatorze ans de l’âge d’entrée en apprentissage. Il reprenait une vieille idée de Nicolas Sarkozy : punir financièrement les parents échouant à faire réussir leurs enfants.

Le premier ministre ayant donné le la, Robien n’a plus qu’à tenir la note. En six semaines, il avance une dizaine de propositions, avec plus ou moins de véhémence, achevant ainsi le travail engagé par François Fillon. Le fond est le même : on a tout essayé pour faire réussir les jeunes des milieux populaires, il s’agit de se montrer, maintenant, réaliste. L’échec est l’affaire des familles - au mieux de la société - l’école, elle, ne peut plus rien y faire. Intelligents de la main et élites du cerveau : à chacun son parcours. Plus ou moins long et riche. Classes relais ou internat : les dispositifs dérogatoires conservent la place d’honneur.

L’individualisation ne touche pas uniquement les élèves. Agressées, les enseignantes d’Étampes et de Montreuil ont chacune bénéficié d’une dédicace ministérielle, sur le mode : « Ne vous inquiétez plus, on s’occupe de votre carrière. » Là encore, une réponse singulière à un problème collectif.

Annoncée fin décembre, la réforme des ZEP s’inscrit dans cette logique. Outre qu’elle se fait sans moyens supplémentaires, elle prévoit, elle aussi, des dispositions dérogatoires (lire ci-après). Et défend une idée chère à la droite : récompenser ceux qui le méritent en leur réservant quelques places parmi la fine fleur du système. L’école n’est plus désormais un droit pour tous, mais un privilège.

Face à cette offensive, commence à se répandre un mot nouveau dans le monde éducatif : résistance. Début janvier, une trentaine de chercheurs en sciences de l’éducation lançait un appel à résister « au renoncement historique aux ambitions pour l’école ». Plus de 7 000 personnes l’ont déjà signé. En Seine-Saint-Denis, depuis dix jours, des collèges et lycées ZEP sont occupés la nuit - une forme d’action alternative à la grève - toujours avec l’idée de résister aux politiques éducatives.

M.-N. B.

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Extrait d’un communiqué de presse de la CFDT Ile-de-France du 02.02.06 : Problèmes scolaires en Ile-de-France

Déclaration de l’Union régionale CFDT d’Ile-de-France et des Sgen-CFDT des académies de Créteil et Versailles

Le contenu du projet de loi pour l’égalité des chances actuellement en débat en urgence à l’Assemblée nationale, ainsi que les diverses annonces ministérielles sur l’école où les violences urbaines ont toutes les raisons d’alarmer l’Union régionale interprofessionnelle d’Ile-de-France, ainsi que ses syndicats Sgen franciliens de l’Education nationale.

Notre région a en effet été le théâtre principal des violences du dernier trimestre 2005, et se trouve de nouveau sous les feux de l’actualité à propos de l’éducation prioritaire ou des violences scolaires. L’Ile-de-France est en première ligne en matière de problèmes scolaires et sociaux, c’est pourquoi l’Union régionale CFDT Ile-de-France et les SGEN franciliens s’expriment sur les projets en débat qui n’apportent pas de réelle solution.

Violences scolaires : traiter le mal à sa racine et rompre l’isolement des personnels

Depuis le grave incident d’Etampes à la mi-décembre, les violences scolaires exposant des enseignants et relayées par les média se succèdent dans notre région : Vitry, Bagnolet, Sarcelles, Le Blanc-Mesnil, Paris 19ème, Montreuil... Pourtant d’après le rectorat de Créteil les signalements pour agressions d’adultes (dix cas recensés par SIGNA) sont comparables à la même période mensuelle en 2005. Les média auraient-ils amplifié artificiellement le phénomène ?

D’après le ministère de l’Education nationale, on a compté en 2004/2005 au plan national 23 094 violences physiques sans arme, 20 732 insultes ou menaces graves, 1651 violences physiques avec arme ou arme par destination, etc. Ces chiffres montrent qu’il s’agit d’un phénomène d’ampleur (l’Ile-de-France représentant environ 20 % des effectifs tant élèves que personnels). Les signalements sont en augmentation en collèges et surtout LP. Les victimes sont d’abord des élèves (60%). Au-delà de quelques cas fortement médiatisés, le milieu scolaire est victime d’une tension endémique qui rend plus difficiles les conditions de travail des personnels et des élèves et les met parfois en danger.

