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"L’émancipation scolaire. Pour un lycée professionnel de la réussite", Aziz Jellab (Presses Universitaires du Mirail, 2014).
Long entretien avec le Café pédagogique (12.05.14)

20 mai 2014

L’Émancipation scolaire. Pour un lycée professionnel de la réussite
Aziz JELLAB,
Presses Universitaires du Mirail
2014
ISBN : 978-2-8107-0294-7
19.00 €
206 p.

Comment caractériser le lycée professionnel aujourd’hui et quelle place occupe-t-il au sein du système scolaire ? Comment les élèves s’y engagent-ils et y construisent-ils un sens à leurs études et quelles stratégies les enseignants mettent-ils en place afin de favoriser la réussite d’un public provenant majoritairement de milieu populaire ?

S’appuyant sur des enquêtes de terrain menées depuis plusieurs années, cet ouvrage traite de ces différentes questions. Il aborde les effets de la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans, l’émergence des projets de poursuite d’études dans l’enseignement supérieur court, et s’interroge sur le devenir du CAP qui accueille le plus souvent le public scolaire le plus fragile.
Prenant le contre-pied des rares recherches sociologiques qui ne pensent l’enseignement professionnel que sous l’angle de la reproduction sociale des rapports de domination, le propos pointe les défis à relever pour une institution qui doit assurer à son public une émancipation scolaire alliant compréhension, accompagnement et exigence intellectuelle.

Docteur en sociologie et en sciences de l’éducation et habilité à diriger des recherches, Aziz Jellab est inspecteur général de l’Éducation nationale et chercheur associé au CERIES (université de Lille III). Auteur de plusieurs ouvrages et articles, il a notamment publié Sociologie du lycée professionnel (Presses universitaires du Mirail, 2009), Les étudiants en quête d’université (L’Harmattan, 2011), et Des citoyens face au crime. Les jurés d’assises à l’épreuve de la justice (en collaboration avec Armelle Giglio, Presses universitaires du Mirail, 2012).

Sommaire (3 pages)

Extrait du site des Presses Universitaires du Mirail : L’Émancipation scolaire

 

Enseignement professionnel : Un outil d’émancipation ?
Enseignement professionnel : Un outil d’émancipation ?

Peut-on réduire l’enseignement professionnel à un simple lieu de domination ? Pour Aziz Jellab, inspecteur général et sociologue associé au CERIES (Lille III), la réalité de l’enseignement professionnel est plus complexe. Réagissant à la lecture bourdieusienne traditionnelle, il montre, dans L’émancipation scolaire (Presses universitaires du Mirail), les nombreux défis qua relevé récemment cet enseignement : effets de la massification de l’enseignement, désouvriérisation, réforme du bac pro, développement de l’alternance...
Pour lui ce qui est agent de domination dans l’enseignement professionnel peut aussi servir l’émancipation, qui reste l’objectif de l’Enseignement professionnel. Son livre s’appuie sur une connaissance intime des élèves et des enseignants de l’enseignement professionnel. En restituant la complexité et la vérité de ces femmes et de ces hommes avec un grand respect il leur rend aussi hommage. Il répond à nos questions sur la domination, la ségrégation ethnique dans cet enseignement. Il revient sur les pratiques pédagogiques des enseignants dans des lycées qui croient vraiment au primat de l’éducabilité.

[...] Même si l’enseignement professionnel est moins valorisé dans la hiérarchie du prestige scolaire, les élèves qui y sont scolarisés en ont une image plus positive, et ils sont surpris que les rares évocations médiatiques traitant du LP soient souvent négatives !
J’ai assez rapidement relevé la distance qui existe entre quelques recherches savantes mais appliquant une grille de lecture a priori, ce qui condamne au final à ne pas prendre au sérieux les diverses configurations prises par l’expérience des élèves, configurations qui doivent aussi au contexte même du LP. [...]

Autre exemple : des élèves ayant connu la douloureuse expérience de l’échec dans certaines matières en collège en viennent à découvrir qu’ils sont capables de réussir en LP, aidés il est vrai par des pratiques pédagogiques innovantes ou au moins soucieuses de penser leurs difficultés cognitives. J’ai de ce fait réinterrogé la notion de « choix d’orientation ».
En effet, des élèves déclarant avoir choisi manifestent une désimplication scolaire quand d’autres disant avoir été « orientés » ou « casés » en LP y trouvent des raisons de se mobiliser. C’est la réussite scolaire et l’apprentissage d’un métier qui permettent aux élèves d’être en projet. Celui-ci ne se détermine pas par la seule origine sociale.
Trois dimensions relationnelles et symboliques participent du sens que l’élève donne aux savoirs et de l’émergence de projets d’avenir : la socialisation familiale (qui n’est jamais totalement achevée et met en jeu des rapports entre fratries mais aussi intergénérationnels), les interactions avec les copains et les relations avec les enseignants. [...]

[...] [Les professeurs] ont largement été pensés comme des agents au service de la reproduction sociale, ce qui est non seulement discutable mais aussi peu informé de la réalité professionnelle de cette catégorie de professeurs.
Ce corps est très diversifié et la part des contractuels y est prédominante pour des raisons tenant à la spécificité de certains champs professionnels (en coiffure ou dans l’ameublement, comme dans certaines spécialités du textile, il y a peu de formations de niveau II ou I, niveau exigé pour passer les concours) mais aussi aux opportunités institutionnelles (l’ouverture des concours dans certaines spécialités est rare et parfois inexistante).

Mais il y a différentes modalités d’incarner sa professionnalité. Si certains PLP partagent avec leurs élèves le sentiment d’avoir subi une sorte de déclassement, cela est moins vrai chez ceux qui sont issus de milieu populaire et, comme leurs élèves, une partie des PLP trouvent des raisons pour exercer auprès d’un public défavorisé socialement. Leur vive conscience de la domination sociale les incite plutôt à opter pour une valorisation de la réussite, du diplôme préparé et de plus en plus, de la poursuite des études. [...]

Une distance culturelle s’installe parfois avec les nouveaux PLP mais là encore, elle ne condamne pas à une distance pédagogique. Nombreux sont les PLP à opter pour des pédagogies bien éloignées de ce qu’ils ont connu comme élèves puis étudiants.
[...]

Ensuite, les approches raisonnant de manière misérabiliste minorent, voire ignorent les pratiques pédagogiques, ont du mal à penser la diversité des contextes. Un exemple : quand avec Bernard Charlot et Laurence Emin nous avions conduit en 2002, pour le compte du MEN, une enquête sur l’abandon en BEP, nous avions été frappés par l’effet-contexte quant à sa capacité à « raccrocher » les élèves.
Mes analyses ne conduisent pas à surestimer l’une ou l’autre variable (origine sociale ou contexte scolaire) mais à les penser de manière dialectique et à entrevoir les conditions d’une émancipation par le LP.
[...]

Les élèves que j’ai interviewés ont une conscience vive de la domination sociale mais ce n’est pas pour autant qu’ils dénigrent la culture professionnelle et les savoirs. Ils y voient même une manière de se construire une identité sociale, une façon d’exister tant pour les parents que pour les copains de la vie.
[...]

Extrait de cafepedagogique.net du 12.05.2014 : Enseignement professionnel : Un outil d’émancipation ?

Voir aussi
Nouvel entretien (10.10.14) du Café pédagogique avec Aziz Jellab, auteur "L’Émancipation scolaire. Pour un lycée professionnel de la réussite, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 2014

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