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Portrait du Jeudi des Cahiers pédagogiques : Voyage de Manon Devidal et Sylvère Décot dans le pays de la pédagogie ouverte en France et bientôt en Finlande ; un carnet et un blog

18 décembre 2015

Musarder sur les routes de l’éducation
Manon Devidal et Sylvère Décot
17 décembre 2015
Les portraits du jeudi (soir), par Monique Royer

Lorsque Manon Devidal et Sylvère Décot ont décidé d’entreprendre leur voyage dans le pays de la pédagogie ouverte, ils ont ouvert un livre, celui où s’inscrivent de belles histoires qui transforment en douceur l’éducation. Partis en vélo depuis la mi octobre, ils sillonnent la France et bientôt la Finlande pour découvrir des initiatives pédagogiques. Rencontre avec deux aventuriers du savoir.

Le projet «  Détour buissonnier  » s’est décidé après une discussion, de celles qui constatent que des questions restent en suspens. Manon, éducatrice spécialisée auprès des gens du voyage, s’interroge sur le sens d’un métier qu’elle aime exercer mais qui lui semble effleurer le superficiel, à la lisière de ce qui pourrait rendre les personnes autonomes dans la résolution de leurs problèmes. «  J’avais l’impression de rester dans une logique où les gens sont dépendants de moi. Comment les rendre acteurs de leur vie ? J’avais envie de comprendre plein de dispositifs différents pour essayer d’autres manières d’accompagner.  » Sylvère, professeur de musique, a le souhait d’aller vers plus de démocratie dans l’accès à l’éducation musicale. «  Il faudrait inventer une nouvelle école de musique pour tous les publics. Comment fait-on pour aller les chercher ? Quelles postures je dois avoir ?  »

De leurs métiers différents, il émane la même famille de questions qui ont tout à voir avec l’éducation. Alors, ils se disent que ce serait bien d’aller voir «  des gens qui osent faire différemment avec d’autres pédagogies, d’autres façons de transmettre les apprentissages, de revaloriser des compétences  ». Manon, voyageuse dans l’âme, a eu l’idée du vélo, elle qui a déjà rejoint Istanbul et Copenhague à bicyclette. «  Petit à petit, on s’est rendu compte que les deux étaient liés, le projet et le vélo qui nous ouvre les portes  », approuve son complice. Ils font une demande de service civique auprès du Cefedem Rhône-Alpes, le centre de formation des enseignants de musique où a étudié Sylvère. Elle est acceptée à condition de raconter et le 15 octobre, ils commencent leur périple.

Un carnet et un blog

Au départ, les pages de leur carnet contiennent des contacts avec des écoles Freinet et des lieux d’enseignement culturel. Petit à petit, au fil du voyage, la liste s’agrandit, le réseau s’étoffe. Leur blog est une belle caisse de résonance, il amène à son tour des idées de haltes, de visites. Il a été créé à la demande du Cefedem, nos deux voyageurs ne savaient trop comment l’apprivoiser, comment l’emplir de leurs découvertes. «  Pour nous c’était l’inconnu total. De plus en plus, ça devient un espace de communication. Nous avons besoin d’écrire, de garder des traces. Petit à petit, on se rend compte que des gens se passent le lien, partagent sur Facebook  » explique Sylvère qui précise qu’eux mêmes sont peu férus des réseaux sociaux.
Sur leur blog, on lit leurs impressions de voyageurs au long cours lorsqu’à vélo ils avalent 90 kilomètres humides dans la journée, les gens rencontrés et les lieux découverts. Et ces lieux sont variés, tout comme leurs publics et les supports utilisés. De l’école primaire coopérative, à une association du réseau d’échanges de savoirs, d’une école de production à un centre artistique, ils ont tous en commun de chercher ce qui mène à l’autonomie, au savoir qui construit, qui émancipe. Ils accueillent des enfants du monde rural, des mineurs étrangers isolés, des adultes, des handicapés, et tous construisent au quotidien un monde où chacun amène sa pierre, ses compétences. «  Ce qui est important pour nous est que l’éducation donne les outils aux gens pour qu’ils puissent s’impliquer dans leur vie, dans leur ville, qu’ils puissent assumer leurs choix, qu’ils soient conscients de ces choix  », explique Manon.

«  En fait, notre projet est politique  », complète Sylvère en souriant. «  C’est une dimension qui s’est ajoutée. Les personnes qu’on rencontre sont très engagées, elles rament, vont à contre-courant de la masse. A chaque fois, on ressent une espèce d’attente pour que leur projet soit visible, une grande envie d’en parler  ». Le blog se fait l’écho d’initiatives isolées, les relie dans un sens commun, partagé, dessine un réseau prometteur.

Vidéo, dessins, correspondance : le blog s’enrichit encore

Une illustratrice et un vidéaste les rejoignent de temps à autre. Un travail vidéo a été commencé sur les écoles coopératives pour montrer comment elles fonctionnent au travers de situations d’apprentissage, de conseils d’école où les enfants s’expriment en toute démocratie. Chaque étape est pensée pour se donner du temps de nouer les contacts, d’observer, de s’immerger, de laisser la confiance naître. Sylvère et Manon animent aussi des ateliers de réparation de vélos, de musique, d’imaginaire autour du thème du voyage. Pour eux, c’est aussi l’occasion d’apprendre, d’expérimenter une autre façon d’enseigner, d’accompagner.

Lorsqu’ils repartent, ils se promettent de revenir même si leur carnet se colore de futures rencontres, rendant leurs semaines à venir pleines de promesses de découvertes. Avec les enfants de l’école de Valprivas, les échanges furent si forts qu’un nouvel onglet est né sur le blog pour accueillir les dessins, les textes d’une correspondance qui se poursuit.

La préparation de l’étape permet aux structures hôtes de faire de la rencontre une véritable opportunité pédagogique, support d’apprentissages. Après Grenoble, la Drôme, la Haute-Loire, le Jura, Manon et Sylvère se dirigent vers l’Alsace pour une halte à la Maison musicale de Lingholsheim. Sur la route, les hébergements, prévus ou improvisés, sont l’occasion aussi de belles rencontres.

A la fin de l’étape alsacienne, ils laisseront leurs vélos pour partir en Finlande à la découverte de son modèle éducatif. Ils seront accueillis pendant un mois au lycée français d’Helsinki. En février, ils repartiront sur les routes françaises avec au programme notamment, le lycée autogéré de Saint-Nazaire, la clinique psychiatrique de La Borde, l’association ATD-Quart Monde de Lille, la base nautique «  Bel Espoir  » de Landéda, la Casa Musicale à Perpignan, le Conservatoire de Tarbes. Les portes de certains lieux s’ouvrent sans encombre, d’autres nécessitent un travail d’approche patient et formalisé. Là aussi, les choses s’apprennent, l’organisation s’affine. Le voyage est un bel et long apprentissage. «  Depuis le départ, on se dit qu’on est hyper heureux. On est accueillis, on s’immerge, on rencontre des gens passionnants, bienveillants  » confie Sylvère. En juin, lorsque les bicyclettes seront rangées, il restera des découvertes, des paysages contés. Et d’ici là, les jours seront pleins de kilomètres et de rencontres à vivre pleinement pour en partager les traces.

Le blog

Extrait de cahiers-pedagogiques.com du 17.12.15 : Musarder sur les routes de l’éducation

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