Pour remédier à ce grave problème, que nous propose le gouvernement ?

Le ministre de l’éducation nationale pousse à la judiciarisation en encourageant les dépôts de plainte. Il prône le maintien de l’ordre en parlant de mettre en place un partenariat plus rapproché avec la police, un plan de prévention et une note de vie scolaire dans chaque établissement. Le ministre de l’intérieur pousse à la médicalisation, voire la psychiatrisation des comportements scolaires jusqu’en maternelle.

Bien sur, les auteurs de violences doivent être sanctionnés, les incivilités ne pas être tolérées. Les sanctions internes conformes au règlement intérieur doivent être appliquées par les conseils de discipline des établissements. Les poursuites judiciaires doivent être systématiquement engagées quand elles se justifient. Mais la nécessaire application de la loi ne peut tenir lieu de politique de prévention de la violence, au risque sinon de criminaliser les rapports humains à l’école.

C’est en amont des phénomènes que doit être pris en charge le problème de la violence à l’école :
La souffrance souvent à l’origine d’actes de violence doit pouvoir s’exprimer à travers des lieux de paroles, des instances ouvertes de médiation en dehors du face à face élève-enseignant devant la classe. Une prise en charge collective au niveau de l’établissement doit permettre aux personnels comme aux élèves qui se sentent exposés d’être pris en considération. Ce travail doit être fait en concertation avec les services sociaux municipaux, les associations de quartier, car l’élève a une existence en dehors des murs de l’établissement qui interfère avec sa vie scolaire. Un personnel spécialisé dans les établissements, en priorité les plus difficiles, est nécessaire pour créer la relation appropriée.

La souffrance ressentie tant par les élèves que les enseignants est aussi le produit des contraintes scolaires : objectifs scolaires, évaluation des élèves, qualité de la relation maître-élève, qualité et prise en compte du projet personnel et professionnel de l’élève, etc. Les personnels doivent pouvoir disposer de temps collectif pour traiter ensemble de ces questions, de même qu’ils doivent pouvoir compter sur l’appui des IA et rectorats pour la gestion des situations de violence comme de la relation pédagogique...

Les inspections académiques et rectorats doivent faire en sorte que les pratiques changent dans de nombreux établissements visités par nos militants, qui ont constaté un refus de l’administration locale d’accorder le temps nécessaire pour analyser et agir collectivement sur ces situations. La priorité de l’administration, qui est la continuité de la présence des enseignants devant leurs élèves est compréhensible dans l’instant pour éviter de les laisser « dans la nature », mais cela ne fait pas une politique d’établissement, qui doit s’appuyer sur la confiance entre les équipes de direction et de vie scolaire et les équipes enseignantes. L’heure mensuelle d’information syndicale, des journées banalisées sont dans bien des cas nécessaires pour traiter collectivement les problèmes.

Priorité nationale et régionale pour les ZEP

Le recentrage de l’effort sur les ZEP les plus en difficulté prétend répondre à la critique de saupoudrage faite au dispositif actuel : plus d’un collège sur deux classé ZEP en Seine Saint Denis, un sur trois dans l’académie de Créteil. La politique d’éducation prioritaire est certes dévoyée si elle ne s’applique pas essentiellement aux territoires les plus fragiles. Elle ne peut se substituer à une réforme nécessaire de l’ensemble du système éducatif en question par ailleurs (socle commun, collège unique, etc.).

Mais la relance ciblée des ZEP que nous souhaitons ne pourra pas produire des résultats sans un effort budgétaire supplémentaire significatif. Actuellement, les ZEP consomment à peine entre 10 et 20 % de crédits d’enseignement supplémentaires, deux élèves de moins en moyenne par classe. Au total, un établissement en ZEP ne coûte pas plus cher qu’un établissement de centre ville !

Il faut changer les ordres de grandeur : Le renforcement des moyens pour un nombre limité de zones en grande difficulté doit bénéficier d’un effort de financement exceptionnel de la collectivité nationale. Les moyens exceptionnels affectés doivent permettre les aménagements de service des personnels pour la concertation, le travail en petits groupes, une organisation pédagogique souple favorable à la réussite des élèves.

