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B* Projet d’expérimentation (article 34) de l’école ECLAIR Lamartine à Lavelanet (Ariège) : Classes de cycle 3 : mise en oeuvre d’un cycle d’apprentissage « multiâges » et « pluriannuels »

16 novembre 2012

Document rédigé par Lynda Schoefflen, directrice de l’école ECLAIR Lamartine à Lavelanet (Ariège)

Classes de cycle 3 : mise en œuvre d’un cycle d’apprentissage « multiâges » et « pluriannuels »

Projet d’expérimentation (article 34), en attente de validation

 Présentation, constats et analyse de départ

L’école élémentaire Lamartine fait partie du dispositif ECLAIR de l’Ariège. Elle se compose de 8 classes ordinaires et d’une Classe d’Inclusion Scolaire (depuis la rentrée 2012). Elle accueille des enfants dont les situations familiales et sociales sont difficiles.

Les constats faits en avril 2011 lors d’un conseil de cycle 3 sont les suivants :

  • • Les résultats aux évaluations nationales des CM2 sont en dessous des moyennes départementale, académique et nationale en français et en mathématiques.
  • • Le nombre de maintiens est encore trop élevé, alors que l’on sait que le « redoublement » est une mesure de compensation sommaire et peu efficace pour
    la plupart des élèves.
  • • Des actes de violence et d’incivilités et des effets de cohorte d’élèves issus d’une
    même tranche d’âge sont de plus en plus fréquents dans les classes et dans l’école.
  • • Les familles de nombreux élèves n’ont pas les moyens, les compétences, le temps requis pour soutenir la scolarité de leurs enfants.
  • • Enfin, même si les enseignants travaillent « en cycle », on constate un manque de cohésion dans la continuité des apprentissages car ils se partagent les années et
    reconstituent des degrés en constituant des groupes stables correspondant à une
    classe d’âge.

Partant du principe que l’école se doit de tenir ses promesses pour tous les élèves, quelles que soient leur origine ou la condition sociale de leurs parents, les enseignants des classes de cycle 3 ont décidé d’aller au-delà du simple constat des difficultés de leurs élèves et ont réfléchi ensemble aux moyens de lutter contre l’échec scolaire et les inégalités.
Comment faire mieux apprendre ? Comment accroître la continuité de la prise en charge éducative ? Comment mieux tenir compte des rythmes d’apprentissage des élèves ? Comment améliorer le climat scolaire tout en favorisant l’autonomie, la prise d’initiatives et le sens donné aux apprentissages ?
La pédagogie différenciée est d’emblée apparue comme une réponse satisfaisante. La pédagogie différenciée commence par le refus de « l’indifférence aux différences » (Bourdieu, 1966). « Différencier, c’est faire en sorte que chaque élève soit, aussi souvent que possible, placé dans une situation féconde pour lui. » (Ph. Perrenoud) Les enseignants se sont ensuite interrogés sur la structure pédagogique qui favoriserait au mieux la différenciation pédagogique, la coopération entre les élèves et optimiserait les situations d’apprentissage. Ils ont décidé d’expérimenter, dès la rentrée 2011, un nouveau mode d’organisation en répartissant les 98 élèves de cycle 3 dans 5 classes « multiâges ».

 Hypothèses et objectifs

Hypothèses :
1. La classe de cycle regroupant des élèves d’âges différents favorise la continuité pédagogique pendant la durée d’un cycle.
2. Au sein de la classe de cycle, chaque élève trouvera la proposition adaptée à ses besoins (pédagogie différenciée).
3. La classe de cycle permet des interactions fructueuses entre des groupes hétérogènes et modère la violence (coopération).
4. La classe de cycle nécessite de nouvelles réponses didactiques et favorise le travail en équipe et le partage d’expériences.

Objectifs :

  • Permettre à tous les élèves d’acquérir les compétences du Socle (paliers 1 et 2),
    donc réduire le nombre de maintiens et réduire les écarts avec les moyennes départementales.
  • Aider les élèves à devenir autonomes, à prendre des initiatives et à donner du sens aux apprentissages.
  • Améliorer le climat dans les classes et dans l’école

Axes du projet d’école 2011/2014 :

  • Axe 1 - Permettre à tous les élèves d’acquérir le Socle commun de connaissances et de compétences en améliorant la maîtrise des apprentissages fondamentaux.
  • Axe 2 - Personnaliser les parcours des élèves.
  • Axe 3 - Créer un climat scolaire, pédagogique et éducatif, de qualité favorisant la réussite de tous les élèves.

