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"La contractualisation d’un projet éducatif territorial", le compte rendu OZP de la Rencontre du 14 janvier 2015

29 janvier 2015

LES RENCONTRES
DE L’OZP------
n°113, janvier 2015

La contractualisation d’un projet éducatif territorial

Compte rendu de la rencontre du 14 janvier 2015

Pour parler de la contractualisation d’un Projet Éducatif De Territoire (PEDT), l’OZP a mis le projecteur sur le département de la Seine-Saint-Denis en tendant le micro à Raphaëlle Buschenschutz et à Aurore Brachet, chargées de la mise en œuvre du projet éducatif territorial au Conseil Général.

Un territoire spécifique et complexe
1,5 million d’habitants dont 30% ont moins de 20 ans, répartis sur 40 communes .
22% des ménages ont des revenus au-dessous du seuil de pauvreté ;
22% des ménages sont étrangers ;
49% des ménages sont non imposables ;
125 collèges pour 70 000 collégiens ;
64 collèges sont en Éducation prioritaire dont 6 en REP+ ;
22% de diplômés contre 29% sans ;
22% des élèves ont un an de retard à l’entrée en 6e ;
80% de taux de réussite au BAC.

Une politique historiquement engagée
L’engagement du Conseil Général sur le volet éducatif et social date de 1982. De nombreuses actions ont été mises en œuvre dès cette époque.
En 2008, Claude Bartolone a fait de l’éducation sa priorité absolue, priorité reconduite avec son successeur en 2012, Stéphane Troussel.

Deux axes :
• Le bâti scolaire : à la rentrée de septembre 2014, 12 collèges neufs (5) ou rénovés (7) ouvrent leurs portes avec une architecture qui optimise les conditions d’enseignement.
• La nécessité d’une cohérence et d’une lisibilité de l’action éducative en direction des jeunes : beaucoup trop d’actions, variées, pas coordonnées, sans clarté.

Principes et démarche
Il s’est agi de mobiliser l’ensemble des acteurs - en particulier les parents - et de les rassembler dans la perspective d’une éducation partagée.
Pour ce faire, dans un premier temps, un diagnostic en interne au Conseil Général est conduit. Six mois ont été nécessaires.
Dans un second temps, le diagnostic s’est orienté vers tous les partenaires, y compris toutes les associations implantées de longue date sur le département, le 93 étant un département comptant un tissu associatif très dynamique et très développé. 23 ateliers ont été proposés de septembre 2011 à janvier 2012 avec tous les acteurs mais également avec l’ensemble des syndicats, les services de l’Éducation nationale, les parents délégués.

Cette politique territoriale a permis de dégager un projet éducatif départemental pour la Seine-Saint-Denis s’appuyant sur les principes suivants :
• réussite pour tous
• éducation partagée
• équité territoriale.

Entre actions nouvelles et actions déjà déployées
Des propositions d’actions sont déclinées à partir de ce projet qui comporte trois grandes entrées :
• se construire : l’ouverture culturelle, l’appropriation de l’histoire du territoire, le temps libre, la santé et le bien-être, le soutien aux projets locaux, ...
• se former : l’orientation et l’évolution des parcours, la prévention du décrochage scolaire, la prévention des violences, ...
• s’engager : la citoyenneté, l’écologie urbaine,...

Un exemple d’action : l’exclusion temporaire
Elle concerne 700 collégiens par jour dans le département. Le dispositif départemental ACTE (Accueil des collégiens temporairement exclus) a été élaboré avec la direction académique, les communes, les associations et les PRE selon l’implantation de ces derniers sur la commune. Ce cadrage départemental est décliné sur chaque commune. Un lieu d’accueil de proximité avec une prise en charge éducative par des adultes qualifiés permet d’assurer la continuité scolaire et d’éviter surtout le décrochage.
Cette expérimentation, qui date de 2008, concerne aujourd’hui 70 collèges. À côté de cette action, déjà existante, est venue prendre place une réflexion sur le décrochage scolaire qui engage le département au plan européen afin d’appréhender globalement ce phénomène en observant ce qui a été tenté ici et ailleurs pour y remédier.

Des instances
Un comité technique à l’interne et un comité de pilotage avec l’inspection académique se tiennent régulièrement. Chaque année, le projet départemental est évalué.
En novembre 2012, le projet éducatif a été voté par le Conseil Général et un projet éducatif territorial a été signé avec l’Académie de Créteil en octobre 2013. La loi de refondation de l’école a incité à contractualiser avec l’Éducation nationale.

