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Témoignages de ZEP (Libération)

2004

Extrait de « Libération » du 01.06.04 : témoignages de ZEP

« Un an d’IUFM, c’est trop court »

Trois institutrices racontent leur passion et leurs déceptions au quotidien

Nos maîtres d’école auraient le blues. S’ils aiment toujours leur métier, voilà qu’ils doutent de leur école. Propos bruts de trois d’entre eux (ou plutôt d’entre elles).

Mathilde 26 ans

Institutrice de CP en zone éducative prioritaire rurale près de Bordeaux

« J’aime ce métier, vraiment passionnément. C’est ce que j’ai toujours voulu faire. » Dans sa région, l’image de l’instituteur vieille école est encore vivace : « Les parents d’élèves me respectent et me font confiance. » Avec ses élèves, elle passe de bons moments : « Je suis fière de leur apprendre à lire, j’aime organiser des événements et qu’ils en retiennent quelque chose. » Parfois, cela ne marche pas, « quand les enfants n’accrochent pas, ils s’agitent, deviennent nerveux. C’est alors à nous de ne pas craquer ».

Dans ces cas-là, Mathilde hésite, s’interroge, met en cause sa formation. « Un an à l’IUFM, c’est trop court. Les cours sont théoriques, en particulier sur la gestion de la classe. Rien n’a été prévu en théorie lorsque les équerres volent à travers la classe. » Elle aurait voulu plus de stages pratiques. « A l’IUFM, on ne dit pas un enfant, mais un "apprenant" », se souvient-elle...

Cécile 28 ans

Professeure des écoles depuis 2001

« Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours voulu être institutrice. » Mais aujourd’hui, après trois ans d’exercice, elle se dit « déçue ». Sa vocation, c’est de travailler dans les zones éducatives prioritaires (ZEP). Elle aime le mélange des cultures. « Notre mission, n’est pas seulement d’apprendre à lire et à écrire, mais de transmettre certaines valeurs comme le respect de l’autre. » Son problème, c’est plutôt l’Education nationale qui l’a affectée à 110 km de chez elle. Pour faire ses 26 heures de cours par semaine, elle doit faire 21 heures 30 de transport. « Les débutants n’ont pas le choix de leur affectation, on les met là où il y a de la place. »
Cécile dit mal supporter le regard de la société sur son travail. A la porte de l’école, un parent d’élève qui lâche : « Ah, ces profs, déjà ils n’en foutent pas une et en plus ils sont incapables d’être à l’heure ! » Chez sa banquière : « Vous avez de la chance, vous êtes toujours en vacances ! » Elle se voit encore professeur des écoles dans quinze ans, mais à 28 ans elle souffre déjà du blues des professeurs : elle est sous antidépresseurs. « C’est une catastrophe pour les enfants », lui a juste dit sa directrice.

Anne-Laure 35 ans

Enseignante en CE1 à Garches (Hauts-de-Seine)

« J’ai la chance de m’occuper d’enfants plutôt privilégiés. Le revers de la médaille, c’est que les parents mettent souvent notre méthode en question. » Sa méthode ? Elle l’a trouvée seule. De l’IUFM où elle a été formée, elle garde un souvenir mitigé : « On faisait beaucoup de pédagogie, mais pas assez de pratique. » L’analyse des grands pédagogues, tel Jean Piaget, l’a laissée sceptique : « J’aimerais le voir devant une classe d’aujourd’hui, je pense qu’il serait complètement dépassé. » Depuis douze ans qu’elle travaille, elle garde l’envie. Mais pense à des améliorations : « Dans notre école, nous avons tout ce qu’il faut comme matériel. C’est peut-être du luxe, mais nous aimerions disposer au quotidien d’intervenants spécialisés dans la musique ou le dessin. Il faudrait aussi bloquer les effectifs des classes. A plus de trente, c’est ingérable. »

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