 Organisation proposée

Classes concernées :
Tous les élèves des classes de cycle 3 de l’école sont concernés : 5 classes regroupant 98 élèves à la rentrée 2011 (et 4 classes regroupant 90 élèves à la rentrée 2012).
Les classes sont hétérogènes avec une répartition des élèves équitables (6 à 8 élèves par tranche d’âge). Le groupe de base est un groupe multiâges, qui se renouvelle par tranche chaque année (le groupe étant rejoint chaque année par des plus jeunes et quitté par les plus âgés).
La durée de traversée du cycle est de 3 ans. De façon très exceptionnelle, dans des situations personnalisées étudiées et négociées au cas par cas, le parcours de l’élève peut être raccourci ou prolongé d’une année.
L’équipe informe régulièrement les parents d’élèves sur le fonctionnement des classes de cycle 3 (réunion d’information et de présentation du projet d’expérimentation en juin 2011 pour tous les parents d’élèves de l’école et réunions de rentrée en septembre 2011 et septembre 2012 pour les parents d’élèves de cycle 3). L’expérimentation est inscrite dans le projet d’école.
Le groupe-classe est le groupe de référence pour l’élève et demeure le cadre privilégié pour la plupart des activités scolaires. L’enseignant responsable de ce groupe est celui qui propose des aménagements et des parcours diversifiés en fonction des besoins de chacun de ses élèves.

Modalités pédagogiques :
« Les cycles d’apprentissage pluriannuels paraissent offrir une solution plus souple et plus prometteuse en permettant une diversification « intelligente » des parcours de formation et des rythmes de progression. On peut espérer de la sorte placer moins d’élèves dans des situations absurdes, les uns parce qu’ils n’avancent pas et s’ennuient, les autres parce que cela va trop vite pour eux. » (Ph. Perrenoud, 2012) La classe de cycle crée la nécessité de mettre en œuvre de nouveaux dispositifs de gestion et de didactique :

● Maîtriser la continuité des apprentissages : Pour assurer un suivi cohérent des élèves et de leurs apprentissages tout au long du cycle, le fonctionnement en classes de cycle 3 semble être une modalité de travail pertinente. Puisque aucun savoir ne se construit en une seule fois et qu’il doit être repris et retravaillé dans des contextes variés, la classe de cycle permet à chaque élève de consolider ses acquis, de s’entraîner et de les transférer vers de nouveaux objets d’apprentissage. En fin de cycle 2 et de cycle 3, pour les élèves encore loin de la maîtrise des compétences visées, il faut prévoir des modules intensifs de mise à niveau et de consolidation. On peut envisager des modules de transition entre deux cycles. Ces mesures s’inscrivent dans le PPRE de l’élève.

● Enseigner par compétences : Le Socle Commun de Connaissances et de Compétences (2005) et le Livret Personnel de Compétences (2008) inscrivent explicitement l’enseignement par compétences dans les textes officiels. C’est une transformation majeure de la façon de « faire classe » pour les enseignants. C’est une démarche qui s’inscrit à la fois dans la différenciation pédagogique, dans l’approche constructiviste des savoirs, dans la pédagogie de projet et dans la transdisciplinarité.

● Pratiquer une pédagogie différenciée : En français et en mathématiques, les apprentissages prennent en compte les besoins et le rythme des élèves. Chaque élève choisit son niveau de difficulté (niveau de 1 à 3 ou de 1 à 4) et peut en changer s’il le souhaite. La différenciation porte sur les moyens et les modalités de travail (consignes, méthodes, étayage et médiation par l’adulte ou un pair,...), mais l’objectif d’apprentissage reste le même pour tous les élèves. La pédagogie différenciée n’est pas une proposition variée et diversifiée d’activités successives, mais une différenciation portant sur le même objectif dans le même moment. L’enseignant utilise tous les espaces disponibles (la salle de classe, les locaux annexes) et circule d’un groupe à l’autre pour apporter de l’aide, relancer l’activité ; il concentre sa présence auprès des élèves les plus en difficulté. L’élève n’est pas rattaché à un groupe de niveau, il peut en changer en fonction de sa maîtrise et dès que son besoin est comblé.