Les quatre axes de ce contrat sont des actions en faveur :
• des élèves
• des actions en faveur des parents
• des actions en faveur des personnels
• des actions en faveur des établissements
Un dernier volet, celui de l’innovation pédagogique a été inscrit dans le contrat. Sa mise en œuvre reste à faire mais le 93 est un territoire propice à l’expérimentation,

Quel bilan après deux ans ?
L’appropriation du dispositif n’est pas générale.
Les difficultés identifiées :
• un manque d’espaces collaboratifs et de temps pour gérer les cultures professionnelles en interne et en externe ;
• des inégalités constatées selon les communes et leurs ressources ;
• le risque de s’emparer de la politique de l’offre, de se contenter de consommer ;
• une communication beaucoup trop centrée sur le scolaire ;
• la question des rythmes est venue renforcer la lourdeur administrative
• trop peu de parents acteurs

Un déclencheur potentiel : l’éducation prioritaire et les REP+
6 REP+ sur le département invitent à :
• contractualiser davantage avec les établissements ;
• élaborer le projet de réseau avec les pilotes ;
• élaborer des actions communes en fonction des particularités locales.

Des freins
• complexité des réseaux avec une grande diversité des démarches ;
• rôle du Conseil Général inexistant dans les instances telles que le Comité de pilotage.

DEBAT
Intervention OZP :
Au travers de ce qui vient d’être exposé, on constate un retour à une politique territoriale. À l’intérieur du dispositif Éducation nationale, il est fondamental de prendre en compte que les REP+ doivent être de vrais réseaux. Si on ne prend pas garde à cela, seul le collège risque d’être identifié.
C’est pour cette raison que l’OZP avait insisté pour que l’inspecteur de l’éducation nationale ait toute sa place dans un pilotage avec le principal, le coordonnateur et l’IPR. Cela complexifie le rôle des collectivités parce que l’intervention du Conseil Général doit être pensée également sur un réseau.

Q – Quel budget départemental ? Et au regard de l’actualité récente du 7 janvier, y-a-t-il dans votre projet des actions autour de la citoyenneté ? De la fraternité ?
R – Le budget est environ de 8 millions d’euros consacrés aux actions éducatives sur le département. Sur la citoyenneté, beaucoup d’actions sont conduites. Elles peuvent tout aussi bien concerner le vivre ensemble que la question égalité filles/garçons, le climat scolaire.
Beaucoup d’actions sont proposées par le conseil général mais il y a également des enseignants qui déposent des projets autour de sujets très précis. Il existe beaucoup d’actions sur le sexisme avec l’Observatoire des violences faites aux femmes.
Un volet prévention est également très développé tout comme le volet citoyenneté avec un travail sur l’engagement citoyen lié au développement durable.
Le conseil général des collégiens rassemble, hors temps scolaire, des jeunes dans des commissions thématiques : l’une par exemple travaille sur la lutte contre les discriminations. La formation des collégiens est financée par le Conseil Général. Un soutien est apporté aux FSE (Foyer Socio Éducatifs) mais cela reste à la marge par manque de temps et d’énergie des professeurs.

Ce qui reste difficile c’est que les projets sont rarement à l’échelle d’un établissement, ils restent liés à la volonté d’un enseignant, parfois deux, sur un collège. Lorsque c’est tout un collège qui souhaite développer l’axe de la citoyenneté, via le Conseil d’Éducation à la Santé et à la Citoyenneté (CESC) notamment, on mesure les effets de l’action sur les élèves sur le climat scolaire, les violences. Et lorsque le Conseil Général est présent dans les CESC, la plus value est nette.

Intervention – Le CESC qui existe dans chaque collège est l’organe de pilotage pouvant permettre de développer des actions autour de la santé et de la citoyenneté. Malheureusement, même si il existe depuis 1987, cela reste une coquille vide. Et effectivement, si on l’utilise vraiment, c’est un outil qui permet d’avoir de la cohérence et de la complémentarité et aux partenaires de prendre toute leur place.

Q – Quelle implication des élèves dans le bâti ou dans le numérique ? Est-ce que leurs demandes sont prises en compte ? Quelle articulation avec les écoles notamment dans le cadre des parcours artistiques ?
R – Pour ce qui concerne le bâti, des jeunes ont été associés à la réflexion par l’intermédiaire d’un forum des jeunes. En ce qui concerne le numérique, les collégiens n’ont pas été consultés. Ce qui questionne, c’est la posture des professionnels.

Dans le projet éducatif départemental, l’exercice de la participation des jeunes, reconnus comme acteurs, fait consensus. En revanche, quand il s’agit de le faire vivre, c’est tout de suite plus compliqué et cela interroge sur la réelle prise en compte de la parole des jeunes. On voit bien la réticence des adultes mais c’est un travail qui doit se construire dans le temps et nous avançons.
Sur la question des parcours artistiques, des conventions sont en cours de rédaction actuellement avec les directions culturelles des communes . Mobiliser l’ensemble des acteurs reste complexe. La Seine-Saint-Denis sera confrontée à l’inégalité des communes en matière de culture. Dans certaines villes, on voit bien que des actions sont engagées dès la maternelle. Lorsque l’on parle d’un parcours coordonné de la maternelle au collège, la question financière se pose.

