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« L’Humanité » publie un dossier sur les ZEP

9 décembre 2005

Extrait de «  L’Humanité » du 08.12.05 : Jeu de paume

Editorial par Maurice Ulrich

Tout le monde a le droit de vouloir être astronaute ou président de la République. Pas celui de prendre la France pour un champ de bataille ou une piste de cirque. Le numéro qui se joue tous les jours au plus haut niveau de l’État est indigne de la démocratie, quand il suffit en apparence que le premier ministre dise blanc pour que le ministre de l’Intérieur dise noir. Cela peut faire les choux gras des spécialistes du marc de café. C’est intolérable quand il s’agit de questions qui touchent au devenir de la nation. Ainsi sur l’école et « l’égalité des chances ».

À peine le premier ministre annonce-t-il un nouveau dispositif pour les ZEP, les zones d’éducation prioritaire, que le ministre de l’Intérieur réclame leur dépôt de bilan au nom de leur échec. De sorte que tous les deux paraissent s’opposer à tel point qu’il n’y aurait plus de débat politique en France qu’entre le républicain gaulliste et l’ultralibéral. Est-ce bien la réalité ? « À la paume, disait Pascal, c’est de la même balle que jouent les deux joueurs, mais l’un la place mieux. »

(...)

Maurice Ulrich

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Extrait de « L’Humanité » du 08.12.05 : « Le dispositif prioritaire n’a jamais été mis en place »

Entretien avec Alain Bourgarel, secrétaire adjoint de l’Observatoire des zones prioritaires.

La réussite des zones d’éducation prioritaire (ZEP) est controversée. La politique du « donner plus à ceux qui ont le moins » a-t-elle failli ?

Alain Bourgarel. « Donner plus à ceux qui ont le moins » : c’est une expression que nous n’utilisons pas. Elle sort du champ du droit et définit des catégories sociales de façon ambiguë, surtout pour des pédagogues. Concernant l’échec annoncé de la politique des ZEP, nous nous sommes opposés à la déclaration de Nicolas Sarkozy (selon lequel « il faut déposer le bilan des ZEP » - NDLR). Sur le fond de l’affaire, en 2003, l’INSEE et le Centre de recherche en économie et statistique ont publié un rapport sur l’inefficacité des ZEP. Mais cette étude se borne à mettre en relation, de manière statistique, l’évolution des résultats scolaires et l’inscription dans le dispositif ZEP avec les moyens que cela implique, sur une courte période, uniquement dans certains collèges. On ne peut donc pas en déduire de conclusions sur l’ensemble de la politique d’éducation prioritaire.

Néanmoins, peut-on parler d’échec des ZEP ?

Alain Bourgarel. Non. Le dispositif prioritaire n’a jamais été mis en place. L’idée des ZEP, promue par Alain Savary (ministre de l’Éducation nationale - NDLR) et du gouvernement de gauche en 1981, était de sortir du marasme dans lequel était enfoncé un petit nombre de quartiers où l’exclusion se reproduisait. Et où l’éducation nationale ne parvenait pas à faire son travail. Il s’agissait d’une mesure d’honnêteté vis-à-vis de quartiers qui ne s’en sortaient pas.

Vous dites que l’éducation prioritaire n’a pas été mise en place. C’est une question de moyens ou de fonctionnement ?

Alain Bourgarel. L’avantage de l’actualité des dernières semaines est qu’on commence à comprendre - enfin ! - que les élèves de ZEP ne sont pas plus favorisés que les autres en termes de moyens. Les moyens doivent être la conséquence d’un projet partenarial pour sortir de l’ornière les quartiers visés. Il faut une équipe pédagogique formée, soudée, volontaire, qui s’attaque aux problèmes locaux avec un projet de réussite scolaire. Les moyens doivent répondre à ce projet. Il ne suffit pas, par exemple, d’avoir des postes ouverts, encore faut-il qu’ils soient occupés par un personnel qualifié. Il s’agit donc dde définir une action pour que la scolarité soit profitable aux élèves.

Existe-t-il des réussites significatives ?

Alain Bourgarel. Bien sûr. L’étude des inspecteurs Catherine Moisan et Jacky Simon, titrée « Les déterminants de la réussite scolaire », a extrait des points communs entre les ZEP qui apportent une vraie plus-value : les équipes sont soudées derrière un projet, elles restent exigeantes vis-à-vis des élèves et des parents, les postes sont pourvus par des gens qualifiés... De même, le trio coordinnateur-responsable-coresponsable (coordinateur-
proviseur-inspecteur) y fonctionne bien.

Le gouvernement semble renoncer à une approche de « zone prioritaire », pour une approche d’« élève prioritaire ». Qu’en pensez-vous ?