● Proposer des enseignements modulaires : L’enseignement des sciences est proposé sous forme de modules que les élèves choisissent en début d’année scolaire. L’ensemble du programme de sciences pour le cycle 3 est présenté aux élèves et ceux-ci s’inscrivent dans différents modules pour l’année en cours (en sachant qu’ils devront en choisir d’autres les années suivantes). Chaque enseignant est responsable de plusieurs modules (6 séances pour les modules courts et 12 séances pour les modules longs) deux fois une heure par semaine. Ces modules intensifs permettent de travailler les compétences relatives aux sciences dans une démarche d’investigation au travers de projets, recherches et situations-problèmes.

● Permettre aux élèves de mesurer leur progrès : Afin de donner du sens aux apprentissages et de valoriser leurs progrès, des outils d’autoévaluation sont proposés aux élèves : portfolio, journal des apprentissages, grilles de compétences... En pratiquant une évaluation formatrice et en proposant des outils de métacognition à leurs élèves, les enseignants des classes de cycle 3 ont décidé d’aider leurs élèves à donner du sens aux activités scolaires.

● Évaluer les compétences des élèves : L’évaluation se fait sans notes. Elle est formative (et formatrice). Elle permet de situer régulièrement chaque élève par rapport aux objectifs de fin de cycle 3. Les évaluations sont communes à tous les élèves (avec trois niveaux de difficulté) et présentent en en-tête les compétences évaluées. Un livret de cycle 3, créé par les enseignants pour répondre au fonctionnement des classes de cycle, présente les compétences de fin de cycle et permet de visualiser pour une même compétence son degré d’acquisition durant les trois années du cycle.

● Mettre en place des projets coopératifs : La pédagogie de projets, les situations-problèmes, le travail de recherche permettent des interactions fructueuses entre les
élèves et permettent des conflits socio-cognitifs. La pédagogie constructiviste trouve toute sa place dans ces classes multiâges. La vie de la classe est basée sur l’entraide, l’autonomie, l’initiative et le tutorat entre élèves. Le projet culturel ECLAIR, le projet d’école et les projets de classes offrent aux élèves de multiples occasions de s’initier à la coopération et à l’esprit d’initiative (spectacles, tournois sportifs, classes découvertes, sorties scolaires, correspondances,…)

● Décloisonner pour accroître l’efficacité du dispositif :

  • 1) Dédoublement des classes en TUIC : afin de permettre aux élèves de valider les compétences du B2i et de s’entraîner en calcul mental et réfléchi avec des logiciels adaptés (Calcul@tice), l’assistant pédagogique en informatique, responsable de la plateforme informatique de l’école, prend en charge la moitié d’une classe. L’enseignant reste le responsable pédagogique de cet enseignement, mais confie à l’assistant informatique une partie de ses élèves (article 34) tandis que l’autre moitié reste en classe pour travailler un manque à combler (groupes de besoin). Les groupes sont ensuite inversés pour que chaque élève bénéficie de la même offre de formation.
  • 2) Dédoublement des classes grâce à la présence de l’intervenant en EPS (deux séances de 1 heure par semaine) : l’intervenant municipal en EPS prend en charge une classe entière (20 élèves) ou deux demi-classes (2x10 élèves) (Article 34) et propose des modules d’activités : jeux collectifs, activités gymniques,... L’enseignant reste le responsable pédagogique de l’enseignement. L’enseignant travaille en binôme dans une autre classe (groupes de besoin ou groupes de projets). Les activités sportives se déroulant à l’extérieur de l’école (natation, ski, rencontres USEP,etc.) sont encadrées par l’enseignant de la classe et l’intervenant sportif.

Tâche pour l’équipe enseignante :
Les enseignants du cycle 3 travaillent en équipe et sont solidairement responsables des parcours de l’ensemble des élèves.
L’objectif pour l’équipe est de personnaliser les apprentissages afin d’enrayer la tendance à l’accroissement du taux d’élèves en difficulté sur les compétences de base.

