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Un dossier de l’UNSA-Education sur les ZEP (1)

26 janvier 2006

Extrait de « L’Enseignement public » de décembre 2005 : Réussir en ZEP

1. Un éditorial de Patrick Gonthier :

Quartiers

Les quartiers qui ont brûlé sont avant tout des quartiers en difficultés : celles d’un chômage massif, d’une dégradation de l’environnement urbain, de discriminations accumulées. Les émeutes n’ont surpris que ceux qui ignorent le « décrochage » de quartiers en souffrance, mais aussi le ressentiment d’une jeunesse trop souvent accusée ou suspectée avant même d’être entendue, aidée, reconnue.

Ces quartiers, plus que d’autres, ont encaissé de plein fouet la suppression de nombreux services publics. Le démantèlement de la police de proximité a aggravé les tensions. La réduction considérable des aides aux associations aussi. L’Ecole, dans ces quartiers, reste parfois le dernier service public. Ses personnels, malgré le recul considérable des moyens, les fermetures de postes d’enseignant et d’emplois jeunes, continuent d’offrir, à toutes les populations, l’égalité d’accès à l’éducation et à la culture. Le gouvernement a additionné les faux pas, les erreurs d’appréciation, les mesures à l’emporte-pièce. Le respect à l’égard de ces quartiers et des personnes qui y vivent fait défaut depuis des mois. Aujourd’hui, le retour à un apprentissage précoce, dès 14 ans, est une relégation supplémentaire. Ce n’est pas de moins d’Ecole dont les jeunes de ces quartiers ont besoin, mais d’une Ecole mieux adaptée et plus soutenue.

L’« apprentissage junior » masque le renoncement, quelques mois après le vote d’une loi sur l’éducation, de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et d’un « socle commun » pour tous. Le gouvernement, après avoir ignoré les zones d’éducation prioritaire, s’empare sans crédibilité du sujet.

Des mesures sont annoncées. Assurer « l’égalité des chances » exige des moyens rétablis et accrus pour les ZEP et une ambition renouvelée pour les quartiers les plus fragiles. La « mixité sociale » doit devenir une réalité et ne pas rester au rang de l’incantation dont les communes les plus riches ne s’embarrassent même pas. Les quartiers, avec la laïcité et l’Ecole entre autres, seront au premier rang de la prochaine campagne présidentielle. La surenchère électorale devrait, dans une démocratie qui refuserait la flatterie et le populisme, leur être épargnée. C’est autour d’eux que la Nation doit se retrouver.

Patrick Gonthier Secrétaire Général de l’UNSA Éducation

2. Un article de Marie-Lucie Gosselin et Gilles Vella :

L’éducation prioritaire demande une politique volontariste

L’actualité récente vient de réveiller l’intérêt du gouvernement pour la politique d’éducation prioritaire. Absentes de la loi d’orientation sur l’école d’avril 2005, contestées dans leur efficacité, les ZEP devraient faire l’objet d’une réforme. Le ministre de l’Education nationale a annoncé des propositions avant la fin de l’année.

Les zones d’éducation prioritaire (ZEP) sont créées en 1981 par Alain Savary avec la volonté de « donner plus à ceux qui ont moins ». Le choix d’intervenir au niveau de territoires qui concentrent un échec scolaire massif permet à la fois d’agir sur le milieu environnant grâce à des partenariats et de développer des projets pédagogiques adaptés. Ce dispositif de discrimination positive - qui constitue une véritable révolution institutionnelle - concerne alors 363 ZEP. Le processus sera ponctué de quelques relances en 1990 et 1997 et de longues phases de latence et de désintérêt. En 1999, viennent s’ajouter les REP (réseaux d’éducation prioritaire). Vingt quatre ans après leur création, l’éducation prioritaire s’est considérablement diluée : près de 900 ZEP/REP scolarisent 1,7 millions d’élèves, soit 22% des élèves des écoles et des collèges.

« Apartheid scolaire »

La concentration de difficultés économiques et sociales dans certains quartiers, les conduites d’évitement des familles les moins défavorisées ont parfois abouti à un « apartheid scolaire » dénoncé par Georges Felouzis (« L’apartheid scolaire », Seuil, 2005). L’étude menée dans 333 établissements scolaires du Sud Ouest a montré que 10% des collèges concentrent 40% des élèves issus de l’immigration. Les enseignants ont, eux aussi, tendance à fuir des conditions d’exercice difficiles auxquelles ils n’ont pas été préparés. Dans une période récente, les ministres de l’Education nationale ont privilégié l’aide individuelle aux politiques territoriales : bourses au mérite, soutien des meilleurs pour l’accès aux Grandes Ecoles, timide incitation à mettre en place des programmes personnalisés de réussite éducative de façon expérimentale dans les ZEP. C’est le ministre de la Cohésion sociale qui crée, en dehors de l’Ecole, des dispositifs de réussite éducative, abondamment dotés de crédits.

Echec des ZEP ?

Un rapport de l’INSEE, diffusé début septembre 2005 (mais rédigé deux ans auparavant) conclut, à partir d’une évaluation des performances des élèves portant sur la période 1982-1992, que le système ZEP n’aurait eu « aucun effet significatif sur la réussite des élèves ». Les quelques moyens supplémentaires attribués aux ZEP ne permettent pas aux élèves de milieux défavorisés de combler l’écart par rapport aux autres élèves. Ces moyens sont d’ailleurs bien modestes : une indemnité (1 100 € par an) versée aux enseignants en ZEP ; des dotations horaires qui ont permis de diminuer les effectifs par classe de 2 élèves en moyenne. Cela n’a pas eu d’effet déterminant. Mais il convient de faire certaines réserves sur ces enquêtes statistiques. Elles analysent des moyennes. Les catégories dites défavorisées sont traitées de façon globale. Les bonnes performances de ZEP qui réussissent sont écrasées par celles qui s’enfoncent dans les difficultés.
D’autre part, la dimension qualitative y est peu prise en compte : mobilisation des équipes autour d’un projet, pratiques pédagogiques adaptées, stabilité des personnels, pilotage et soutien de l’institution. On sait pourtant que ce sont des déterminants de la réussite des ZEP, bien identifiés dans le rapport Moisan-Simon de 1997. Par ailleurs, les seuls critères de performances ignorent la qualité de la vie scolaire et la formation citoyenne.

Les pistes pour l’avenir

Pour l’UNSA Education, il est urgent de revoir la politique d’éducation prioritaire. Sans doute faut-il, sans remettre en cause l’existant, concentrer des moyens importants sur les quartiers les plus en déshérence. Le rapport Thélot proposait d’allouer jusqu’à 25% des moyens des établissements en fonction de caractéristiques des élèves qu’ils accueillent. Il faut aussi une gestion des ressources humaines qui permette d’attirer et de retenir des enseignants motivés et capables de s’inscrire dans un projet collectif. Cela implique naturellement une formation adaptée, un soutien des autorités hiérarchiques et un accompagnement de la pratique, mais aussi plus de temps disponible pour travailler en équipe, créer des liens avec les parents, organiser l’articulation entre ce qui est fait à l’Ecole et les dispositifs extérieurs de réussite éducative.

Marie-Lucie Gosselin marie-lucie.gosselin@unsa-education.org

Gilles Vella gilles.vella@unsa-education.org

(à suivre)

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