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Journée nationale OZP 2015. L’intervention d’Anne Armand : "Un an après"

6 juin 2015

Journée nationale OZP, 30 mai 2015

Un an après

Vous m’avez amicalement proposé d’intervenir pour dire « ce qui a bougé et ce qui reste à faire » à propos de la refondation de l’éducation prioritaire, en axant mon propos sur la question de « l’autonomie pédagogique à travers ses différents volets (équipes de terrain des réseaux, pilotage académique et départemental, dispositifs et enjeux de formation) ».
Je ne vais pas suivre exactement le plan que vous me proposez, en raison de ce qui peut être observé et entendu (les inspections générales continuent de suivre le déploiement des REP+ et rendent régulièrement des notes de suivi au cabinet de la ministre, comme le fait la DGESCO ; elles continuent également de prendre part avec des chercheurs aux formations de formateurs conduites par la DGESCO).

1 – Dresser un bilan « un an après » ?
Je vais essayer de répondre à la commande, mais au delà d’un an, « ce qui a bougé et ce qui reste à faire » engage à lire nos observations sous l’angle d’une réflexion sur le changement dans tout système invité à bouger.

Dans le même cadre de notre association, on m’avait demandé après la mise en place des RAR en 2006 de dire ce qui avait, au bout d’un an, puis de deux ans, bougé et ce qui restait à faire, et en préparant cette intervention j’ai eu le sentiment de recommencer une chanson connue. Est-ce décourageant ? Je pense que non, un tel sentiment est inhérent à ce que nous essayons de faire ensemble.

En période de changement, nous sommes tous confrontés à deux tentations :
  Commencer par faire ce qu’on sait faire, justement parce qu’on sait le faire, et ne pas s’apercevoir qu’on passe à côté, un peu, ou beaucoup, de l’essentiel de la demande nouvelle. Un exemple : le fait d’entrer par l’organisationnel parce qu’on sait mobiliser les enseignants / les inspecteurs / les cadres sur les questions de constitution de groupe, l’organisation de plages horaires, le planning de … au lieu de nous dire : nous disposons d’un potentiel de temps nouveau (on verra ensuite lequel, et comment on l’organise), commençons par savoir ce que nous voudrions en faire.
  Au moment du bilan en fin d’année, ou de la visite des IG qui viennent enquêter (dans le réseau / au rectorat), comprendre ce qu’on n’a pas su faire (ce qui permet, positivement, de se donner les moyens de faire mieux l’année suivante) MAIS en même temps se décourager (un peu / beaucoup) et se dire que, décidément, rien ne bouge jamais.

Je rappelle donc deux évidences :
  Pour opérer un changement, il faut du temps.
  Changer, c’est perturbant, mais il y a des acquis, qui peuvent devenir autant de points d’appui pour la suite.

Des constats remonte un signe certain de ce qui a bougé en dix ans et s’est totalement installé en un an : la refondation est centrée sur les questions pédagogiques, à tous les niveaux. D’ailleurs la perspective centrale des questions pédagogiques vient d’être de nouveau soulignée dans le rapport de Jean-Paul Delahaye, "Grande pauvreté et réussite scolaire". Mais, à partir de cette affirmation, je ne peux pas engager un premier temps d’exposé sur les avancées pour passer ensuite à un deuxième temps sur ce qui ne bouge guère, ou pas du tout. Dans tous les aspects de la question, on peut lire les deux versants complémentaires de la réponse, le progrès et l’absence du niveau de progression souhaitée.

2 – Au niveau des équipes de réseau

Au niveau des réseaux, ce qui a bougé du côté pédagogique concerne des points essentiels :
  L’existence du référentiel donne à tous les acteurs un cadre de réflexion. Marc Douaire vient de dire qu’il ne s’agissait pas d’une Bible à apprendre par cœur, de fait. Le référentiel est un ensemble de questions et de pistes de réponses et de ressources que les réseaux ont à avoir en mémoire, chaque fois qu’une réflexion collective est engagée. Or le référentiel est connu, et le point suivant témoigne qu’il est utilisé, en tout ou en partie, sur le terrain des réseaux.
  Le projet de réseau existe, et certains projets sont structurés en reprenant explicitement tel et tel axe du référentiel et en le déclinant localement.
  Une collégialité se construit entre l’IEN, le principal, l’IPR référent, le coordonnateur.