Organiser le travail d’une centaine d’élèves de cycle 3 n’a pas été simple dans un métier où l’on a pris l’habitude de travailler seul face à « sa » classe. Un cycle d’apprentissage « multiâges » et « pluriannuels » demande une forte coopération professionnelle. Il a fallu (et il faut encore) trouver des compromis entre l’autonomie, la liberté pédagogique de chacun et une certaine cohérence de l’ensemble. La répartition équitable et flexible des préparations, la création des groupes et des modules, la définition de l’ensemble la programmation commune et des progressions, la création d’outils d’évaluation et d’auto-évaluation et du livret scolaire, l’organisation de l’aide personnalisée et de l’accompagnement éducatif comme dispositifs nécessaires de lutte contre les inégalités, sont autant de tâches nouvelles pour les enseignants. Ces nouvelles compétences du métier d’enseignant peuvent vite apparaître comme des contraintes supplémentaires si l’on ne perçoit pas le gain d’efficacité, de temps et de pertinence de cette coopération professionnelle.

Heureusement, la politique éducative de la Municipalité permet de disposer d’espaces, de ressources et de conditions de travail favorables à la mise en œuvre d’un tel projet. Toutes les salles de classes sont équipées d’ordinateurs, de casques/micros, de tablettes graphiques, d’un vidéoprojecteur et d’un mur de projection. L’école dispose d’une plate-forme informatique avec la présence permanente d’un assistant pédagogique en informatique. De nombreuses salles annexes non occupées ont été aménagées pour le travail de groupe, les décloisonnements et les divers projets.
Des outils informatiques permettent de garder une mémoire partagée des activités suivies par chaque élève, des projets, du travail mutualisé des enseignants, des évaluations, des décisions prises... L’ensemble du travail collectif est enregistré dans la Dropbox (espace commun de stockage de documents numériques) et dans l’ENT Beneylu (expérimentation départementale).

Le plan départemental de formation nous a permis de bénéficier de stages « école », d’animations pédagogiques en « interne » afin de répondre à nos besoins de formation.
Un travail de collaboration avec les enseignants-chercheurs de l’Université de Toulouse (pôle de formation – site IUFM de Foix) s’est mis en place en juin 2012. Des questionnaires en ligne, élaborés par les étudiants en Master 1 et 2 de psychologie se préparant aux métiers de l’enseignement, sont proposés à tous les élèves de cycle 3 deux fois par an pour mesurer leur motivation scolaire (Ce partenariat s’inscrit dans le cadre d’une convention). Les résultats nous permettront d’analyser le bénéfice de notre dispositif.

Conclusions et perspectives

Dans nos classes de cycle 3, il est important que chaque élève puisse mesurer ses progrès non par rapport aux autres mais par rapport à ses propres compétences, ses besoins et ses manques. Pour cela, les enseignants accompagnent les élèves dans l’autoévaluation et la métacognition. Les enseignants ne doivent ni s’enfermer dans un fatalisme lié à l’inégalité sociale, ni ignorer que l’élève en difficulté est en grande souffrance, un enfant qui ne s’autorise pas, qui renonce à s’épanouir. Les enseignants créent un climat propice aux apprentissages dans leur classe, mais aussi dans l’école, en aidant les élèves à donner du sens aux activités. Donner à l’élève l’envie d’apprendre et le sentiment d’en être capable, créer du collectif et aider chacun au plus près de ses besoins, donner du sens aux apprentissages sont les clés d’une pédagogie qui cherche à lutter contre l’échec scolaire.
L’interaction sociale, indispensable aux apprentissages des élèves, l’est autant pour nous, enseignants, dans l’exercice de notre métier. Le projet de travailler ensemble manifeste un besoin de partager et de réfléchir sur nos pratiques, d’échanger et de participer à une expérimentation collective visant l’amélioration du climat dans les classes et un meilleur suivi des élèves en difficulté.

Pour la rentrée 2013, nous poursuivrons donc cette troisième année d’expérimentation des classes de cycle 3 au sein de notre école. Nous souhaitons, dès à présent, réfléchir à une meilleure utilisation du temps de l’enfant en travaillant étroitement avec les services péri-scolaires (nouveaux rythmes scolaires). Nous tenterons aussi d’ouvrir les espaces entre les classes afin de tenir davantage compte des nécessités des élèves : regrouper les élèves par groupes de niveaux, de besoins, de projets, de modules intensifs, tout en conservant un groupe d’appartenance stable avec un enseignant référent, source d’identité et de sécurité pour l’élève.

Source : Correspondance.

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