Alain Bourgarel. Il est tout à fait nécessaire de conserver une approche territoriale. Dès la publication du plan Borloo, il y a un an et demi, nous avions attiré l’attention sur le danger de ne plus considérer que des individus. Entre 1965 et 1982, il existait des élèves dits « handicapés sociaux ». On en a même fait une filière de l’enseignement spécialisé... qui a fait des ravages. Au contraire, l’approche territoriale permet de bâtir des projets de réussite scolaire qui ne sont pas basés sur l’affirmation que les élèves sont déficients. Le projet est bâti sur les réalités d’un quartier, avec ses difficultés et ses potentialités. À partir de ce diagnostic, on peut engager un projet de ZEP qui bénéficiera à tous.

Entretien réalisé par Vincent Defait

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Extrait de « L’Humanité » du 08.12.05 : Les autres mesures annoncées pour les ZEP

Outre la redéfinition de la carte des ZEP, Dominique de Villepin propose une réforme de la formation des enseignants en ZEP, afin qu’ils aient une meilleure connaissance des publics scolaires. Des bonus, en rémunération ou en points d’avancement de carrière, leur seront accordés afin d’endiguer une rotation du personnel excessive. Dès la rentrée 2006, le lycée Henry IV, à Paris, ouvrira une classe d’accueil expérimentale en internat pour bacheliers issus des ZEP.

Le premier ministre a, enfin, apporté son soutien au projet du directeur de Sciences Po, Richard Descoings, d’ouvrir un lycée expérimental en Seine-Saint-Denis pour favoriser la réussite scolaire des jeunes de la banlieue parisienne.

M. -N. B.

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Extrait de « L’Humanité » du 07.12.05 : école : l’égalité des chances à la poubelle

Réforme des ZEP . Face à l’embrasement des banlieues, le gouvernement et la droite font le grand écart entre effets d’annonce et réels choix politiques et budgétaires.
Depuis les récentes révoltes urbaines, le gouvernement fait mine de redécouvrir les inégalités sociales. Et scolaires. Les ZEP - zones d’éducation prioritaires - ont ainsi recouvré leur caractère... prioritaire. Et même plus, leur traitement semble être devenu d’une urgence capitale. La semaine dernière, Dominique de Villepin en faisait l’un des principaux axes de ses propositions pour promouvoir l’égalité des chances. Le 15 décembre au plus tard, Gilles de Robien, ministre de l’éducation, devra avoir présenté quinze mesures « concrètes » visant à leur application. Les concertations promises avec les parents, les enseignants ou encore les chefs d’établissement n’ont apparemment pas encore débuté - aucune ne figure en tout cas dans l’agenda hebdomadaire du ministre de l’Éducation. Mais on connaît la trame que suivront les dispositions, le premier ministre ayant déjà bien balisé le terrain (lire aussi encadré ci-dessous).

D’abord, les 6 500 établissements scolaires classés ZEP feront l’objet d’une évaluation. Ensuite, la carte des ZEP sera redéfinie. Au bout du compte, les moyens des ZEP seront concentrés sur les établissements qui en auraient le plus besoin. Décision précipitée ? Peut-être, sauf si l’on se souvient que la carte scolaire doit être rendue avant la fin janvier, exercice qui vise, justement, à ventiler les financements entre les écoles, collèges et lycées. Sauf si l’on se rappelle que sous couvert de nouveauté, le premier ministre met en oeuvre une idée souvent entendue : s’en tenir à un nombre limité d’établissements bénéficiant de ces aides. Un propos bien plus nuancé que celui de Nicolas Sarkozy qui, la veille de ces annonces, appelait à déposer le bilan des ZEP, mais qui s’appuie sur un constat a priori fermement établi : en dépit des moyens qui leur ont été accordés, les ZEP échouent à résorber les inégalités. Alors pourquoi dépenser plus que les 1,2 % du budget de l’éducation qui leur est déjà consacré ?

Une démarche inefficace ? Publiée en septembre dans la revue économie et statistique, mais portant sur la période 1982-1992, une étude de l’INSEE lapide ainsi le dispositif mis en place par Alain Savary en 1982.

Le principe défendu à l’époque - donner plus à ceux qui ont moins, afin de compenser les inégalités - s’est avéré inefficace. « Le traitement ZEP n’a eu aucun effet significatif sur la réussite des élèves », conclut l’étude. En outre, précise-t-elle, le passage en ZEP a eu tendance à stigmatiser des établissements, créant même un contournement scolaire. Un constat défendu par d’autres travaux - par exemple ceux de Denis Meuret, publiés en 1994 -, mais dont la radicalité chiffonne plusieurs observateurs. « Il est très délicat de dire "les" ZEP, comme si toutes étaient identiques », note Dominique Glasman, président du comité scientifique du Centre Alain-Savary, centre de ressources sur les ZEP rattaché à l’INRP de Lyon. « Comme elles sont le fruit d’une politique publique, on a tendance à en oublier la diversité ». Or, si certaines ont échoué, d’autres, au contraire, ont su faire réussir les élèves.