Et on peut reprendre chacun de ces points pour dire ce qui reste à faire : il reste à associer véritablement le collectif professionnel (je reprends là l’idée qui est portée par l’OZP et par l’IFÉ depuis plusieurs années désormais) dans toutes les phases du processus, en particulier :
  dans l’établissement du projet, à l’élaboration duquel les enseignants continuent à dire qu’ils ne sont pas réellement associés ;
  dans la place faite aux parents d’élèves, qui peuvent être présents dans les instances, certes, mais qui ne trouvent pas pour autant leur place d’interlocuteurs réels lors de l’élaboration du projet, des décisions qui en émanent, et des actions qui en découlent ; or le référentiel définit une place effective aux parents ;
  dans les relations au quotidien entre le principal, l’IEN, l’IPR référent, le coordonateur, je vais y revenir.

Mais je m’arrête sur un point, parce qu’il associe sous un même angle l’ensemble des acteurs, dont les collectivités territoriales, qui ne trouvent pas toujours non plus la place qu’on s’attendrait à leur voir reconnue, en raison de l’histoire de l’éducation prioritaire, alors qu’elles ont, justement, intégré la dimension pédagogique dans leur fonctionnement et leur culture. Si on s’amuse à croiser les termes projet de réseau, projet pédagogique, PPRE, PRE, avec accompagnement personnalisé, accompagnement éducatif, accompagnement continu en classe de sixième …, on comprend que chacun puisse avoir le sentiment qu’il fait ce qu’il faut faire, alors qu’une certaine confusion, ou une confusion totale, existe en fait sur le terrain, qui rend inefficace pédagogiquement (donc en terme d’effets sur les résultats des élèves) ce qui fait l’esprit, et pas seulement la lettre, de la refondation ; j’y reviendrai à propos des questions de pilotage et en conclusion.

3 – Dispositifs et enjeux de formation

Sur ce point, ce qu’il y a à dire relève de l’évidence : lorsqu’une formation répond à un besoin diagnostiqué par le collectif d’un réseau lors de l’élaboration de son projet ou en référence à ce projet (donc au référentiel), ceux qui suivent la formation expriment leur satisfaction et les retombées de la formation peuvent être mesurées. Deux nouveautés en ce domaine sont constatées :
  l’importance croissante de la formation à l’interne du réseau ; nous travaillons depuis des années sur l’accompagnement des nouveaux par les pairs, sur la co-animation, donc la co-préparation, donc la réflexion partagée entre pairs, sur l’analyse de pratiques entre collègues, et ces pratiques se répandent comme la prise de conscience de l’efficacité de ce type de formation, en particulier en inter degrés ;
  les pratiques d’inspection, qui associent participation au diagnostic, accompagnement-évaluation, analyse en équipe des inspections, inspections inter degrés : ça commence à bouger ici et là ;
  l’accompagnement des équipes par la recherche, mais cet aspect me conduit à donner deux visions opposées en même temps, ce qui a bougé, et ce qui reste à faire.

 

J’en viens donc à ce qui ne bouge pas suffisamment, en reprenant mon propos précédent :
  il n’y pas partout le réseau de formateurs dotés d’une expérience en éducation prioritaire, ou au moins déjà de formateurs solides sur les questions vives de l’enseignement en REP+ ; en particulier, il n’y en a pas encore ou pas en nombre suffisant là où les besoins sont les plus urgents, je pense à l’académie de Créteil en particulier. Rien d’illogique à cela, il faut du temps pour former un formateur, mais on comprend pourquoi une formation qui ne répond qu’en partie, ou pas du tout, à la demande d’un réseau a un effet démobilisateur très important sur l’ensemble des acteurs, enseignants comme équipe de pilotage, parents, collectivités ;
  il n’y a pas partout, et loin s’en faut, cet accompagnement par la recherche qui a été entendu comme allant être offert à tous les réseaux. Là encore, rien d’illogique, il n’y a pas le nombre de chercheurs attendus, et/ou ils n’ont pas les moyens humains et financiers de se rendre dans les réseaux éloignés de leur centre de recherches. Je pense en particulier, cette fois, aux académies hors métropoles.

Et on en vient à la question du pilotage, car c’est par exemple de la responsabilité du plan de formation académique de ne pas « recycler » en REP+ des formations qui conviennent dans d’autres lieux d’enseignement mais manquent de pertinence pour les questions spécifiques aux lieux les plus en difficulté de l’éducation prioritaire.

