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"Quelle France dans 10 ans ?". Les priorités éducatives du rapport de prospective de Jean Pisani-Ferry : Investir dans l’accueil du jeune enfant et le primaire, diviser par trois le nombre de décrocheurs...

26 juin 2014

Additif du 01.08.14

DOCUMENT Le ministre de l’Education n’a pas du tout apprécié une étude de France Stratégie pointant des économies possibles dans l’enseignement secondaire. Et le fait savoir dans un courrier à l’économiste

Extrait de lesechos.fr du 01.08.14 : Quand Benoît Hamon tacle Jean Pisani-Ferry

 

QUELLE FRANCE DANS DIX ANS ?
Les chantiers de la décennie

Rapport au président de la République
Sous la direction de Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie
et à la prospective, juin 2014

L’intégralité du rapport " Quelle France dans 10 ans ? " (250 p.)

EXTRAIT
pp. 102-105

Donner à tous les enfants les moyens de réussir à l’école
L’école de la République a été au fil des siècles un puissant vecteur d’égalité. Aujourd’hui, sa capacité à la garantir est fragilisée : un fils de cadre a douze fois plus de chances d’accéder à une grande école qu’un fils d’ouvrier. Cette situation est, chez les parents comme chez les
enseignants, source de doute quant à la capacité de l’école à remplir sa mission. À celle-ci, on demande cependant à la fois trop et trop peu : trop, parce qu’elle n’est pas, seule, en mesure de corriger des situations qui tiennent à des contextes familiaux, sociaux ou linguistiques ; trop peu, parce qu’à condition de se réformer et d’accepter une plus grande
différenciation de ses pratiques éducatives, l’institution scolaire pourrait faire davantage pour répondre à la variété des terrains et des problèmes qu’elle rencontre.

Pour redonner à tous les enfants les moyens de réussir, il convient d’agir en amont même de l’école, afin que l’entrée dans la scolarité ne soit pas, pour certains enfants, la première étape d’un parcours d’obstacles au long duquel ils vont sans cesse trébucher. Mais il convient aussi
de donner à l’institution scolaire la capacité de faire face aux inégalités et de différencier beaucoup plus son organisation, ses pratiques et ses méthodes pour remplir au mieux sa mission de service public. C’est ainsi que l’on pourra réduire drastiquement le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme.

Il faut donc :
Investir dans la socialisation et l’accueil du jeune enfant
Garantir d’ici dix ans pour tous les enfants de 6 mois à 3 ans l’accès à un mode de garde, collectif ou individuel, permettrait à la fois de favoriser l’activité des femmes et de lutter contre les inégalités liées au milieu d’origine des enfants, qui se répercutent dans leur développement et peuvent handicaper leur accès aux savoirs de base. Il s’agit de développer une offre de modes de garde capable de répondre à 100 % des besoins, et de promouvoir simultanément la qualité de cet accueil (ce qui renvoie à des enjeux de formation et de professionnalisation des personnels et de construction de parcours d’apprentissage continu jusqu’à l’école). Une meilleure information des parents, à la fois sur les modes de garde disponibles et sur les règles d’attribution des
places, compléterait ce dispositif.

Atteindre cet objectif demandera des moyens, à l’heure où ceux-ci manquent. En dépit de la situation budgétaire, c’est un domaine dans lequel il ne faut pas hésiter à investir des ressources publiques, pour permettre à tous les enfants d’entrer à l’école avec toutes leurs chances de réussite. Il est d’ailleurs certain qu’un tel investissement se justifie
pleinement du strict point de vue de l’équilibre intertemporel des finances publiques.

Réduire la fracture éducative en investissant en quantité et qualité sur le primaire
Investir davantage et mieux à ce moment clé de l’acquisition des compétences de base qu’est l’école primaire est la condition de parcours scolaires réussis. Une réallocation des dépenses d’éducation en faveur de ce niveau permettrait de lutter contre les inégalités sociales d’apprentissage et favoriserait l’insertion future des élèves sur le
marché du travail. Cet effort quantitatif, dont bénéficieront tous les élèves, devra s’accompagner d’une amélioration qualitative de la capacité du système scolaire à réduire l’influence de l’origine sociale sur la réussite scolaire.

Dans les années 2000, des pays comme l’Allemagne, la Pologne et le Portugal ont rattrapé leur retard éducatif en axant justement leurs réformes sur les élèves en échec scolaire ou issus des milieux défavorisés. Cela passe par la formation des enseignants et
la valorisation de leur travail, ainsi que par la différenciation et l’expérimentation en matière d’organisation et de pédagogie, afin d’assurer la meilleure adéquation entre les moyens déployés et les besoins du terrain. Les enseignants expérimentés devront bénéficier d’incitations plus fortes à intervenir dans les établissements difficiles, et les chefs d’établissement devront se voir confier davantage d’autonomie et de responsabilités afin d’adapter les moyens et les modes d’organisation selon leurs besoins. Il devrait leur être aussi permis de mener des expérimentations dans le champ de la pédagogie.

