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« L’Apartheid scolaire », une enquête dans les ZEP du Bordelais : ségrégation, carte scolaire et mixité sociale

3 octobre 2005

Extrait de « Sud-Ouest » du 30.09.05 : Quand l’école renforce les ghettos

Des sociologues bordelais publient « l’Apartheid scolaire ». Leur enquête réalisée dans notre région démontre que l’école renforce la ségrégation. Explications et témoignages.

C’est une longue enquête qui a été menée par des sociologues de l’université de Bordeaux 2, dont on va trouver la semaine prochaine les résultats en librairie. Ils ont arpenté les établissements scolaires de la capitale girondine, interrogé des enseignants et parents. Mais ils ont surtout travaillé sur les prénoms de 144 000 élèves de 333 établissements publics et privés du Sud-Ouest. Ce procédé, d’ailleurs très critiqué (1), a finalement permis d’établir une mesure statistique de l’origine ethnique de ces élèves. Et les résultats sont édifiants : 10 % des collèges concentrent 40 % des élèves issus de l’immigration, qu’ils soient ou non de nationalité française. Les trois quarts de ces élèves viennent de milieux défavorisés et la moitié ont un ou deux ans de retard.

L’école accentue la ségrégation. Mais le plus frappant est que cette proportion d’élèves issus de l’immigration est bien supérieure dans les établissements scolaires que dans le quartier où se trouvent ces établissements. Le phénomène de ségrégation ethnique et sociale est donc accentué par autre chose que l’existence de quartiers défavorisés. Les chercheurs pointent le responsable du doigt : il s’agit du contournement de la carte scolaire. Une pratique qui renforce ce que les auteurs appellent le ghetto scolaire, des établissements dont le niveau baisse, ou les tensions interethniques apparaissent. Pour le dire crûment, les parents ne veulent pas envoyer leurs enfants dans ces collèges ou lycées, même si la carte scolaire les y oblige en théorie.

Le jeu de la carte scolaire.

« Ces familles ont un sentiment de chute sociale », soulignent les chercheurs. On peut ainsi lire ce témoignage d’un parent qui refuse l’établissement que lui réserve la carte scolaire : « Mon gamin ne sera pas mélangé à des gamins qui n’en valent pas le coup. » La réputation des établissements se fait en général par le bouche-à-oreille. Pour y échapper, des familles choisissent parfois le privé, dont les effectifs sont en augmentation. Ou bien ils contournent l’obstacle en inscrivant par exemple leur enfant à une option qui n’existe que dans un autre lycée ou collège. Autre technique : se faire domicilier chez un ami dans un quartier différent de la ville. L’administration, en l’occurrence l’inspection académique, a une application fluctuante des règles, comme l’indique l’enquête des sociologues. Elle acceptera une dérogation par commodité de transport dans un établissement et en refusera une autre pour un enfant qui reste souvent chez ses grands-parents.

Le rectorat répond.

« Notre volonté est d’assurer un maximum de mixité. Et nous sommes très vigilants. Mais on ne peut pas mettre en cause la bonne foi de parents qui disent vouloir inscrire leur enfant dans une option pour de bonnes raisons », explique le recteur de l’académie de Bordeaux, William Marois. Enseignant et représentant du syndicat Sgen-CFDT, Pierre-Marie Rochard regrette que la mixité sociale ne soit pas un « objectif prioritaire de l’administration et du gouvernement ». « On l’a bien vu dans la loi sur l’école qui n’a absolument pas évoqué cette question, alors que c’est essentiel pour la réussite scolaire. » Les ZEP (zones d’éducation prioritaire) censées renforcer l’action éducative dans les quartiers sensibles, présentent d’ailleurs un bilan très mitigé selon une étude récente de l’Insee. Un autre signe du blocage du système scolaire.

« L’Apartheid scolaire », de Georges Felouzis, Françoise Liot, Joël Perroton, Editions du Seuil. En librairie le 7 octobre.

(1) Ces critères ont néanmoins été approuvés par le comité de lecture de la « Revue française de sociologie ».

Bruno Béziat

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