Il ne peut s’agir d’habiller l’un en déshabillant l’autre. Les établissements ZEP actuels qui ne seraient pas retenus dans les zones ciblées doivent conserver des moyens particuliers proportionnés aux difficultés rencontrées.

L’Ile-de-France compte un grand nombre de ZEP et des territoires parmi les plus fragiles. Espoir et déception à l’égard de l’école se mêlent fortement dans ces quartiers comme on a pu encore le mesurer lors de la flambée de violences de novembre dernier.

C’est pourquoi une mobilisation humaine et matérielle intense des services de l’Etat et des collectivités territoriales en leur faveur est une condition impérative pour transformer la réalité de notre région. La lutte contre les inégalités territoriales et sociales est globale. La politique d’éducation prioritaire ne peut se concevoir qu’en lien avec toutes les parties prenantes - parents, services municipaux, CAF, organismes de logement, associations...- rassemblées dans un projet éducatif local.

Encourager les meilleurs élèves des collèges réussite à déroger à leur secteur de recrutement de lycées est démagogique et contre-productif. Comment requalifier ces établissements si dans le même temps on incite les jeunes à fuir ces quartiers ? Il faut au contraire inverser au plan local les tendances ségrégatives dans l’habitat, rendre plus attractive l’offre éducative des établissements et prendre toutes les mesures en faveur de la mixité sociale.

L’insertion professionnelle des jeunes, un défi régional

Chaque année en Ile-de-France, 15 000 jeunes abandonnent leur formation initiale sans qualification. Ce n’est pas une fatalité, il existe des moyens de favoriser l’accès de ces jeunes à l’emploi : Le Conseil régional d’Ile-de-France a signé cet automne avec l’Etat un contrat d’objectif en faveur du développement de l’apprentissage, qui prévoit 100 000 contrats à l’horizon 2010.

La Commission paritaire interprofessionnelle régionale pour l’emploi a émis un avis en septembre précisant les conditions souhaitées d’un développement de l’apprentissage. Par ailleurs, L’accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 signé par l’ensemble des partenaires sociaux a institué les contrats de professionnalisation qui concernent aussi les jeunes sans qualification. Les dispositions de cet accord sont déclinées actuellement dans les branches et dans les entreprises.

La formation professionnelle en alternance, quelque soit sa forme, représente une des voies normales de la formation professionnelle initiale. Le projet gouvernemental actuel d’apprentissage « junior » dès 14 ans entretient la confusion sur les voies d’accès à l’emploi et ne donne pas une image valorisante de l’apprentissage. Sous couvert de la nécessité d’ouvrir le monde professionnel aux jeunes, il s’agit d’organiser une sortie précoce du système pour les jeunes qui ont des difficultés scolaires. La CFDT est en désaccord avec cette mesure. Il faut au contraire privilégier l’acquisition par tous les jeunes d’un socle commun de connaissances qui permette ensuite l’accès à une qualification professionnelle. Cela n’exclue pas des formes d’alternance sous statut scolaire comme il en existe déjà à l’Education nationale (Segpa, Clipa, CPA), dans le cadre de la scolarité obligatoire au sein des collèges.

La responsabilité parentale : la prévention plutôt que la répression

Le contrat de responsabilité parentale, en cas d’absentéisme scolaire, de trouble au fonctionnement d’un établissement scolaire, est-il fait pour « frapper les gens au portefeuille » comme l’a déclaré le ministre délégué à la famille ? Le rôle des allocations familiales est de couvrir les charges que représentent les enfants, pas de servir de moyen de pression sur la bonne conduite des familles. La responsabilité parentale repose en priorité sur l’accompagnement des familles et sur la prévention plutôt que la sanction et la menace.

L’absentéisme et les comportements perturbateurs scolaires doivent d’abord être traités par la communauté éducative des établissements, en lien avec les services sociaux locaux. Les difficultés scolaires ou sociales à l’origine de ces comportements critiques doivent être traitées à leur source plutôt que par des punitions qui risquent d’aggraver encore le sort de ces familles en difficulté. Cette prévention exige un personnel approprié en nombre suffisant dans les services sociaux municipaux et départementaux.

L’Union régionale CFDT Ile-de-France et l’ensemble des structures professionnelles et territoriales CFDT d’Ile-de-France sont en état d’alerte sur ces questions et agissent pour contribuer à dégager des solutions favorables aux jeunes, aux salariés, à la population d’Ile-de-France.

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