> VI- PÉDAGOGIE (Généralités, Disciplines, Actions locales) > ACTIONS PEDAGOGIQUES LOCALES (par niveau et discipline) > Actions locales AU COLLEGE > Collège (Langue écrite et Lettres) > B* Ritualiser le geste d’écrire pour le dédramatiser au collège ECLAIR (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

B* Ritualiser le geste d’écrire pour le dédramatiser au collège ECLAIR Evariste Galois de Nanterre

15 novembre 2005

Quand faire écrire ? Ritualiser le geste pour le dédramatiser

AUDA Marianne, Collège [ECLAIR] Evariste Galois, Nanterre

La notion de temps est intimement liée à l’idée d’apprentissage.
Apprendre à écrire, c’est un geste pour toute une vie, un geste qui devrait être naturel, comme apprendre à parler, à marcher.
Il ne viendrait pas à l’idée de massacrer l’apprentissage de la marche, par exemple. On donne bien le temps à l’enfant de faire ses premiers pas, on accepte qu’il chancelle, qu’il trébuche, qu’il tombe, on lui tend les bras. Pourquoi ne pas avoir la même attitude face à l’écriture ?

Michèle Reverbel, Je vous écoute écrire.

Quelques clés pour apprendre à écrire...
Fragmentation et Variation,
Modulation et Etalement,
Multiplication et Ritualisation.
Introduction . C’est en écrivant qu’on devient « Ecriveron »

L’on considère souvent la production écrite comme une production finale, la rédaction, vers laquelle toute la séquence tendrait, comme une somme de connaissances : l’on retarde les exercices écrits, approche qui sacralise l’écriture mais inhibe certains élèves et réduit à une dizaine de textes la production annuelle. Mieux vaut saisir toutes les occasions de faire écrire les élèves. L’apprentissage de l’écriture doit leur révéler de nouveaux horizons : espace de liberté, l’écriture peut s’épanouir à tout moment ; c’est à nous d’en favoriser la fréquence.

Ecrire à chaque séance (ou/et parfois pour une séance) peut permettre de désinhiber certains élèves et de jouer sur le temps de l’écriture.

Trois types de questions se posent alors : quand faire écrire ? Quels moments d’écriture est-il possible d’aménager et sous quelle forme ? Quelle durée accorder aux exercices écrits dans la mesure où faire écrire prend du temps et « empiète » sur d’autres activités (grammaire, orthographe...) ? Enfin faire écrire cela veut dire aussi corriger : jaillissent alors toutes sortes de questions sur la gestion de la correction aussi.

Afin de dédramatiser le passage à l’écrit l’on peut considérer que, dans la mesure où les élèves ne sont jamais « prêts » à produire des textes parfaits et où la pratique de l’écriture progresse en écrivant, l’on peut faire écrire le plus tôt possible, multiplier les passages à l’écriture, quitte à commencer par des écrits courts, aux exigences restreintes, pour en arriver à des productions plus longues, dans le cadre d’une séquence, d’une séquence à l’autre ou sur la base d’une périodicité plus longue : le trimestre, voire l’année.

La motivation des élèves sera d’autant plus grande que les sujets d’écriture répondront à une fréquence modulée d’une séquence à l’autre : écritures pour soi, écritures pour autrui. Certaines écritures peuvent dépasser le cadre de la séquence.

La temporalité de l’écriture doit être variable, ce qui permet de mieux gérer l’hétérogénéité des élèves. Pour une même consigne certains pourront produire leur écrit sur un ou deux mois.

L’écriture est un processus en cours qui s’enrichit dans la variation, l’étalement, la reprise et la multiplication et ne se réduit pas à un produit de fin de séquence.

II. Fragmenter : fréquence et rituel de l’écriture

1. Fragmenter
Au moment du passage à l’écriture beaucoup d’élèves éprouvent des difficultés de mise en route, des blocages parce qu’ils perçoivent souvent l’écriture comme un don qu’ils ne possèdent pas, inaccessible pour eux, paralysie entretenue par la lecture des grands auteurs comme des « modèles » pour l’écriture. Nos attentes d’une écriture modélisante nourrissent en ce sens leurs inhibitions.

La fréquence est alors bienfaisante puisqu’elle démystifie l’acte d’écrire tout en instaurant un rite sécurisant. Loin d’être innée l’écriture devient un exercice qui, pratiqué de façon cyclique, exige un travail et un entraînement presque quotidiens.

Ce rite permet de développer le plaisir du geste et l’on observe des classes qui entrent en écriture avec d’autant plus d’entrain qu’ils n’ont plus honte de leur mauvaise calligraphie, qu’ils sont heureux de laisser une trace. Ils s’approprient lentement le statut d’écrivain par une sorte de mimésis sociale. Dans un collège de la banlieue Nord trois enseignants se sont réunis autour de deux classes pour permettre l’insertion dans l’horaire plancher du français en sixième, d’une heure d’écriture hebdomadaire en petits groupes. C’est le dispositif « J’aime lire et écrire » que l’on peut consulter sur le site du Ministère de l’Education Nationale dans la section consacrée à la valorisation des innovations pédagogiques (Innovalo).

