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Retour du débat sur la notion de discrimination positive

20 janvier 2006

Extrait des «  Echos » du 19.01.06 : Discrimination, le mot qui fâche

Il n’est pas rare, en France, que les polémiques s’égarent sur des mots, en perdant de vue les idées qu’ils recouvrent. On peut craindre que ce soit le sort du débat sur la discrimination positive. Le terme ayant été mis en avant par Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac et Dominique de Villepin l’ont sèchement récusé. Pourtant, cette discrimination se pratique en France depuis longtemps. Les initiatives en reviennent à la fois à la gauche avec les ZEP (zones d’éducation prioritaires), créées en 1981 par Alain Savary, et à la droite, avec le Pacte (programme d’accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l’Etat) présenté en 2004 par le gouvernement Raffarin et prévoyant le recrutement par l’administration de jeunes sans qualification et de chômeurs de longue durée. Dans ses voeux de nouvel an, sans prononcer le mot tabou, Jacques Chirac a souhaité voir « s’ouvrir plus largement les portes des universités et des grandes écoles aux enfants des milieux modestes », et a confirmé sa volonté d’élargir l’accès aux administrations.

Cette réticence à appeler les choses par leur nom est compréhensible. La discrimination positive a sans doute des vertus, mais elle heurte les principes « républicains » d’égalité et de reconnaissance du seul mérite. En France, un gouvernement qui voudrait s’engager franchement dans cette voie devrait préparer à l’avance sa réponse à deux questions épineuses.

La première est celle de la mise en oeuvre : doit-elle être « impersonnelle » ou individuelle ? Les ZEP relèvent de la première méthode, la plus « soft ». On peut même leur reprocher d’avoir perdu leur caractère discriminant en s’étendant à l’excès (elles regroupent près du cinquième des élèves), défaut que le plan Robien vise à corriger en concentrant les moyens sur 200 à 250 sites. Cette politique territoriale comporte un redoutable effet pervers : en désignant les zones à problèmes, elle contribue à aggraver leurs difficultés.

La forme de discrimination la plus choquante pour l’esprit « républicain », mais la plus efficace, est celle qui s’applique directement à des individus : par exemple quand il s’agit d’ouvrir l’accès aux grandes écoles ou à certaines filières universitaires à des élèves issus de catégories défavorisées. Le recrutement, dans ce cas, s’appuie sur des caractéristiques autres que le seul mérite (même lorsque ces élèves sont sélectionnés par un concours séparé, comme à Sciences po Paris). Ce type de politique pose la question, très sensible, des critères. Trois sont envisageables : l’origine ethnique, le revenu, la zone de résidence (ou de scolarisation). En fait, comme les handicaps sociaux sont cumulatifs, les trois s’appliquent souvent aux mêmes foyers. En choisissant la zone de résidence ou de scolarisation comme critère de discrimination individuelle, le gouvernement peut minimiser les risques politiques sans commettre trop d’erreurs sur les cibles visées. C’est sans doute la voie à suivre. Mais il faudrait l’annoncer clairement, avant de laisser se développer de nouveaux fantasmes sur les « privilèges de faciès ».

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