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A propos du projet de budget 2012, le Quotidien des ZEP a cité une information de presse, présentée comme de source ministérielle, qui faisait fait état d’un « plafond » d’élèves par classe « réglementairement » fixé à 25 dans les écoles et collèges en éducation prioritaire.
Un correspondant nous ayant interrogés sur l’existence réelle de ce seuil, nous sommes en mesure, après vérifications, d‘apporter les précisons suivantes.
Au niveau national
Malgré une croyance bien établie dans le milieu scolaire, souvent reprise par la presse à l’occasion de revendications locales d’enseignants ou de mouvements de parents, il n’existe aucun texte officiel de portée nationale limitant les effectifs en éducation prioritaire.
Nous n’avons pas trouvé non plus de déclaration ministérielle publique à ce sujet (sauf celle citée ci-dessus, qui provient peut-être d’un malentendu).
Un ancien de l’OZP se souvient d’ailleurs de déclarations entendues dans des réunions au ministère il y a bien longtemps : « Jamais, on ne fixera un seuil ou un plafond chiffré, d’abord pour une question de principe, car avoir moins d’élèves par classe en ZEP est une question symbolique, ensuite parce qu’il s’agit d’une réalité mouvante dans le temps et dans l’espace, enfin parce que des limites chiffrées seraient ici ou là enfreintes, inévitablement, pour des raisons de gestion technique des postes disponibles ».
Il s’avère en effet que ce seuil a une valeur purement symbolique. Il n’a pas de valeur réglementaire et il n’est pas un outil de gestion (un « faux-plafond » en quelque sorte…). Il a bien existé une grille (dite « grille Guichard », du nom du ministre de l’Education de 1969 à 1972), avec des seuils automatiques d’ouverture et de fermeture de classe dans les écoles élémentaires, mais cette grille a été supprimée en 1981 par la gauche. Un effet de seuil donnait un poids démesuré à la présence d’un élève de plus ou de moins.
Au niveau académique
C’est seulement au niveau rectoral, voire départemental, qu’on peut faire état (des sources fiables nous l’ont confirmé) de déclarations et discours de responsables sur ce sujet. Le plus souvent cela reste oral, ou, lorsque c’est écrit, ce chiffre de 25 a une valeur purement symbolique, c’est un objectif ou un constat mais non un outil de gestion.
Pourquoi ce chiffre de 25 élèves a-t-il rencontré un tel écho et s’est-il autant diffusé ?
Parce que justement c’est un symbole fort. Ce sont les enseignants et les parents qui peuvent, par la légitimité qu’ils lui accordent le transformer en « norme ». C’est ainsi que le nombre d’élèves par classe a diminué fortement sous leur seule influence. Il reste le moyen le plus « parlant » dans le débat public pour indiquer une surcharge des classes, (En 1953 déjà, Célestin Freinet avait popularisé la revendication de « 25 élèves par classe ».)
Les ZEP n’étant caractérisées dans le débat public que par l’existence de moyens supplémentaires, ce chiffre y prend une valeur très particulière, et plus encore en cette période de réduction massive de postes dans l’Education nationale.
Des précisions techniques sur les notions de seuil et de moyenne
Ce symbole commode ne peut avoir qu’une valeur indicative, proche de la « réalité » dans les écoles, mais plus éloignée dans les collèges.
Il importe de distinguer seuil et moyenne ainsi que effectif moyen par classe dans l’école et collège et effectif de chaque classe.
Dans les écoles, il y a une différence entre le nombre d’élèves de chacune des classes et la moyenne de l’école (nombre total d’élèves divisé par le nombre de classes). On peut combiner différemment la taille des classes, par exemple en aménageant des cours préparatoires à effectifs moindres ou en variant les effectifs des classes à plusieurs niveaux, lesquelles existent forcément dans la grande majorité des écoles à partir du moment où toutes les écoles ne sont pas à cinq, dix ou quinze classes : les effectifs par année d’âge varient, le nombre de redoublants n’est pas constant, etc.
Dans les écoles maternelles, la pratique la plus fréquente est d’accueillir autant d’élèves qu’on le peut sans dépasser un seuil (qui est aujourd’hui le plus fréquemment de 30 élèves). Les élèves les plus jeunes servent de variable d’ajustement puisqu’il n’y a pas d’obligation d’accueillir tous les enfants dès deux ans.
Il faut distinguer "seuil" et "moyenne". Par exemple s’engager, comme l’a fait récemment une responsable politique, à ne pas dépasser 25 élèves par classe signifie en pratique que les écoles auront en moyenne 22 ou peut-être 23 élèves par classe, la plupart des classes ayant de 20 à 25 élèves, cette moyenne pouvant descendre à 19 ou 20 dans les écoles à 2 ou 3 classes. Une moyenne de 25 élèves, elle, se traduit par des classes comprises pour la plupart entre 23 et 28 élèves.
Dans les collèges, cette notion de moyenne perd une partie de sa signification. Ce nombre désigne seulement l’effectif en classe entière. Il ne comprend pas toutes les heures d’enseignement en effectifs différents : langues vivantes, options, soutien, dédoublements, etc., ni les heures hors présence des élèves. On peut même dire qu’une des caractéristiques des collèges les plus « autonomes » est qu’une proportion assez importante de la dotation horaire est affectée à ces heures « différentes », quitte à élever le nombre moyen d’élèves par division. En ZEP, c’est une question-clé de savoir si presque tous les moyens supplémentaires servent à diminuer l’effectif moyen par classe ou sont affectés à d’autres initiatives (pour l’ensemble des ZEP, la différence était d’environ deux élèves par classe en moins et de 3 en RAR).
En collège, l’indicateur opérationnel est le ratio H/E ou nombre d’heures hebdomadaires de la DHG (dotation horaire globale) divisé par le nombre d’élèves du collège. C’est la DHG qui est négociée entre le collège et les services académiques : l’attraction de ratios uniformes, particulièrement forte en période de restriction, est tempérée par la prise en compte des publics dits « difficiles » ou des projets et expérimentations. Ajoutons que la prise en compte des élèves handicapés introduit d’autres variations.
Précisons que nous n’arrivons pas à trouver de statistiques récentes sur le H/E tenant compte de l’impact de la réduction des moyens. Il tournait autour de 125 heures pour 100 élèves. Pour les collèges en éducation prioritaire, un cœfficient majorait le ratio d’environ 8 à 10% selon les académies. A noter que les petits collèges ruraux représentaient un surcoût souvent aussi important que l’éducation prioritaire.
Annexe : Deux documents de source associative et syndicale (et non administrative) au niveau départemental, relevés sur Internet.
Norme départementale de référence (PEEP 78)
Grille départementale seuils ouverture et fermeture de classes (SNUipp Haute-Marne, avril 2011)