Le patronat et les ZEP

6 septembre 2005

Extrait du « Figaro » du 05.09.05 : A l’école, les patrons investissent sur l’avenir

De grandes entreprises financent des projets éducatifs, offrent des bourses ou soutiennent des initiatives qui visent à améliorer l’enseignement dans les ZEP. Une alliance entre le privé et l’école publique où tout le monde - patrons, profs et élèves - trouve son intérêt.

Siège d’Axa, avenue Matignon. Autour d’une table, trois enseignants du Val-Fourré font face à Daniel Laurent, l’ancien directeur de l’université de Marne-la-Vallée. Aujourd’hui, le quinquagénaire est le conseiller scientifique de Claude Bébéar, président de l’Institut Montaigne (think tank libéral qui rassemble les patrons du CAC 40) et du conseil de surveillance d’Axa.

A sa gauche, un vieux complice : Christian Forestier, ancien recteur de l’académie de Versailles et président du Haut Conseil de l’évaluation de l’école. Les jeunes profs s’expliquent : « On aimerait étendre le soutien scolaire, faire un voyage de classe... Les gamins veulent bien travailler, mais ils ont besoin d’être aidés, de voir autre chose. » Ils ont manifestement renoncé à demander à leur administration de les aider dans leur lutte contre la ségrégation scolaire... Daniel Laurent sourit : « Il faut faire évoluer les choses au niveau local, pas à coups de circulaires, analyse-t-il froidement. A l’Education nationale, tout le monde est impuissant à faire bouger les choses, mais on va voir ce qu’on peut faire. » A la fin de la réunion, dans les couloirs lambrissés aux sols de marbre, l’un des enseignants confie à ses collègues : « C’est la première fois que je me sens écouté... » Axa et les profs ont fait affaire.

Scénario surréaliste à l’heure où l’on vante les mérites de l’école libre et républicaine ? Pas du tout. L’école n’est plus un sanctuaire, et l’entreprise entend bien y défendre ses intérêts.

Fidéliser des jeunes prometteurs

A travers son pôle « entreprises et quartiers », l’empire de l’assurance soutient fréquemment des initiatives visant à améliorer l’enseignement dans les ZEP. Pas un euro n’est investi. « Notre rôle, c’est de faire du "réseautage". On fait en sorte que les initiatives des profs aboutissent en faisant jouer nos relations dans l’Administration », explique un membre de l’équipe Bébéar.

En revanche, un groupe comme Pinault-Printemps-Redoute n’hésite pas à investir dans des projets éducatifs, à travers sa fondation pour les quartiers, SolidarCité. A la tête de ce service, Patrick Gagnaire, un ancien éducateur de la cité des 4 000. En juin dernier, il a donné environ 10 000 euros aux élèves du collège Jean-Jaurès de Clichy-Montfermeil qui voulaient éditer un ouvrage retraçant la vie et l’histoire de leur quartier bientôt condamné à disparaître.

Une misère si on compare avec les 150 000 euros investis par SFR-Cegetel, qui offre cent bourses à des étudiants de BTS issus de zones urbaines sensibles dans le cadre de l’opération « passeport ingénieurs télécoms ». En partenariat avec le ministère de l’Education nationale et le ministère de l’Emploi et de la Cohésion sociale, l’entreprise s’engage à accompagner les étudiants jusqu’à l’obtention de leur diplôme d’ingénieur télécoms. Un moyen comme un autre de fidéliser des jeunes prometteurs pendant leurs études afin d’être sûr de les recruter à leur arrivée sur le marché du travail. Car c’est là l’une des raisons principales à l’investissement de l’entreprise dans le secteur scolaire. « En France, le phénomène de reproduction sociale fait que nous perdons énormément de talents. Dans les années 50, plus de 20% des fils d’ouvriers pouvaient entrer à Polytechnique, aujourd’hui, moins de 1%. Il est urgent d’aider les quartiers, afin d’élargir le cadre de la sélection des élites », explique-t-on chez SFR.

(...)

Stéphanie Marteau

Répondre à cet article