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Comment l’Education nationale peut-elle ne pas prendre en compte les particularismes ultra-marins (Diversité n° 178, déc 2014)

11 décembre 2014

Comment l’Education nationale peut-elle ne pas prendre en compte les particularismes ultra-marins (Diversité)

"Le chantier de la contextualisation de l’enseignement reste à ouvrir et cette avancée, indispensable à la réussite scolaire de nombreux élèves, ne pourra s’envisager (...) que lorsque La Réunion cessera de n’être considérée que comme un département français comme les autres possédant, tout au plus, une cuisine originale et des légumes aux formes étranges." En étudiant le cas particulier de l’ïle de l’Océan Indien, Laurence Pourchez (anthropologue) dénonce dans le numéro de "Diversité" à paraître, consacré aux territoires ultramarins et à leurs populations, le "rôle de vitrine" des "classes bilingues" et l’incapacité de l’école à prendre en compte la culture locale, encore trop souvent considérée comme "inférieure" face à la "culture française", censée être un "vecteur" de "promotion sociale".

"Là-bas, ici, ici-là...", c’est en réalité l’étrangeté familière des territoires ultramarins à l’Hexagone que décline l’ensemble de la revue. Elle s’attache à circonscrire le curieux rapport de l’Outre-mer à la "figure du lointain : la métropole", "à la fois présent(e) et lointain(e), à travers ses institutions, et distant(e)", souligne Régis Guyon dans l’éditorial. "Promesse", hier "d’ascension sociale", le territoire européen est l’exutoire aujourd’hui d’une jeunesse qui fuit "une situation économique et sociale désastreuse."

Ils n’utilisent pas l’école pour s’intégrer

Une "expérience migratoire" à laquelle les Ultramarins ne sont pas vraiment préparés, comme le révèle l’article de Michel Giraud (membre du Centre de recherche sur les pouvoirs locaux dans la Caraïbe de l’Université des Antilles-Guyane) paru en 1993 et republié dans ce numéro. Victimes de racisme à leur arrivée en métropole, "les originaires des DOM ne comprendraient pas et refuseraient violemment d’accepter que, pour reprendre une célèbre formule de Césaire, s’étant voulus français à part entière, ils soient considérés en métropole comme des Français entièrement à part". Se sentant citoyens français, ils n’utilisent pas l’école pour s’intégrer, comme le font les jeunes issus de l’immigration, et, face à un constat d’exclusion, s’en détournent, suggère le chercheur.

Même constat d’une difficulté à se sentir Français en métropole chez Mireille Eberhard, de l’Alliance de recherche sur les discriminations qui a mené une enquête auprès de 4 419 agents public à Paris. Elle souligne que "les discriminations s’avèrent constitutives des représentations et de l’expérience" que les Ultramarins "ont de leur sphère professionnelle". "Le racisme de couleur" fait partie de leur expérience sociale et "compte dans la définition des histoires et des identités tant personnelles que collectives", remarquent de leur côté Christelle Hamel (chargée de recherche) et Maud Lesné (doctorante) toutes deux à l’INED et Jean-Luc Primon, (sociologue, Paris-VII).

Ceux qui restent en Outre-mer vivent, eux, parfois assez mal l’arrivée des métropolitains, les "mzungus" comme ils sont surnommés à Mayotte, "exerçant dans la fonction publique, qui tournent dans le cadre de mutations, de contrats liés à l’expatriation et qui, pendant deux ans, touchent des primes limite indécentes au regard de la situation de l’île et de sa pauvreté", explique dans un entretien Ben Amar Zeghadi (doctorant en sociologie), directeur général adjoint de l’association Tama – association mahoraise qui lutte contre toutes les formes d’exclusion.

Les écoles coraniques, la discipline, la rigueur et la mémoire

Le 101e département, rattaché à la France en 2011, doit, peut-être encore plus fortement que les autres DOM, jongler entre des particularismes locaux très forts et l’uniformisation grandissante qu’impose son nouveau statut administratif. "La population à Mayotte parle plus shimaorais que français, et l’on est davantage dans de l’alphabétisation plutôt que dans l’accès aux savoirs", remarque Ben Amar Zeghadi qui espère une vraie politique de la part de l’Education nationale dans l’île, en prenant en compte la réalité sur place. "Dans les 1 % d’élèves qui réussissent leurs études supérieures, 80 % d’entre eux sont passés par les écoles coraniques classiques, où ils ont appris la discipline, la rigueur, et ont développé leur mémoire", poursuit-il. "Il semble que ces jeunes sont ainsi mieux armés pour leur avenir scolaire. C’est cette rigueur qui leur permet parfois de réussir en métropole".

Le métissage est d’ailleurs en train de s’accepter dans les Outre-mer. A contre-courant des identités exclusives (ici ou là-bas) se forme un ici-bas, comme à Mayotte où Foued Laroussi, directeur du laboratoire Dysola (Dynamiques sociales et langagières) remarque que "les pratiques langagières des jeunes Mahorais ne s’inscrivent plus dans le schéma traditionnel que l’on a observé, par exemple chez leurs parents, généralement non francophones, qui consiste à opposer le français, considéré comme langue "importée", voire "coloniale", aux langues locales, qualifiées d’ "autochtones". Pour les jeunes, le français contribue, lui aussi, à la définition de l’identité mahoraise, "une identité plurielle, au sens de constituée d’apports multiples". Comme le résume un des "informateurs" dans son article : "être mahorais, pour moi c’est parler, c’est bien parler le shimaore et parler le français, les deux".

Diversité, n°178 "Les Ultramarins, Ici et là-bas", Canopé-CNDP/ Délégation Éducation et société, 192 p., 15 €,

Contacts : regis.guyon@reseau-canope.fr et www.sceren.com

Extrait de touteduc.fr du 09.12.2014 : Comment l’Education nationale peut-elle ne pas prendre en compte les particularismes ultra-marins (Diversité)

 

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