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Faire acquérir des concepts et une attitude scientifiques tout en développant des compétences de lecteur, à partir d’une activité de « texte à trous »
par Patrick Avel, enseignant de SVT, IUFM de Créteil
Bien au-delà de ce qui pourrait apparaître comme une simple activité de « vocabulaire » le dispositif pédagogique présenté par Patick Avel a un double enjeu : combler les lacunes du texte rend visibles le travail du lecteur ainsi que la construction de concepts et l’attitude scientifiques. Ce dispositif présente aussi l’intérêt d’être transposable dans d’autres disciplines et différents niveaux d’enseignement.
I. Présentation et analyse du travail proposé dans le document intitulé : « Travail sur la température des objets »
Ce travail qui prend la forme d’un « texte à trous » a été pensé suite à ma participation, comme stagiaire, à une action de formation organisée par le GFEN au profit de la formation continue des enseignants du second degré de l’Académie de Créteil, en 2012. Il s’inspire, dans sa conception, d’un travail qui nous a été présenté et que nous avons, nous-mêmes expérimenté. C’était aussi un « texte à trous », à propos du « Code noir en France, édit du roi touchant la police des îles de l’Amérique française, 1685 ». Ce travail avait été conçu par un collègue enseignant l’histoire et la géographie (Pascal Diard, enseignant au lycée [ECLAIR] Suger de Saint-Denis (93)
Ici, il s’agit d’un texte scientifique. Toutefois, le lecteur qui doit remplir des trous doit faire des hypothèses de lecture convoquant des compétences de lecteur : recherche de la cohérence du texte en s’appuyant d’une part sur quelques connaissances du thème abordé, mais non explicitement présentes dans le texte (processus d’inférences externes) et en exerçant des compétences de lecteur comme la capacité à revenir en arrière dans sa lecture, à éviter une lecture séquentielle d’un texte faisant oublier les informations antérieurement traitées (capacité à faire des inférences internes), à s’engager dans la compréhension globale du texte et non dans la juxtaposition d’îlots de compréhension ; travail sur la cohésion d’un texte puisque la prise en compte de la chaîne référentielle est ici particulièrement nécessaire.
En plus des hypothèses de lecture, le lecteur est engagé à émettre des « hypothèses scientifiques » au début du texte. En fait, il serait plus exact de dire que ce dispositif vise à faire émerger, au début du texte, une conception chez le lecteur à propos de la température relative de deux objets dans une pièce froide, l’un étant en bois, l’autre en métal. Cette conception s’appuie sur des expériences personnelles, sur un vécu. Le lecteur sera amené progressivement à remettre en question cette conception et, si c’est un lecteur attentif et rigoureux, un lecteur capable de revenir en arrière dans sa lecture, il devrait finalement s’interroger sur la nécessité d’« officialiser » son changement de conception en modifiant ses premières réponses. Ce travail présente donc un enjeu relatif à l’attitude scientifique, à la capacité à surmonter ce que certains appelleraient un obstacle épistémologique. Du point de vue de la didactique des sciences il fonctionne sur un « objectif-obstacle ». Obstacle qui sera dépassé par un travail scrupuleux de lecteur.
Le travail se déroule en plusieurs phases : un travail individuel, puis par petits groupes, puis en collectif général, puis de nouveau par petits groupes et finalement en collectif général aboutissant à la validation des mots acceptables et des mots attendus. Un étayage de l’enseignant, en particulier pour engager les lecteurs dans une démarche métacognitive, est nécessaire pour que ces derniers ne passent pas à côté des divers enjeux de ce travail. De même, l’animation de ce travail par l’enseignant peut se faire en proposant aussi, pour les mots manquants, des mots erronés (voir le tableau donné plus bas). Proposer des réponses « fausses » permettrait de mettre à jour des procédures inadéquates. Cela compléterait, si besoin, le travail à partir des propositions des lecteurs qui ne seraient pas acceptables ou suffisamment plausibles. Avant la mise en commun finale devant conduire à la validation des mots acceptables et des mots attendus, on peut, les lecteurs ayant fini de « combler leurs trous », proposer un moment s’apparentant à une auto-correction. Il s’agirait de fournir la liste des mots attendus, mais dans le désordre et, éventuellement, en y incorporant quelques intrus.
Par ailleurs, certaines étiquettes de concepts clés (conduction thermique et conductivité thermique) peuvent manquer au lecteur, puisque celles-ci font partie des mots à trouver. Il s’agit d’engager le lecteur à se focaliser sur la compréhension des concepts avant de posséder leur dénomination. C’est un choix relevant de la didactique des sciences et de celle de la lecture.
Enfin, le début et la fin du texte évoquent des situations similaires, mais nous avons vu que le lecteur passe du statut de lecteur naïf à celui de lecteur éclairé. Il peut être intéressant de se demander à quel genre de textes appartiendrait le texte finalement complété. Celui-ci n’est pas l’exposition d’un savoir scientifique, mais sa mise en scène ; c’est un « texte didactisé ». On peut alors s’employer à élaborer un véritable texte scientifique, un texte d’exposition du savoir scientifique qui était l’un des enjeux de ce travail.
II. Proposition de travail sur la température des objets
Quelques éléments de bibliographie : Notamment
Bernardin J. (1997). « Des mots pour débusquer les concepts : de la pratique à la maîtrise ». Le français aujourd’hui, n° 120. Paris : Armand Colin, pp. 97-117.
En ligne
Le dispositif pédagogique (7 pages)
Extrait du CARMaL (Centre Académique de Ressources sur la Maîtrise de la Langue de l’académie de Créteil) du 21 janvier 2013 : Faire acquérir des concepts et une attitude scientifiques tout en développant des compétences de lecteur, à partir d’une activité de « texte à trous »