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Une équipe autour du projet de discrimination positive
Clientèles communautaires contre cohérence de l’idéal républicain
30 juillet 2005Extrait de Revue républicaine du 28.07.05 : Discrimination positive : un gouvernement miné
En visite à La Courneuve le 27 juillet 2005, Nicolas Sarkozy a réaffirmé qu’il était favorable à la discrimination positive. Dans ce projet, il trouvera un allié sûr en la personne d’Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l’égalité des chances, qui remplit son cabinet de fervents partisans de cette pseudo-panacée des politiques d’intégration.
On repère ainsi Laurence Méhaignerie, fille de Pierre, très proche de Yazid Sabeg, puisqu’elle est d’abord co-auteur avec lui du rapport de l’Institut Montaigne Les Oubliés de l’égalité des chances [1], et qu’elle était, jusqu’en juin dernier au sein de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine [ANRU], chargée de mission au comité d’évaluation et de suivi présidé par M. Sabeg. Ce dernier, qui figure parmi les leaders de la communauté arabo-musulmane en France et incarne le « Beur qui a réussi », est aussi un énergique et inlassable défenseur de la discrimination positive.
On trouve aussi dans l’équipe Patrick Rajoelina, attaché de préfecture qui a connu des cabinets ministériels de gauche - Kofi Yamgnane, Marie-Noëlle Lienemann - et des mairies de droite - il quitte un poste de secrétaire général de Nogent-sur-Marne - mais aussi ancien secrétaire général de Communication & Systèmes, l’entreprise dirigée par le même Yazid Sabeg...
« Mouton noir » de cette équipe, Nora Barsali, conseillère technique chargée de la communication et de la presse, co-auteur d’un livre intitulé Génération Beurs : Français à part entière [2] - qui comporte, parmi d’autres, un portrait de... Yazid Sabeg -, a pris clairement position contre toute forme de discrimination positive. Saura-t-elle faire entendre un autre son de cloche ?
Préparer le renversement
« Si on ne fait pas du cousu main [dans les quartiers difficiles], on n’a aucune chance de réussir », a donc plaidé Nicolas Sarkozy devant les chefs d’entreprise et les responsables associatifs de la commune réunis à la mairie de La Courneuve. « C’est pour cela que je suis convaincu de la nécessité de la discrimination positive », a-t-il soutenu. Ce faisant, le ministre de l’Intérieur, trop intelligent pour le faire involontairement, confond le principe d’une action géographiquement localisée, à savoir la concentration de moyens spécifiques dans certains quartiers « difficiles », avec le traitement ethnique des difficultés sociales. C’est là le cœur de ce qui rend dangereux son discours : l’entretien d’une confusion des concepts qui, au nom de son idée du corps social segmenté en clientèles communautaires, sape la cohérence de l’idéal républicain.
En effet, l’idée d’abord exprimée par Nicolas Sarkozy de « faire du cousu main » dans les quartiers difficiles fait penser à la prise de mesures géographiquement différenciées et renvoie donc aux politiques pratiquées depuis de nombreuses années telles que, notamment, les zones d’éducation prioritaire ou des zones franches, avec efficacité et sans préjudice de l’égalité républicaine puisque la différence de traitement porte sur des territoires et non sur des catégories de population. En revanche, la notion de « discrimination positive » telle que le ministre, qui avait fait nommer un « préfet musulman », la laisse interpréter, conduit à une tout autre logique. Celle qui incruste les caractères ethniques dans l’espace public et en fait, sans lien de causalité directe entre le caractère et l’aptitude à exercer et faire valoir ses droits, le fondement de mesures différenciées.
En d’autres termes, Nicolas Sarkozy parle à la fois de réinventer les ZEP tout en laissant penser qu’il introduit aujourd’hui dans le débat, demain peut-être dans la loi et dans les consciences, l’idée que l’égalité des droits et des chances n’est plus la condition préalable à la réalisation de la République, mais son aboutissement. Entre temps, il se sera assuré une clientèle électorale [3], mais au prix du renversement des valeurs républicaines.
Dominique de Villepin, qui semble vouloir enrayer le processus, saura-t-il imposer dans la durée un discours républicain face aux apôtres déclarés, au sein de son propre gouvernement, de la différence des droits ?
[1] Yazid Sabeg et Laurence Méhaignerie, Les Oubliés de l’égalité des chances, Institut Montaigne, janvier 2004. Voir nos commentaires sur ce rapport.
[2] Voir sur Amazon.fr.
[3] Voir pour s’en convaincre les jeunes de la « génération Sarko » à l’UMP, où l’on trouve une forte proportion de Noirs et de Beurs, auprès de qui la « discrimination positive » a fait mouche.
Egalité des chances et ethnicisation dans les ZEP, avec Yazid Sabeg et Laurence Méhaignerie