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Des profs de ZEP et l’histoire coloniale : témoignages

30 décembre 2005

Extrait du site « VousNousIls », le 29.12.05 : La colonisation, un sujet devenu sensible dans les salles de classe

Le débat sur la colonisation qui occupe la scène politique est devenu un sujet délicat pour les professeurs d’histoire, cette question suscitant de plus en plus souvent des tensions en classe, notamment dans les Zones d’éducation prioritaire (ZEP).

Un article d’une loi de février 2005 en particulier, mentionnant "le rôle positif de la présence de la France en outre-mer, notamment en Afrique du Nord", suscite une vive polémique.

"Les élèves ont des réactions assez hostiles", explique Sophie Meunier, professeur d’histoire au collège Romain Rolland à Bagneux (Hauts-de-Seine).
Elle aborde la colonisation en 3e, à travers notamment la guerre d’Algérie. Pour elle, les problèmes sont "cristallisés autour des harkis". "Les enfants d’immigrés algériens savent ce que c’est. A chaque fois que j’en parle, on sent de l’agressivité. Certains les considèrent comme des traîtres et ça devient une insulte entre eux".

"Ce sont des questions sur lesquelles les enseignants doivent aller sur la pointe des pieds", note Dominique Comelli, membre de l’Association des professeurs d’histoire-géographie (APHG). Elle n’a pas rencontré de problèmes dans ses classes du lycée Aristide Briand à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), où peu d’élèves sont issus de l’immigration. "Le sujet les interpelle, parce qu’il s’agit d’une génération d’élèves très concernée par les problèmes d’impérialisme".

Mme Comelli a participé récemment, à Paris, à un séminaire de la Direction scolaire consacré à l’enseignement des "questions sensibles". "On s’est aperçu que ce n’est plus la Shoah qui pose le plus de problèmes, comme c’était le cas il y a quelques années. Le sujet fait maintenant consensus, contrairement à la traite négrière ou la colonisation, qui touchent à une mémoire qui revendique, à la prise en compte des souffrances", dit-elle. D’où des tensions dans les établissements à forte population immigrée, notamment dans les ZEP, et dans le sud, où se sont installés de nombreux rapatriés d’Algérie.

"Des élèves se sentent en position d’infériorité quand on parle de la colonisation", souligne Sophie Meunier. Ils sont à un âge crucial où ils commencent à comprendre pourquoi ils sont en France". Mais selon elle, le problème vient aussi du programme scolaire. "La colonisation n’est pas traitée comme un moment d’histoire en soi, on doit faire vite pour se préparer au brevet. Les enfants se sentent agressés par rapport à ça".

Dans les faits, seuls quelques élèves se montrent virulents. "Cela fait partie du jeu de l’affirmation dans la classe, c’est souvent un moyen de contester le système", estime Goulven Kérien, enseignant au lycée Paul Eluard de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). "Mais le plus souvent, ils n’ont pas une bonne connaissance de la colonisation. Le sujet est en fin de programme, on n’a pas toujours le temps de l’aborder. Du coup, ils raisonnent plus à partir de leur ressenti et il faut remettre les idées en place", dit-il.

Renaud Farella, professeur d’histoire-géographie à Villiers-le-Bel (Val d’Oise) a choisi de traiter de la guerre d’Algérie plus en profondeur. Il a notamment organisé des rencontres avec des témoins. "Le sujet est devenu sensible, et les élèves sont très intéressés. Ils posent des questions très directes, par exemple aux soldats envoyés en Algérie, du type : ’Est-ce que vous avez torturé ?’"

Mais passer du temps sur le sujet permet aussi de désamorcer. "On a beaucoup travaillé pour resituer les événements dans leur contexte", poursuit-il. "Ca aide les enfants à parler chez eux, a posteriori, de leur histoire familiale."

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