4 – Pilotage

Les instances définies par la refondation sont en place, dans les académies un comité de pilotage de l’éducation prioritaire, avec un pilote académique identifié, connu du niveau national et réuni avec l’ensemble des pilotes au niveau national, et dans les réseaux un comité de pilotage. Vous savez qu’il n’en a pas toujours été ainsi, c’est donc bon signe.

Certes, mais au-delà de l’existence de ces instances, les situations locales ne sont pas uniformes :
  malgré la nouvelle circulaire, la place de l’IPR comme co-pilote du réseau à côté du principal et de l’IEN n’est pas toujours reconnue ; telle ou telle situation locale est même clairement problématique, quand le principal tolère tout juste la présence de l’IPR dans « son terrain », ou d’ailleurs celle de l’IEN ;
  si les missions du coordonnateur ont globalement basculé du secrétariat (RAR - ECLAIR) vers la conception et la mise en œuvre des dispositifs (REP+), renouant ainsi avec leur rôle d’interface avec les collectivités et entre premier et second degré (ZEP – REP), ils peinent ici ou là à être pleinement reconnus par les co-pilotes du réseau, principal et IPR, alors que leur collaboration avec l’IEN est générale ;
  les parents comme les collectivités sont largement absents des instances de pilotage locales comme académiques .

Mais le pilotage académique et/ou national eux-mêmes connaissent des points de difficultés :
  Il revient au pilotage académique de veiller à ce que les différents plans de formations s’articulent, formations académiques, départementales, de réseaux.
  Il lui revient, au moment de la validation des projets de réseaux, d’apporter une aide critique et constructive à ceux des réseaux dans lesquels le projet reste un catalogue d’actions et de dispositifs.
  Il lui revient également de veiller à l’articulation des acteurs, puisque des formateurs académiques continuent à ne pas être connus ou reconnus du délégué académique, et / ou du responsable du plan de formation. Par exemple, le formateur académique peut avoir le sentiment de dépendre du DASEN et n’avoir aucune perception de la dimension académique.
  Il revient au niveau national d’aider à voir clair dans les différentes strates de projets et de conseils (conseils de cycle, d’école, conseils des maîtres, conseil école – collège, conseil pédagogique, conseil d’administration …), question qui ne concerne pas seulement l’éducation prioritaire mais qui, en éducation prioritaire particulièrement, explique le sentiment de perte de temps et d’énergie au détriment de l’action pédagogique au quotidien.

C’est la question de la liaison entre les différents niveaux de pilotage qui est posée, et cette question heurte nécessairement ceux auxquels elle est posée. Car nous avons tous des traditions de territoire et de fonctionnement qui freinent la mise en système ; chacun de nous connaît sa sphère de travail, son entourage, alors que les rouages de la décision sont complexes entre académie, département, réseau. Mais la question de l’articulation entre les personnes, les projets, les plans de formations, les instances est à affronter ; car, pour emprunter une métaphore à la mécanique, nous avons tous les éléments du moteur sans toujours arriver à le faire fonctionner de façon efficace.

Pour conclure,

Je voudrais partager avec vous deux alertes :
  Ne pas perdre de vue le sens du terme « refondation ». Les réseaux d’éducation prioritaire ont une histoire et l’OZP a souvent insisté sur les continuités professionnelles au-delà de la succession des politiques et des réformes. Mais il nous revient aussi de ne pas oublier que refondation ne veut pas dire continuité. Les spécificités sont évidentes : les rapports sociaux sont devenus plus durs, les valeurs moins partagées, les constats sont à faire connaître peut-être plus énergiquement. Vous avez peut-être lu dans le rapport "Grande pauvreté et réussite scolaire" le souhait que le référentiel des REP+ devienne celui de tous les collèges ; je comprends ce souhait, mais commençons par lui donner toute sa place dans les REP+. Continuons à prendre à bras le corps la question de la formation des formateurs.
  Ne pas perdre de vue non plus le sens du terme « préfiguration » : si un réseau n’a pas encore de projet, si le formateur attendu n’existe pas encore, si le diagnostic n’est pas un travail collectif, si le suivi et l’évaluation ne sont pas en train de se construire, en quoi ces réseaux préfigurateurs vont-ils pouvoir par leurs acquis aider au déploiement des autres réseaux ? Car la mutualisation des expériences et des ressources est comme un refrain entendu à peu près partout depuis des années. Il s’agit maintenant de s’y mettre vraiment et de nourrir le cadre que la Refondation a offert pour la rendre effective.

Anne Armand, membre de l’OZP

 

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