« Les disparités existent même entre les écoles d’une même zone. » De même, toutes ne souffrent pas de l’effet de relégation. En outre, poursuit le chercheur, il faut aussi observer ce qu’elles ont su empêcher : « Face à la paupérisation, maintenir des résultats n’est pas rien. » De fait, un récent rapport de l’inspection générale souligne que, si les résultats des collèges classés ZEP sont plus faibles que les autres en valeur absolue, leur valeur ajoutée - c’est-à-dire leur faculté à inverser les tendances scolaires entre l’entrée en 6e et la sortie du collège - est supérieure à celle des autres collèges.

Des facteurs de réussite

Pour Monique Para-Pons, responsable du secteur collèges pour le SNES, « l’intéressant serait de savoir pourquoi certains établissements réussissent et d’autres pas ». Des études ont ainsi isolé des facteurs de réussite. La taille des ZEP, la stabilité de l’équipe pédagogique, la scolarité précoce ou encore l’intérêt porté à l’enseignement des savoirs fondamentaux. « On note que les ZEP qui ont eu la tentation de faire de la "socialisation" via le périscolaire s’en sortent moins bien », commente Monique Para-Pons, qui insiste également sur l’atout que représente les classes à effectifs réduits pour les élèves en difficulté.

Un point sur lequel tout le monde semble s’accorder, et de déplorer que le financement des ZEP n’ait permis, en moyenne, de n’alléger les classes que d’un ou deux élèves par rapport aux « hors ZEP », maintenant le nombre d’élèves par classe à environ vingt-trois. Les réponses aux problèmes divergent, en revanche. Nicolas Sarkozy propose de renoncer au profit d’une aide directe à l’élève en difficulté. Dominique de Villepin envisage un recentrage, à budget constant, des moyens au profit des plus en difficulté... et aux dépens d’une grande majorité d’entre eux... sans que le bilan n’ait toujours pas été clairement établi.

Marie-Noëlle Bertrand

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Extrait de « L’Humanité » du 07.12.05 : Les ZEP, Sciences Po et les autres

Les partenariats ZEP-grandes écoles se développent. Mais ne suffisent pas à répondre à l’éducation pour tous.
Le couple grande école et ZEP a le vent en poupe. L’Institut d’études politiques de Paris, plus connu comme « Sciences Po », a été le premier à se fiancer avec des lycées « sensibles ». Depuis 2001, les conventions d’éducation prioritaire permettent à des élèves de ZEP d’intégrer l’institution parisienne sans passer le difficile concours d’accès, sous réserve d’un excellent dossier scolaire. Depuis quatre ans, 189 élèves des 33 lycées de ZEP qui ont signé la convention fréquentent l’école parisienne. Un succès indéniable. « Cela change la représentation des hautes études chez les élèves et permet à certains de se révéler », se félicite Gérard Willeme, proviseur au lycée Jacques-Brel à La Courneuve (Seine-Saint-Denis).

Mais combien d’autres, socialement lésés, attendent de pouvoir en faire autant ? Ces formations d’élite n’ont pas vocation à combler à elles seules les lacunes de l’éducation nationale. Au lycée Jacques-Brel, la convention avec Sciences Po n’est qu’« un volet d’une stratégie générale de l’établissement, celle d’une réussite de tous », précise Gérard Willeme. « Le directeur de Sciences Po a jeté un pavé dans la mare, admet Alain Bourgarel, secrétaire adjoint de l’Observatoire des zones prioritaires. Mais tous les élèves de ZEP n’iront pas en grande école. La priorité reste de s’occuper de ceux qui risquent de sortir du système éducatif sans qualification. »

La semaine dernière, Sciences Po Paris et l’université Paris-VI annonçaient leur volonté d’installer une école préparatoire aux grandes écoles en Seine-Saint-Denis, département symbole de la précarité sociale. « On ne demande pas de discrimination positive, mais l’égalité pour tous », rétorque Jean-José Mesguen, professeur de lettres au lycée Paul-éluard de Saint-Denis, qui accueille déjà une classe prépa. « Sur ces territoires déshérités, en travaillant ensemble on arrive à des résultats intéressants », assure le syndicaliste SNES.

Depuis peu l’expérience de Sciences Po fait des émules. L’ESSEC, prestigieuse école de commerce, envoie ses étudiants servir de tuteurs à de possibles futurs commerciaux. L’Institut national de sciences appliquées de Lyon, l’École nationale supérieure des arts et métiers et l’École normale supérieure s’y mettent aussi, à leur manière. Reste que seulement quelques centaines d’élèves à peine sont concernés, sur les dizaines de milliers des quelque 700 ZEP, et sur les millions d’élèves de l’ensemble des établissements français, dont certains connaissent des situations proches de celle des ZEP.

V. D.

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