Ce chantier est central et implique que nous nous fixions des objectifs ambitieux pour les dix ans qui viennent : diviser par trois la proportion des élèves sortant du primaire sans maîtriser la langue française (20 % aujourd’hui), et réduire d’un tiers la proportion des élèves ne maîtrisant pas les principaux éléments scientifiques (29 % aujourd’hui).

Diviser par trois le nombre de « décrocheurs »
Sur la base d’efforts soutenus en matière de préscolarisation et d’enseignement primaire, et par un meilleur emploi des moyens du secondaire, il est possible de diviser par trois le nombre de « décrocheurs » quittant le système éducatif sans diplôme (ils
sont actuellement 140 000 par an). L’action devra principalement reposer sur un accroissement de l’efficience et sur une modernisation des méthodes du système d’enseignement. Il faudra pour cela introduire plus de souplesse dans le fonctionnement du service public afin de donner une plus grande autonomie aux établissements, de différencier les ressources et de permettre ainsi une meilleure adaptation des moyens et des méthodes aux spécificités du terrain.

La rénovation devra aussi concerner les savoirs – en France, contrairement à d’autres pays, l’école n’enseigne pas le codage informatique, alors que celui-ci devient essentiel dans beaucoup d’activités. Elle devra également porter sur les pratiques pédagogiques :
celles-ci sont appelées à être bouleversées par les techniques numériques et la disponibilité de cours en ligne qui vont inévitablement dévaloriser l’enseignement magistral traditionnel. Il importe au plus haut point que l’école se saisisse de ces innovations et en fasse l’occasion d’une rénovation de ses méthodes dans le sens d’une plus grande
promotion des capacités d’apprentissage autonome et de critique des élèves. [...]

(page 106)
LES INDICATEURS D’UNE ÉGALITÉ RÉPUBLICAINE EFFECTIVE

- Faire baisser le taux de ressenti des discriminations pour être dans le peloton de tête (premier tiers) des pays européens. Actuellement, selon
l’eurobaromètre 2012, 47 % des Européens estiment que les discriminations fondées sur les origines sont très répandues dans des secteurs comme l’accès au logement ou à la santé. La France se classe avant-dernière avec 64 % (juste devant la Suède qui culmine à 66 %). Nous sommes très loin de pays comme l’Allemagne (42 %) ou le Royaume-Uni (45 %). D’ici 2025, l’objectif est de se placer dans le premier tiers des pays européens.

- Multiplier par deux la proportion de métiers mixtes (17 % aujourd’hui). La lutte pour l’égalité devrait également se traduire par une plus grande mixité des métiers. Malgré des progrès, seuls 17 % des métiers, représentant 16 % des emplois, sont mixtes en France, c’est-à-dire comportent entre 40 % et 60 % des deux sexes. Cette faible proportion touche surtout les métiers peu ou faiblement qualifiés. Doubler cette proportion permettrait d’avoir un tiers de métiers mixtes d’ici dix ans. Une hausse de 15 points de la mixité des métiers stratégiques (à fort potentiel d’emploi ou pour lesquels de nombreux départs à la retraite sont prévus), et de 5 points pour les autres, permettrait d’atteindre cet objectif.

- Diviser par trois le nombre des « décrocheurs" (140 000) qui sortent
chaque année du système scolaire sans diplôme ou uniquement avec le brevet des collèges et diviser par trois le nombre d’enfants ne maîtrisant pas le français (20 % aujourd’hui) à la sortie de l’école. L’échec scolaire est un dysfonctionnement majeur de notre modèle d’égalité républicaine. C’est aussi un handicap économique pour la nation.

- Diviser par deux l’illettrisme chez les adultes. En France métropolitaine, environ 2,5 millions de personnes âgées de 18 à 65 ans ayant été scolarisées dans notre pays étaient en situation d’illettrisme en 2011, soit 7 % de la population. Malgré une amélioration par rapport à 2004, la performance de la France n’est pas brillante en comparaison internationale. Les tendances en cours devraient conduire à une baisse spontanée vers un taux d’environ 5,5 % en 2025. Un objectif volontariste est de viser un taux de 3,5 %.

 

"L’action du gouvernement ne répond pas aux défis identifiés", titre Le Monde du 26.06.14 dans un article payant qui relève que
- la priorité au primaire est théorique. Sur les 60 000 postes d’enseignement promis par Hollande auront été affectés à ce niveau ;
- les programmes en cours d’écriture veulent revenir à une maternelle ludique, ce qui est dangereux pour la lecture des enfants de
milieu défavorisé ;
- l’"autonomie des établissements" ne figure pas dans l’agenda de M. Hollande : ce serait un casus belli avec les syndicats d’enseignants.

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