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Deux articles de fond sur la politique de la ville, la mixité et la mobilité sociales, la politique de zonage..., par Cyprien Avenel (IEP) dans "La vie des idées" et Thomas Kirszbaum (ENS Cachan) dans "Millénaire3" (Grand Lyon)

11 mai 2013

La Politique de la Ville se voit une fois de plus réformée. Inventée pour transformer l’action publique et cibler les quartiers les plus défavorisés, cette politique ne parviendrait pas à transformer les conditions de vie des habitants. Mais doit-on pour autant parler d’échec ?

[..] Enfin, le diagnostic d’échec est prisonnier d’une représentation en trompe l’œil du fonctionnement des quartiers. Le territoire est de fait un lieu ou les individus circulent. Le taux de mobilité résidentielle des habitants dans ces quartiers est
grosso modo le même que celui des agglomérations où ils sont insérés. Or, cette mobilité résidentielle de la population des zones urbaines sensibles engendre des effets négatifs sur le territoire
. Les travaux de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles montrent qu’en jouant « positivement » sur la population par la mobilité engendrée, la Politique de la Ville joue négativement sur le territoire, par le renforcement de la concentration spatiale de la pauvreté ; car ne restent que ceux qui ne trouvent pas de place ailleurs.
Les statistiques produisent donc une illusion d’optique : entre deux photographies du territoire, ce ne sont plus les mêmes gens qui y habitent. Les trajectoires des lieux n’indiquent rien sur les trajectoires des gens .

[...] Faut-il sortir de la logique de zonage ?

Ne faut-il pas alors en finir avec la logique de zonage ? Cette question est d’autant plus importante que l’appréciation de la Politique de la Ville comme un échec tend à remettre en cause l’approche territoriale de la question sociale. Ainsi, les politiques de « discrimination positive territoriale » soutiennent les populations concernées mais contribuent en même temps à leur stigmatisation. Il s’agit là d’une contradiction inhérente aux procédures visant des populations spécifiques spatialement définies . À partir de là, le débat sur la géographie prioritaire oscille entre deux orientations : celle qui prône un renforcement du ciblage territorial, et celle, d’autre part, qui en appelle à un retour à une politique universelle centrée sur les « publics » et les ayants droit et non sur les territoires. On recommande alors d’organiser la Politique de la Ville à l’échelle de la commune et de ne plus la fragmenter par quartier. Entre ces deux positions, se trouve un consensus sur la nécessité d’une approche plus transversale de la question urbaine et sociale impliquant toutes les politiques publiques.

La réforme engagée poursuit l’objectif d’une concentration des moyens spécifiques de la Politique de la Ville et des moyens du droit commun sur des quartiers très ciblés, ceux qui sont les plus dégradés, donc moins nombreux. Car la multiplication au cours du temps du nombre des quartiers ciblés (2500) a engendré une dilution de la géographie prioritaire et un saupoudrage des moyens engagés sur le terrain. Dans cette perspective, le zonage n’est pas un problème en soi, à condition de reconnaître le périmètre ciblé comme un symptôme et non la cause .

Extrait de laviedesidées.fr : La politique de la ville en quête de réforme

 

Thomas Kirszbaum est sociologue, chercheur associé à l’Institut des Sciences sociales du Politique (ENS Cachan-CNRS UMR 7220). Ses recherches portent sur les politiques urbaines d’intégration des minorités ethniques. Il a notamment publié, « Rénovation urbaine. Les leçons américaines », PUF, coll. La ville en débat, 2009 ; « Mixité sociale dans l’habitat », Revue de la littérature dans une perspective comparative, HALDE, Etudes & Recherches, Paris, La documentation française, 2008.

Dans ce texte Thomas Kirszbaum présente une analyse typologique des lieux d’habitat où se pose la question de la mixité sociale. Il aborde la mixité comme un processus et insiste sur l’importance d’accroître la capacité de choix des citadins qui en ont le moins.
Il rejoint en ce sens la notion de capabilité développée par Amartya Sen : "la possibilité de choisir son quartier étant très inégalement partagée, promouvoir la mixité et la mobilité en général revient en pratique à favoriser ceux qui disposent déjà des ressources permettant d’arbitrer entre mixité et entre-soi, entre mobilité et immobilité. Si l’on veut éviter que les politiques urbaines ajoutent de l’inégalité aux inégalités existantes, il faut apprécier la valeur des politiques de mixité et de mobilité à l’aune de ce critère simple qu’est l’augmentation de la capacité de choix des citadins qui en ont le moins."
Thomas Kirszbaum porte un regard critique sur les politiques de seuil, celui des populations dites « défavorisées » dans les quartiers ou des logements sociaux dans les communes. Il propose enfin de dissocier les objectifs de la mixité sociale et de mixité ethnique pour se recentrer sur la promotion socio-résidentielle des populations vivant aujourd’hui dans les quartiers d’habitat social, en les acceptant donc telles qu’elles sont.

Extrait de millenaire3.com Mobilité résidentielle et mobilité urbaine

 

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