> II- EDUCATION PRIORITAIRE (Politique. d’) : Types de documents et Pilotage > EDUC. PRIOR. TYPES DE DOCUMENTS > Educ. prior. Positions de chercheurs et d’experts ou ex-responsables du MEN > L ’Huma » : les ZEP, critiquées pour leur manque d’efficacité, proposent (...)

Voir à gauche les mots-clés liés à cet article

Avec les propos de Gérard Chauveau

L ’Huma » : les ZEP, critiquées pour leur manque d’efficacité, proposent pourtant des ambitions éducatives

21 novembre 2005

Extrait de «  L’Humanité » du 20.11.05 : Les ZEP, outil social au coeur de la ville

Les zones d’éducation prioritaire sont critiquées pour leur manque d’efficacité. Elles proposent pourtant des ambitions éducatives pour tous les élèves

Les ZEP, bientôt zappées ? Les zones d’éducation prioritaire, lancées en 1982 au lendemain de la victoire socialiste, selon le principe « donner plus à ceux qui ont moins », vivent des jours difficiles. Installées dans le paysage français, leur « efficacité » est mise à mal. Pourquoi ces établissements, vers lesquels convergent tant de moyens, ne parviennent-ils pas à endiguer l’échec scolaire ?
À entendre certains édiles de la nation, la question est pertinente. En réalité, le débat sur « l’efficacité » des politiques d’éducation prioritaires est aussi vieux que les ZEP. Mais prend un tour particulier, ces dernières semaines, avec les violences urbaines dans les quartiers pauvres.

Pour le Syndicat national des enseignants du second degré (SNES-FSU), la politique gouvernementale menace les ZEP : les lois Fillon et Borloo marquent « un renoncement aux ambitions éducatives pour tous les jeunes », « une substitution d’une logique d’aide individuelle à celle d’aide territoriale », « une stigmatisation des élèves en difficulté ».
Gilles de Robien, quant à lui, a annoncé sa volonté de réformer les ZEP. Ces écoles, collèges et lycées qui ne sont plus, désormais, des cas à part, concentrent donc beaucoup d’attention. À la rentrée 2004, 8 386 établissements relevaient de l’éducation prioritaire, dont 707 ZEP (5 571 écoles, 876 collèges et 136 lycées). Quelque 21 % des collégiens, et presque autant d’écoliers, sont concernés, précise le SNES. Des chiffres révélateurs de l’ampleur de l’enjeu de société.

Aujourd’hui, deux politiques s’affrontent dans les ZEP, estime Gérard Chauveau, chercheur associé à l’Institut national de recherche pédagogique. « La première s’efforce de construire "l’école populaire" », écrit-il, en s’appuyant sur « la qualité des ressources humaines pédagogiques » et la mixité sociale. « La seconde fournit une sorte d’accompagnement de l’échec et de la ségrégation scolaire », tranche le chercheur. Bruno Mer, professeur de lettres modernes depuis dix ans dans le quartier du Val-Fourré (Yvelines), élargit la question. « On ne pourra pas peser sur la situation dégradée des populations sans une politique conjointe - urbaine, sociale, etc. - et surtout une lutte sans merci contre les discriminations », estime ce membre du SNES.

Les discriminations, le quotidien des quartiers populaires. D’autant plus répétées que la peau est foncée. « La ségrégation ethnique au collège est le résultat de plusieurs phénomènes imbriqués : d’abord les politiques scolaires (les cartes scolaires), ensuite les phénomènes urbains de ségrégation et, enfin, les stratégies des familles pour optimiser leur investissement et leur capital scolaire », écrivent les sociologues Geoges Felouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton (1). Mais « il est quasiment impossible de définir précisément le poids de ces différents facteurs », précisent-ils.

Ce à quoi le gouvernement répond par 100 000 bourses au mérite, des partenariats avec les grandes écoles et l’entrée en apprentissage à quatorze ans. Des mesures à rebours de la philosophie des ZEP : on prend les meilleurs et on oublie les autres. Bref, des pansements sur des fractures (sociales) ouvertes. D’autant, note Bruno Mer, que « les écarts de réussite entre les ZEP et les autres établissements ne se sont pas aggravés, malgré une dégradation de la situation des familles des quartiers populaires ».
Dès lors, que faire ? En appliquant un « principe d’équité », qui « consisterait à remanier la carte scolaire de façon à garantir une plus grande mixité ethnique et sociale des secteurs », proposent Felouzis, Liot et Perroton. « En mettant le paquet, en termes de moyens, sur les établissements en grave difficulté, mais aussi les autres », pour qu’ils ne plongent pas, avance Bruno Mer, du SNES. Mais aussi en limitant le nombre d’élèves à vingt par classe, en améliorant l’encadrement des élèves... L’enseignant assure : « Un établissement avec des moyens et une collaboration avec l’"extérieur", rayonne et améliore la situation des quartiers ».

(1) L’Apartheid scolaire. Enquête sur la ségrégation ethnique dans les collèges, de Geoges Felouzis, Françoise Liot et Joëlle Perroton, Éditions du Seuil. 2005, 236 pages, 19 euros.

Vincent Defait

Répondre à cet article