Les ZEP en question au PS

12 mai 2005

Extrait de « L’Hebdo des socialistes » du 09.05.05 : dans son livre « le ghetto français », le sociologue Eric Maurin dresse un état des lieux frappant des zones d’éducation prioritaires.

Question : les inégalités de contexte entre enfants restent insensibles aux efforts réalisés dans le cadre de la politique de la ville. Est-ce que cela signifie que la politique de ZEP a échoué ?

Eric Maurin : selon les évaluations disponibles, les élèves scolarisés en ZEP ne progressent pas plus vite que ceux scolarisés hors ZEP. En fait, on ne constate pas d’amélioration des performances des élèves après le classement de leur établissement en ZEP. Certains se demandent si cela ne serait pas pire s’il n’y avait pas la politique ZEP. A mes yeux, le fait qu’il n’y ait pas d’inflexion dans les résultats d’un établissement après son classement en ZEP prouve assez clairement que la politique ne marche pas. Ce n’est pas vraiment un échec mais un bilan très décevant.

Question : des études montrent pourtant, par exemple, l’impact de la taille réduite des classes. Pourquoi les ZEP ne parviennent pas à remplir leurs missions ?

EM : le problème de la politique de ZEP n’est pas dans son principe, mais dans sa mise en œuvre. Il y a plusieurs problèmes. En premier lieu, un problème de ciblage : l’élève moyen de ZEP n’est pas particulièrement représentatif des élèves vraiment défavorisés ; les élèves en difficulté ne sont pas bien ciblés.

Deuxième problème : du fait de son ancrage territorial, le système n’évolue que par inflations successives. Cela conduit à un saupoudrage des moyens sur une masse d’élèves aujourd’hui considérable. Concrètement, pour un élève de ZEP, le surcroît de ressources est d’environ de 10%, ce qui aboutit à 1 ou 2 élèves de moins par classe, à peine.

L’effet de ce surcroît de ressources est très faible. A ceci s’ajoute un problème de stigmatisation. Classer une zone en ZEP a pour conséquence que les classes moyennes et supérieures ne s’installent plus dans la ZEP. Le contexte se dégrade.

Question : vous proposez dans votre ouvrage de cibler non les territoires mais les individus. Est-ce dans ce sens qu’on doit réformer le système éducatif des moins favorisés ?

EM : je dirais cibler les publics de cette institution particulière, l’école. Il faut cibler les écoles non pas en fonction de leur territoire mais du public qui effectivement les fréquente. Il ne faudrait pas aider chaque année les écoles en fonction de la zone particulière dans lesquelles elles se trouvent mais en fonction de la pauvreté effective des enfants accueillis par l’école. Le ciblage serait alors beaucoup plus précis et efficace, les exemples étrangers le montrent. Aider les enfants défavorisés pour aider les territoires, plutôt que l’inverse.

Question : vous citez à plusieurs reprises les modèles scolaires suédois, anglais ou norvégiens de l’enseignement supérieur. Y a-t-il des enseignements à tirer des expériences de nos voisins européens ?

EM : ces modèles ont tous en commun d’avoir réformé l’enseignement supérieur mais aussi l’école. Dans ces pays, la mise en concurrence des élèves et la sélection sont moins précoces qu’en France, les journées de travail pour les élèves sont moins lourdes. Il n’y a pas de redoublements. Au regard des évaluations internationales, ces modèles réussissent plutôt mieux que la France.

Propos recueillis par Ariane Gil.
Eric Maurin « Le ghetto français », coll. La république des idées, Edition du Seuil, 2004.

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