Q – L’exclusion de 700 collégiens par jour interroge. Au-delà de la prestation offerte par le Conseil Général, y a-t-il un travail avec les familles et les jeunes sur la loi, la règle ? Est-ce qu’une réflexion de fond s’engage avec les partenaires ?
R – La charte du dispositif ACTE a été travaillée avec la direction de l’Éducation nationale. Les principaux s’inscrivent dans cette charte. Cependant, les enseignants ignoraient ce qui se faisait dans ce dispositif. Une implication des enseignants a donc été sollicitée de manière à ce qu’ils soient informés de ce qui s’était passé avec l’élève et surtout il fallait que le retour au collège soit pensé et préparé. Les comités de pilotage locaux doivent veiller au respect de cette charte. Malgré tout, c’est difficile pour certains collèges d’être présents dans le suivi.

Ce qui a été observé, c’est le positionnement des collèges non situés en éducation prioritaire et dont on peut supposer qu’ils sont moins confrontés à l’exclusion. Les équipes éducatives de ces établissements excluent en interne avec un projet réfléchi mobilisant à la fois l’équipe éducative et les ressources de la ville.

Q - Quelle articulation avec le dispositif ACTE et les ateliers relais ?
R – Les équipes éducatives méconnaissent les dispositifs. Le principal maîtrise cela et souvent c’est lui qui va orienter l’élève vers la structure qui lui convient.

Interventions
L’exclusion dans le Val-de-Marne n’est pas abordée de la même façon. À Créteil, une classe citoyenne a été créée puis une autre récemment par par la ville d’Alfortville. Depuis la mise en place du dispositif en 2010, ce sont 500 jeunes qui ont été accueillis dont beaucoup sont en situation de violences familiales. Peu ont été suivis en amont faute d’avoir pu être identifiés. C’est un réseau qu’il va falloir mobiliser et un travail de concertation avec tous les niveaux éducatifs. L’implication des parents sur les collèges malgré la création d’espaces au sein des établissements reste minime.

Il faut veiller à conserver un équilibre entre les actions proposées et les actions conduites au sein d’un établissement pour éviter la concurrence. Aujourd’hui, la nécessité d’une complémentarité entre tous les acteurs de l’éducation pour aller vers la cohérence des actions éducatives est comprise. Cela suppose de savoir ce que la collectivité propose, ce que le collège propose et l’articulation que l’on peut établir entre les deux.
En ce qui concerne la présence des parents dans les établissements, on doit se poser la question de ce qu’on leur offre pour les faire entrer. Des remises de bulletins sont plus faciles à mettre en place que des débats autour de l’éducation à la citoyenneté par exemple.

Dans le monde éducatif, on a tendance à oublier que, dans chaque commune, il y a des élus qui ont la responsabilité de tous les citoyens et donc, de fait, des enfants. Tant que ces deux mondes, à savoir celui de l’école et celui d’un territoire, ne se reconnaîtront pas dans une éducation partagée, ce sera compliqué d’avancer.

Il y a eu à une période des maladresses, voire parfois des démarches intrusives, des collectivités territoriales dans l’éducation nationale qui ont contribué à développer un manque de confiance entre ces deux mondes. La démarche du département de la Seine Saint Denis est continue, persévérante et partagée dans le respect des compétences de leurs partenaires.

La défiance existe toujours entre la collectivité territoriale, la direction éducation nationale et l’établissement. Chacun a un regard particulier. Le Conseil Général du Val-de-Marne est clair dans ses propositions, ses projets et pourtant, il y a peu d’engagement des équipes. Les opérations clés en main fonctionnent mais les appels à projets restent sans écho. Pour quelles raisons ? Cela reste un mystère.

Q – La contractualisation pousse à réfléchir en terme d’actions, ce qui semble compliqué parce que c’est institutionnel et que cela ne facilite pas les choses. En revanche, réfléchir à l’articulation des dispositifs et à ce qu’il convient de mettre en place quand on a un problème à résoudre est une démarche différente.
R- C’est bien pour cela que le Conseil Général souhaite travailler sur un projet d’établissement et voir comment chacun de sa place avec ses compétences peut intervenir pour résoudre les difficultés identifiées dans un établissement.

Compte rendu rédigé par Brigitte D’Agostini

 

Le dispositif ACTE sur le site du Conseil Général

 

Voir aussi
"Le Café" et "Tout Educ" : deux comptes rendus de la rencontre OZP sur les PEDT

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