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Jacques Bernardin (GFEN), sur les décrocheurs : il s’agit moins de multiplier les formules compensatoires ou substitutives que d’interroger l’approche des contenus

24 décembre 2012

Edito de l’ACTU de décembre 2013

Contribution à la réflexion sur la refondation de l’école... à propos de l’externalisation de la difficulté scolaire.

par Jacques BERNARDIN

L’institution scolaire n’a pas cessé de jouer les centrifugeuses, renvoyant le traitement des difficultés à sa périphérie. Bien des dispositifs d’aide ont été imaginés, hors ou dans l’école, mais avec quels effets ? Les élèves décrochent sous la conjugaison d’une pluralité de facteurs : si le contexte socio-familial importe, l’expérience scolaire compte aussi. Et si demain, plutôt que de chercher à réparer le décrochage, on préparait mieux l’ « accrochage » ?

Les « décrochés » raccrochent rarement

On a multiplié les dispositifs d’aide jusqu’à saturer les élèves qui déjà, en avaient assez, comme le note l’IGEN en 2009[1] : c’est source de fatigue, on constate « une certaine saturation en matière de soutien scolaire entre l’AP et l’accompagnement éducatif » (p. 12) et l’effet est peu durable sur les apprentissages, notamment pour les plus en difficulté. On a aussi tenté de modifier les rythmes scolaires, avec les cours le matin et le sport l’après-midi. Selon la DEPP, les effets sont décevants : pas d’influence notable sur la ponctualité, les absences, les sanctions, pas plus que sur les capacités de concentration, d’attention, de mémorisation et d’efforts. Quant aux dispositifs relais, ils servent moins à remettre les élèves en selle qu’à se débarrasser des perturbateurs et voient leurs efforts ruinés quand rien n’est changé lors du retour dans l’établissement d’origine[2].

Un peu plus du même ici, de façon un peu moins dense là ou évacuation du problème : dans chaque cas, on se situe dans une approche déficiente de l’élève sans jamais interroger le contenu des cours. Or, si c’est face à l’ordinaire des apprentissages que le problème se révèle, il faut avoir l’humilité d’en interroger les faiblesses. Autrement dit, viser la démocratisation exige moins de multiplier les formules compensatoires ou substitutives que d’interroger l’impensé autour duquel se jouent les destins scolaires : l’approche des contenus.

D’abord et essentiellement, les « accrocher »...

C’est moins l’habillage des tâches que leur épaisseur culturelle et cognitive qui compte. Les élèves ont besoin de situations dont ils perçoivent les enjeux et la portée, que ce soit en termes de mise à l’épreuve de soi, de découverte bouleversant leur représentation du réel ou d’œuvre ouvrant à une autre expérience du monde. Ce n’est pas avec des activités « faciles » que se (re)construit l’estime de soi, mais en venant à bout de ce qui est perçu comme insolite, énigmatique, complexe : le défi donne envie de se dépasser... puis de reconduire l’expérience.

Anticiper les obstacles, imaginer leur mise en scène dans une progressivité des sauts cognitifs : la préparation est essentielle mais pas moins que la conduite. Si la présentation de la situation permet d’en éclaircir l’enjeu, la véritable mobilisation s’opère dans l’activité, quand l’implication de chacun rencontre le point de vue des pairs. L’échange argumenté stimule le cheminement jusqu’à la résolution et la réussite est plus forte d’être partagée. L’important n’est pas tant le résultat que les moyens d’y parvenir : dévoilement des procédures, du travail intellectuel jusqu’alors insu dont tous les élèves profitent. Passage du faire au comprendre, moment essentiel de la prise de conscience qui est condition du transfert : tous y ont droit !

[1] Claus P. & Roze O. (2009), N , « Troisième note de synthèse sur la mis en œuvre de la réforme de l’enseignement primaire », Rapport IGEN-IGAENR, n°2009-072, juillet 2009

[2] Jeanne Benhaim-Grosse (2012), « Les pratiques éducatives et pédagogiques de enseignants auprès des élèves accueillis en dispositif relais année 2009-2010 », Note d’information 12-14, MEN, DEPP B4.

Extrait de gfen.asso.fr du 22.12.12 : Quelle orientation de l’école pour les élèves désorientés ?

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