Enfin cette désacralisation est favorisée par le fait que la fréquence permet d’alterner deux modes d’évaluation : une formative et une sommative, n’associant plus systématiquement l’écrit à une note « irrémédiable ».

Pour l’enseignant fragmenter c’est envisager l’écriture comme un processus divisible en étapes, qu’elles se suivent sur un plan thématique ou technique ou non. Autrement dit c’est aussi considérer que l’élève peut se lancer dans l’écriture à partir de lanceurs simples, multipliables et systématisables, ou au contraire qu’on peut apprendre à écrire en fonction d’un type de discours dont on apprend petit à petit les rouages. C’est se donner la possibilité de progresser en fonction des difficultés et des rythmes variés des élèves. La fragmentation de la pratique d’écriture donne donc une certaine souplesse et des marges de manœuvre supplémentaires, évolutives et modulables.

Pour l’élève fragmenter c’est devenir auteur d’un petit texte. Ce petit texte est isolé, objet d’un entraînement à un type d’énoncé par exemple. Mais ce peut être aussi la première étape d’une production plus longue que l’élève élaborera à son rythme, chaque étape pouvant faire l’objet d’une reprise ou d’enrichissements successifs. Le geste d’écriture apparaît plus modeste et rassure l’élève qui a du mal à passer à l’écriture.

2. L’écriture comme point de départ
L’écriture peut être le point de départ d’une séquence : en troisième la séquence sur l’autobiographie s’ouvre aisément par l’écriture d’un texte non noté. La consigne peut être simple : commencer son texte par « Je me souviens du jour où... ». Les élèves qui le désirent lisent leur texte à haute voix : nous notons ainsi au fur et à mesure des lectures les principales caractéristiques du texte autobiographique (formelles mais aussi visée et sincérité), approfondies ensuite par la lecture des différents textes d’auteurs. Il est possible, au milieu et à la fin de la séquence, d’amener les élèves à réécrire leur texte nourri alors des lectures et des notions acquises au cours de la séquence. La réécriture est moins correction ou amélioration du texte que reformulation globale de celui-ci.

L’écriture peut être également le point de départ de séances : une morale de fable à proposer, lorsqu’elle est explicite dans le texte de références (Le loup et le chien, de La Fontaine, par exemple) ou un petit texte à structure imposée (S.V.COD) sur un thème choisi (le chevalier, par exemple en cinquième) qui peut servir de support pour les activités grammaticales. Ces exercices courts, non évalués mais corrigés ensemble ont pour but essentiel de faire de l’écriture un exercice réflexe, quotidien et donc désacralisé.
II . Moduler le rythme et varier les modalités : alternance d’écrits longs et courts
1. Moduler les rythmes

Les enseignants font tous le même constat : certains élèves écrivent des pages entières sans difficulté mais sans se soucier de la langue, d’autres éprouvent une réelle angoisse à écrire même le premier mot, d’autres encore se contentent systématiquement de petits écrits relativement facilement mais dans l’idée de « se débarrasser de la tâche ». Chacun, élève comme professeur, a un rapport différent avec l’écrit. Toute la difficulté consiste à permettre à chacun de trouver ses « outils » pour se lancer dans l’écriture et y améliorer ses performances.

Il serait donc souhaitable de moduler le rythme du passage à l’écriture dans le cadre même de la séquence, c’est à dire considérer que les élèves vont écrire des textes de volume et de teneur différents, de même que la durée de l’écriture sera variable pour chacun.

Ce différé variable dans la pratique de l’écriture permettra aux enseignants de moduler l’évaluation en fonction du rythme de chaque élève et tirer ainsi le maximum de ses capacités. Si chaque élève trouve ses marques dans un rythme qui lui est propre, il aura moins de difficultés à opérer le retour à son écrit.

Cela implique que l’on considère l’écriture comme reprises et pratiques multipliées.

2. La durée de l’écriture
Certains exercices ne prennent qu’une dizaine de minutes, au terme desquelles des élèves volontaires lisent leur production. L’on choisit ensemble une morale ou une devise qui sera consignée par tous dans le cours. Il est possible, pour valoriser le travail des élèves, de faire un recueil de leurs textes (pensées, devises...) qu’on peut diffuser ou publier. L’intérêt de ces pratiques est de multiplier les destinataires ; le passage par l’oral favorise une autocorrection des structures impropres.

Quant aux activités plus longues elles peuvent être travaillées en classe afin de lancer les élèves les plus en difficulté et leur faire comprendre la nécessité d’une relecture et d’une réécriture.

3. Alterner écrits courts et écrits longs
La production brève permet de révéler le caractère ciblé de certains apprentissages qui deviennent ainsi plus facilement identifiables, assimilables, évaluables. C’est un instrument pédagogique.

