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Les enfants et familles pauvres face à l’individualisation de la pédagogie

11 octobre 2005

Extrait du site d’Education et Devenir, le 11.10.05. : La place des élèves pauvres dans l’établissement scolaire

Ce texte est un passage d’un article de Jean-Paul Delahaye intitulé "La place de l’lève au sein de l’établissement scolaire : une approche historique et intituionnelle".

La centration sur l’élève évoquée il y a un instant s’est accompagnée de la mise en place de dispositifs pédagogiques qui ont pour objectif de permettre à chaque élève d’aller à son rythme pour acquérir les connaissances et les compétences prévues dans les programmes. Mais la différenciation pédagogique doit-elle nécessairement conduire à une individualisation des enseignements ?

Cette question est loin d’être anecdotique pour les élèves issus de familles pauvres puisque selon les estimations de l’observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, nous scolarisons aujourd’hui dans nos écoles, collèges et lycées plus d’un million de jeunes venant de familles qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Or, devant les difficultés lourdes de certains enfants et adolescents de milieu populaire, ne commet-on pas, ici ou là, un contresens sur « l’adaptation de l’école » et sur l’individualisation des enseignements, en réduisant, de fait, malgré les instructions officielles, les exigences en matière d’apprentissage ?

Qui sont les élèves les plus touchés par certaines dérives de la pédagogie du détour qui, à force d’emprunter les chemins de traverse, perd de vue les apprentissages ? Et qui sont les parents qui peuvent le soir, avec l’aide du « Bescherelle » ou du « Bled », structurer les apprentissages fondamentaux qui font aujourd’hui défaut dans certains cas ?

Nous sommes évidemment tous convaincus que l’école qui s’adresse aux pauvres ne doit pas et ne peut pas être une école appauvrie dans ses objectifs et dans ses contenus et qu’il ne faut en aucun cas proposer une école au rabais sous prétexte que le contexte de la vie quotidienne de ces enfants est difficile. L’école de la République a les mêmes ambitions pour tous les élèves, sinon ce n’est plus l’école de la République.

Et d’ailleurs, les pauvres eux-mêmes, quand on veut bien les écouter, ne veulent surtout pas d’une école adaptée aux pauvres. Ils veulent, dans un réflexe salutaire, la même école que les autres, accéder à l’universel et ne veulent pas pâtir de certains délires relatifs au fameux « droit à la différence ».

Le réflexe de ces familles est d’autant plus intéressant qu’il les conduit, en fait, à refuser l’individualisation croissante de notre société et de son école : ce que veulent les familles populaires pour leurs enfants c’est, si je puis dire, du collectif, de l’universel.

Les familles pauvres veulent du « scolaire » car elles savent bien que c’est le « scolaire » qui ouvre au monde.

Ces familles rejoignent en cela certains chercheurs dont les recherches sur l’échec scolaire devraient conduire à privilégier, dans les conditions d’apprentissage mises en œuvre, un enseignement plutôt collectif (ce qui n’exclut pas la mise en place temporaire de groupes de besoins), en classe hétérogène (ce qui n’exclut pas des moments de travail de groupes), structuré et explicite, avec une mesure régulière de la progression des élèves, plutôt qu’un enseignement systématiquement différencié ou individualisé.

Méfions-nous donc, pour les enfants de milieu populaire tout particulièrement, de cette tendance à individualiser à l’extrême le travail scolaire en classe. Utilisée sans discernement, l’individualisation fait que l’élève n’a d’autre repère que lui-même. Or, la classe collective, c’est aussi le moyen d’apprendre ensemble des connaissances difficiles.

L’exemple des ZEP est significatif. Le bilan dressé est plutôt positif là où, précisément on est resté centré sur les apprentissages fondamentaux en conservant le maximum d’hétérogénéité possible dans les classes et, donc, là où l’on n’a pas abaissé le niveau d’exigence.

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