Dans la mesure où la pensée se développe dans le temps, la place accordée au brouillon est primordiale puisque c’est le lieu de la gestation et de la gestion des idées. Intégrer à chaque séance des écrits courts, ponctuels, permet de rendre les élèves actifs, de varier leurs écrits, de préparer le matériau pour une écriture plus longue : imiter une formule d’ironie, créer un proverbe ou une maxime, formuler un argument, rédiger la chute d’une nouvelle, écrire une nouvelle en trois lignes à la manière de Fénéon sont autant de moyens d’application de la langue, d’entraînement (au sens sportif du terme) à l’écriture et de prise de confiance en soi. La brièveté de ces écrits permet une correction rapide et précise qui peut donner lieu à une évaluation formative.

La production longue est source de plaisir pour nombre d’élèves qui entretiennent des liens privilégiés avec le héros de leur création. Elle incite à démultiplier les énergies et les capacités des élèves. La dépense d’effort est compensée par le plaisir affectif à accompagner le héros dans ses aventures, par la satisfaction d’une création achevée (écrite, amendée, parfois même imprimée). Ces écrits longs s’élaborent généralement en plusieurs étapes et impliquent un travail de « va et vient » entre le lecteur et le correcteur ; l’on peut réaliser la correction dans un délai suffisamment court pour que soient conservés la saveur de la création et le sens du travail.

Un projet d’écriture longue peut être mis en œuvre dans la séquence. Tout ce qui se fait en cours alimente l’écriture. Ainsi l’écriture d’un roman de chevalerie s’appuie sur les motifs, les étapes initiatiques, le vocabulaire de l’univers médiéval. L’élaboration d’un carnet de voyage favorise le travail d’écriture pour soi et permet de s’exercer à des genres variés : poésie, description, récit, calligrammes, messages... Ce projet, comme c’est aussi le cas pour les récits longs, donne aussi l’occasion d’insister sur l’esthétique de la production écrite : graphisme, soin, illustration ; le carnet de voyage est une œuvre qui peut être agréable à regarder.

Apprendre à « écrire pour soi » peut également contribuer à intégrer l’écrit dans la séquence : reformuler un énoncé oral à l’écrit, synthétiser l’essentiel d’un texte en quelques lignes, rédiger quelques questions qui préparent un débat. Ces écrits ponctuels peuvent être enseignés et évalués : ils permettent de faire comprendre que l’écriture peut avoir une utilisation personnelle (mémoriser, clarifier, s’approprier un savoir, des idées...) et ils contribuent à familiariser l’enfant avec la pratique de l’écriture de travail.

Voici quelques types d’écrits faciles à mettre en place dans le cadre d’une séquence ou sur plusieurs séquences :
 Ecrits d’entrée en séquence, selon l’objet qu’on y étudie : écrire la première page, les premières phrases de... Ecrire la chute d’une nouvelle. Ecrire une scène de dispute. Ecrire à partir de la phrase « Je me souviens du jour où... ».
 Ecrits intermédiaires : écrire une description insérée dans un récit en partant d’une image. Ecrire deux scènes de points de vue différents. Réécrire la première scène de dispute. Ecrire ce qui se passe dans l’ellipse du roman qu’on est en train de lire. Ecrire comment on imagine le personnage du récit qu’on est en train de lire....
 Ecrits sur le long terme : écriture d’un roman de chevalerie sur plusieurs semaines...
 Ecrits de fin de séquence : écrire plusieurs versions de la fin d’une histoire. Réécrire et mettre en forme définitivement l’écrit travaillé en plusieurs étapes dans la séquence. Transformer une scène comique en scène tragique, un portrait élogieux en portrait ridicule etc...
 Séquences consacrées à l’écrit : l’on peut y travailler avec la consigne suivante, « J’écris une phrase par jour pour raconter mon histoire.... » ou « pour raconter ce qui m’a le plus marqué... ».
 Dans tous les cas l’on pense au lien entre écriture et oralisation : l’oral peut être un lanceur d’écriture (lire une histoire ou des étapes de l’histoire, à haute voix ...).
Conclusion

Pour que le passage à l’écriture puisse se faire plus harmonieusement pour les élèves, il est important de faire évoluer le rapport à l’écrit, en le considérant davantage comme un processus en cours à temporalité variable. Le geste d’écriture doit être dédramatisé le plus rapidement possible au collège et dans le cadre de séquences disciplinaires.
Variabilité des longueurs et formes des textes, souplesse dans la place de l’écriture dans la séquence, possibilité de prévoir des projets d’écriture enjambant et liant les séquences : la liberté est grande, la place pour l’innovation importante. Faire écrire peut parfaitement s’intégrer dans une pratique quotidienne.

Publié le jeudi 3 novembre 2005
Auteur(s)
AUDA Marianne, Collège [REP+] Evariste Gallois, Nanterre, DE ROUX Haude, Collège Mozart, Bois-d’Arcy, GOHIN Virginie, Collège Paul Eluard, Garges-les-Gonesses, ORMIERES Annie Claude, Collège Jean-Monnet, Feucherolles

Extrait de lettres.ac-versailles.fr : http://www.lettres.ac-versailles.fr...

Répondre à cet article